La Présidente sortante a gagné haut-la-main hier les élections primaires (PASO : primaires ouvertes, solidaires et obligatoires) en remportant plus de 50% des suffrages exprimés pour le mandat de chef de l'Etat, mandat pour lequel ces élections faisaient en fait office de pré-premier tour puisque chaque parti ne présentait qu'une seule formule, un seul tandem pour la tête de l'exécutif (Président et Vice Président).
On s'embrouille un peu ce matin dans la une des journaux avec la réalité des chiffres mais une chose est certaine : que Cristina Fernández de Kirchner ait recueilli 50,16% des voix (comme l'annonce Página/12), 50,2% (La Nación et La Prensa) ou 50,03 % (comme le lui concède Clarín), son score d'hier lui aurait assuré d'emporter la victoire dès le premier tour et lui laisse encore aujourd'hui, deux mois avant l'échéance, une bonne marge de sécurité puisqu'en Argentine, il suffit que le candidat rassemble au premier tour 45% des votes exprimés pour être élu à la magistrature suprême.
Ses rivaux les plus sérieux, Ricardo Alfonsín et Eduardo Duhalde, deux opportunistes qui naviguent en fonction des courants qui les portent plus qu'en fonction d'un programme cohérent, à ce que laisse voir leurs comportements récents,, n'atteignent même pas les 13% (respectivement 12,36 et 12,22% selon Página/12, 12,12% à égalité selon La Prensa et La Nación et 12,19 et 12,18 % selon Clarín). A l'heure du bouclage, vers 6h du matin, seulement 70% des bureaux de vote étaient effectivement dépouillés...
Trois partis sont éliminés de la course. Il fallait recueillir au moins 1,5% des voix exprimées pour pouvoir être effectivement candidat à la Présidence. Ceux qui ont fait moins ne feront pas campagne. Parmi eux, l'obscure représentante de Proyecto Sur, le parti dirigé par Pino Solanas, qui s'est si mal conduit au soir du premier tour des élections portègnes en juillet et qui le paye peut-être en voyant sa candidate rassembler un misérable 0,80% ou 0,90%, soit beaucoup moins que ce qu'il avait lui-même obtenu en octobre 2007 à la précédente élection présidentielle. Il est vrai aussi que son attitude sectaire a écoeuré un bon nombre de militants de gauche au moins à Buenos Aires.
Sur l'ensemble du territoire argentin, Cristina arrive en tête partout, sauf dans la Province de San Luis. Elle a donc réussi l'exploit de l'emporter à Buenos Aires même où pourtant le mois dernier son candidat à la tête du gouvernement local a été laminé (1) et j'ai bel et bien entendu hier quelques cris de victoire sous ma fenêtre, des pétards quelques cuadras plus loin et des défilés de voitures klaxonnant vers les 23h lorsque les tendances des résultats se sont confirmés.
C'est une Cristina visiblement très émue qui s'est présentée devant ses partisans, au QG du Frente para la Victoria sur le coup de 21h30, retransmis en direct par la télévision publique dont j'ai regardé avec curiosité la soirée électorale (très différente de nos pratiques européennes : pas un politique sur le plateau, rien que des commentateurs de différentes disciplines et tous visiblement favorables au gouvernement, chaîne nationale oblige). Il s'est passé de longues minutes avant qu'elle ne puisse s'exprimer et elle a été ensuite interrompue, toutes les deux minutes environ, par les vivas d'une salle surexcitée. Comme elle en a pris l'habitude depuis novembre dernier, elle a conclu son discours en rendant un vibrant hommage à "él" (lui), ce qui a déclenché une vague de chant dans la salle. "El", c'est Néstor Kirchner, son défunt mari, ancien président, son prédécesseur dans ces fonctions, mort brutalement comme vous vous en souvenez sans doute en octobre 2010...
Pour les observateurs argentins, le taux de participation est plus que satisfaisant puisqu'il se situe entre 70 et 80% selon les Provinces. Pour l'observatrice européenne que je suis, un tel taux dans un pays où le vote est obligatoire depuis un siècle apparaît au contraire très faible. Il se trouve qu'ici il marquerait malgré tout un progrès certain et il y a donc tout lieu de se réjouir qu'on ait vu hier accourir dans les bureaux de vote à la fois plus d'anciens et plus de jeunes que d'habitude, les deux âges les plus traditionnellement désabusés par la vie politique chaotique de cet immense pays de 40 millions d'habitants.
Il m'est un peu difficile avec mon agenda du jour de vous renvoyer comme je le fais d'ordinaire aux différents articles des journaux. Vous en trouverez les liens dans la partie inférieure de la Colonne de droite, dans la rubrique Actu. Je tâcherai d'ajouter des illustrations plus tard, lorsque Blogger voudra bien me laisser le faire mais je n'ai pas le temps de me battre avec lui...
(1) Au surlendemain de son écrasante victoire de fin juillet, Mauricio Macri s'est envolé pour l'Europe, renonçant à participer aux primaires (ce qui est une nouvelle démonstration du peu de cas qu'il fait de ses devoirs civiques, le vote étant obligatoire en Argentine) et à même donner des consignes de vote à ses électeurs, sans non plus attribuer les postes à responsabilité pour le mandat qui s'ouvrira d'ici quelques mois à Buenos Aires. Il paraît que Juliana (sa femme, enceinte jusqu'aux yeux) avait bien mérité ces vacances, la pauvre petite !