mercredi 20 juillet 2022

Une Cour Suprême « Cuesta Abajo » [Actu]

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Avant-hier, Cristina Kirchner a publié une véritable catalinaire dirigée contre la Cour suprême. Elle la critique pour ses inquiétants penchants partisans qui visent, selon elle, à mettre en difficulté toujours les mêmes, les gens de gauche, tandis que l’institution protège les personnalités de droite. Or, au vu de la dernière décision de la Cour, on ne peut pas donner tort à la vice-présidente.

Dans une déclaration publique, le président Alberto Fernández, dont elle ne se lasse pas de savonner la planche depuis plus d’un an, lui a donné raison et a rappelé qu’une réforme radicale de l’institution judiciaire en Argentine restait à faire pour en finir avec les appartenances idéologiques des magistrats et la partialité de leurs décisions. C’était une réforme qu’il avait voulu lancer dès le début de son mandat, intervenu pendant l’été, comme d’habitude. Or dès la rentrée suivante, en mars 2020, l’extrême urgence se déplaça d’un coup sur le terrain sanitaire. La réforme judiciaire n’a jamais vraiment vu le jour malgré plusieurs tentatives de la remettre sur les rails.

Ce matin, tous les quotidiens commentent cette prise de position présidentielle qui fait apparaître le chef d’État comme soumis aux diktats souvent très contestables de sa vice-présidente, que l’on dit prête désormais à présenter sa candidature l’année prochaine pour reprendre la Casa Rosada d’assaut.

Página/12, journal de gauche sympathisant de Cristina même s’il tâche de ne pas couler le président, en fait sa une en forme d’allusion tanguera… Le titre pastiche en effet un célèbre vers d’un des derniers tangos du répertoire de Carlos Gardel, le très émouvant Cuesta abajo (comprenez « sur une mauvaise pente ») (1). Le gros titre parle de « la honte d’avoir été et d’être toujours » tandis que le poète Alfredo Le Pera, dernier partenaire de création de Gardel, qui mourut avec lui lors de cet accident fatal sur la piste de l’ancien aérodrome de Medellín, en Colombie, en juin 1935, a écrit :

Si arrastré por este mundo
la vergüenza de haber sido
y el dolor de ya no ser.

Si dans ce monde j’ai traîné avec moi
la honte d’avoir été
et la douleur de ne plus être
Traduction © Denise Anne Clavilier


Et pan, en pleine figure !

Le ton des autres journaux, acquis à la droite, est très différent. Je vous laisse juger. Tous les quotidiens ont toutefois ce point en commun qu’ils consacrent tous plusieurs pages à cette information.

Si vous voulez écouter Cuesta abajo, le voici sur l’encyclopédie en ligne du tango (en langue espagnole) Todo Tango.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :


Ajout du 27 juillet 2022 :
Diverses associations de droits de l’homme ont porté plainte devant les instances de l’ONU contre la Cour suprême argentine pour ses récentes positions partiales.
Pour aller plus loin :
lire cet article de Página/12

Ajout du 5 août 2022 :
Depuis quelques jours, plusieurs personnalités et associations passent à l’action en demandant la déchéance des juges qui forment la Cour suprême. Des plaintes officielles sont portées devant le Congrès.
Pour aller plus loin :
lire l’article d’hier dans Página/12 sur la démarche d’organisations de juristes et de défenseurs de l’État de droit auprès du Congrès
lire l’article de Página/12 de ce matin sur le présentation de la démarche que vient de faire en conférence de presse le prix Nobel de la Paix argentin Adolfo Pérez Esquivel, ni plus ni moins.
Le reste de la presse quotidienne n’en parle même pas.



(1) Cuesta abajo fait partie du corpus de chansons que je présente dans le texte et en traduction française dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, paru aux Éditions du Jasmin et toujours disponible chez l’éditeur (boutique en ligne) et en commande auprès de n’importe quel libraire qui aime son métier.