Photo Marcelo Caroll (Clarín) |
L’hôtel Bauen était un fleuron de l’économie coopérative et de la militance ouvriériste depuis dix-sept ans. Cet hôtel cinq étoiles, ouvert pour accueillir les touristes de la Coupe du monde de football en 1978, avait fait faillite, sous sa forme d’entreprise privée en février 2001. L’hôtel passa brièvement à un autre propriétaire, Mercoteles S. A., avant d’être occupés, en 2003, par un groupe de salariés qui refusaient la fermeture à la suite de l’effondrement économique national de Noël 2001.
Ces salariés s’organisèrent en coopérative ouvrière pour continuer l’activité touristique et gastronomique. Une longue bataille judiciaire s’est engagé à l’initiative de Mercoteles désireux de rentrer en jouissance de son bien dont il refusait qu’il reste un hôtel. Or il s’agit d’une belle tour de 60 mètres d’altitude, pour vingt étages et 220 chambres et suites.
Pendant toutes ces années, le Bauen a survécu en développant trois activités : l’hôtellerie de standing, le bar-restaurant (où je me souviens d’avoir un jour pris une consommation, après quelques courses dans la librairie du trottoir d’en face) et un grand et bel auditorium, où se sont produits plusieurs musiciens populaires, de tango, de rock, de jazz et de folklore.
Sous le mandat présidentiel de Mauricio Macri, (droite libérale façon Thatcher), la coopérative avait obtenu le vote au Congrès d’une loi d’expropriation de Mercoteles mais, sans surprise, le président posa son veto pour favoriser la société anonyme malgré la longueur de la résistance ouvrière et la preuve que les salariés avait apporté de la soutenabilité de l’hôtel.
La pandémie et tous ses phases de confinement ont finalement eu raison de l’entreprise. D’autant que la Cour suprême, composées de juges dont le penchant à droite est un secret de Polichinelle, venait de donner raison à Mercoteles et avait ordonné l’expulsion de la coopérative pour le mois de décembre.
Depuis quelques jours, celle-ci avait donc sorti dans le hall et sur le trottoir tout le matériel de l’hôtel, du restaurant, des cuisines et même de l’auditorium pour le vendre au plus offrant et payer ses créanciers, afin de garder une capacité de redémarrer une activité ailleurs plus tard. Tout est parti à des prix dérisoires.