Ce soir, vendredi 20 novembre 2020, à 21h30, la musique du 1er régiment d’Infanterie dit des Patricios donnera un concert au Cercle Militaire de Buenos Aires à l’occasion de la fête de la Souveraineté nationale.
Outre ses missions opérationnelles, le régiment des Patricios est chargé des services de protocole et de sécurité des institutions constitutionnelles de la Ville Autonome de Buenos Aires. C’est le plus vieux régiment du pays, d’où l’uniforme historique que ses membres revêtent lors des cérémonies. Il a surgi comme milice de civils, à l’improviste, en 1806, pour repousser l’envahisseur britannique lors de la première « Invasion anglaise », la première des deux tentatives malheureuses de la perfide Albion pour s’emparer du Río de la Plata, en 1806 et 1807, et attaquer les intérêts du roi d’Espagne, alors allié de la France républicaine puis impériale (depuis 1795), avant le retournement d’alliance de l’été 1808, après l’invasion de l’Espagne par les troupes napoléoniennes.
En novembre 1811, le gouvernement révolutionnaire de Buenos Aires passait l’unité sous régime militaire, ce qui n’alla pas sans difficulté. Quatre mois plus tard, le 16 mars 1811, naissait, sous l’impulsion de José de San Martín, le second régiment historique et révolutionnaire, celui des grenadiers à cheval, qui remplit quant à lui les services de protocole et de sécurité auprès des institutions fédérales (Casa Rosada, président de la Nation, Museo histórico nacional, etc).
Les Patricios ont eu pour premiers chefs deux grands personnages de la Révolution de Mai que les soldats actuels continuent de vénérer : Cornelio de Saavedra, président de la Junta de Mai 1810, puis Manuel Belgrano (dont 2020 est l’année), en novembre 1811.
La musique du
régiment donnera ce soir son concert sans public, à travers le
streaming de son site Internet et des réseaux sociaux.
Le 20 novembre, jour férié depuis quelques années, marque l’anniversaire d’un épisode du seul conflit que nous ayons eu avec l’Argentine. Sous la monarchie de Juillet, il nous est passé par la tête que nous avions le droit de naviguer sur les fleuves argentins sans demander l’autorisation de personne. Les Argentins ne l’ont pas entendu ainsi. En 1845, une petite escadre de navires marchands armés sous pavillon français remontait imprudemment le cours du Paraná pour vendre ses marchandises dans l’intérieur du pays. Les Argentins nous attendaient de pied ferme, dans un méandre du fleuve géant, la Vuelta de Obligado. Pour couper la route aux navires impérialistes , ils ont soudain tiré des chaînes à travers le fleuve géant. Il en est résulté une bataille navale farouche que les bâtiments français ont techniquement gagnée. Techniquement parce que le barrage a été franchi. Mais ce fut au prix d’avaries graves que les équipages n’ont pas pu réparer, personne ne voulant leur prêter assistance. Ils n’ont pas pu non plus vendre quoi que ce soit à qui que ce soit et ont dû rentrer au pays les cales pleines. Ainsi donc, la Vuelta de Obligado est devenue une victoire politique de l’Argentine qui a montré, comme l’a si bien écrit San Martín, qui vivait alors en France et désapprouvait l’arrogance du gouvernement français, que l’Argentine « n’était pas une bouchée qu’il suffisait d’ouvrir la bouche pour avaler ». C’est envoyé, ça !
Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, non loin de l’Arc de triomphe, une station du métro parisien portait le nom d’une « victoire » française (1), la station Obligado. Juste avant qu’Eva Perón arrive à Paris en visite officielle et comme la France se fournissait alors en blé et autres vivres auprès de l’Argentine comme elle l’avait déjà fait dans les années 20 après la première Guerre mondiale, la IVe République s’empressa de rebaptiser la station de métro. Depuis, on la trouve sur les plans sous le nom d’Argentine.
(1) Dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides (diocèse aux armées), parmi les trophées qui pendent au-dessus de la nef, on peut distinguer malgré leur aspect défraîchi et la crasse accumulée au cours des décennies un drapeau blanc et bleu ciel en tout point conforme vu du sol à la disposition des couleurs argentines telle qu’elle a été définie en 1818 et qu’elle n’a jamais été modifiée depuis lors. Je n’ai pas encore pu tirer la chose au clair mais il doit s'agir d’un drapeau pris aux Argentins lors de cette bataille de Vuelta de Obligado.