Il voulait se mouvoir un peu plus librement, sans que la vice-présidente Cristina Kirchner et ses partisans continuent à bloquer son action par des manœuvres partisanes d’autant plus malvenues que l’Argentine traverse une crise profonde : dette contractée auprès du FMI dont les premières échéances tomberont à l’issue de ce mandat et qui ne pourront être honorées que par la richesse issues des investissements publics d’aujourd’hui, une inflation à deux chiffres catastrophique, un taux de pauvreté effrayant, une situation internationale où l’Argentine tente de naviguer comme elle peut entre l’évidence du droit international (en appui à l’Ukraine) et l’allergie de la gauche aux USA qui entraîne le gouvernement à rester proche de la Russie et de la Chine (malgré tout le peu de respect pour les droits de l’homme et l’État de droit qu’elles manifestent), une situation nationale où la majorité (le camp au pouvoir) recule sans cesse et perd un à un tous les points de contrôle dont elle disposait avant les législatives de mi-mandat qu’elle a perdues.
Ne pouvant obtenir satisfaction,
Martín Guzmán, le jeune
et talentueux ministre de l’Économie formé par Joseph Stiglitz,
prix Nobel enseignant aux États-Unis, vient de démissionner avec
fracas. Il est rejoint par plusieurs autres ministres et secrétaires
d’État et autres personnalités qui exerçaient des fonctions
officielles au sein du gouvernement argentin.
La Prensa utilise une photo amplement diffusée dans la presse ce matin : elle montre le ministre qui entre dans ce bureau dont il vient de claquer la porte Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Guzmán, qui jouissait de toute la confiance du président Alberto Fernández, n’a pas pris celui-ci en traître puisqu’il s’était entretenu avec lui il y a quelques jours et qu’il l’a appelé dans la journée d’hier avant de rendre publique sa lettre de démission mais il a fait en sorte de ne pas lui laisser le choix. Il a aussi désigné très clairement les motifs de sa décision en rendant l’information publique en plein milieu d’un discours enflammé que Cristina Kirchner prononçait à l’occasion de l’anniversaire de Juan Domingo Perón devant une foule de ses partisans chauds-bouillants, devant lesquels elle ne le ménageait pas.
Parce qu’il n’a pas voulu
déterrer la hache de guerre contre sa vice-présidente au profit de
son ministre et homme de confiance, le chef de l’État se retrouve
donc le bec dans l’eau, lâché de toutes parts et en proie à la
vindicte de sa vice-présidente qui semble ne plus supporter qu’il
tienne le premier rôle politique en Argentine. C’est pourtant bien
elle qui lui avait proposé cet accord quelques mois avant le début
de la campagne électorale, quand il était évident qu’elle
n’avait elle-même guère de chances de l’emporter sur un
Mauricio Macri (droite ultra-libérale) qui tentait de se faire
réélire. Toutes affaires cessantes, le président a dû convoquer
une réunion d’urgence qui se tient actuellement à Olivos, sa
résidence dans le Gran Buenos Aires.
"Guzman démissionne par Twitter tandis que Cristina discourt et déclenche des changements dans le gouvernement" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Même les plus radicaux des
observateurs politiques de droite regrettent le départ d’un
ministre auxquels ils n’ont jamais épargné les coups de griffe et
plus sans affinités et dont ils savent très bien qu’il est un des
très rares politiques argentins qui aient su gagner la confiance et
le respect des premières puissances économiques de la planète, qui
avaient jusqu’à lui l’habitude de regarder l’Argentine d’assez
haut. C’est sans doute une nouvelle perte de chances pour le pays
et les unes de ce matin le montrent assez bien.
Les journaux de ce dimanche consacrent une grande partie de leurs pages à l’événement, parfois plus de la moitié de leurs pages généralistes.
Pour aller plus loin :