vendredi 11 juillet 2025

Raclée parlementaire : les sénateurs prennent enfin leur courage à deux mains [Actu]

Caricature de Mileí grimpé au sommet du dôme du Congrès
par Alfredo Sábat, dessinateur de presse à La Nación


Avant-hier, dans sa fureur d’avoir été boudé par les gouverneurs à l’occasion de la fête du 9 juillet qu’ils ont préféré célébrer sans lui, Javier Mileí leur avait donné rendez-vous le 11 juillet, comme un sale môme qui menace ses camarades de classe de leur casser la figure à la sortie de l’école. Si le Sénat votait contre sa volonté, il allait déclencher les foudres du veto et faire appel à la justice pour faire annuler les votes. On va donc voir ce qu’il se passe maintenant car hier, Javier Mileí s’est enfin pris la dégelée sénatoriale que son comportement antidémocratique mérite depuis sa prestation de serment, il y a un peu plus d’un an et demi.

"Il s'en est pris une bonne", dit le gros titre
à côté de la photo de Mileí qui avait fait tout un cirque
au début de son mandat lorsqu'il était allé prier
au Mur du Temple de Salomon (mur des Lamentations)
à Jérusalem
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Les péronistes, les radicaux et les élus des partis locaux de diverses provinces ont en effet tous voté dans le même sens pour mettre un frein à sa politique insensée : ils ont voté, à l’unanimité, une loi d’urgence pour venir en aide aux personnes en situation de handicap, aides que Mileí avait supprimées sous prétexte que le handicap est une affaire privée qui doit être résolue par l’intéressé ou sa famille et non pas par l’État (sinon, on est en plein communisme stalinien !) ; ils ont voté, à l’unanimité, une revalorisation des retraites, que les intéressés demandaient à corps et à cris tous les mercredis sur Plaza del Congreso où la police cherchait à les disperser à coup de gaz lacrymogènes avant de les charger si le besoin s’en faisait sentir ; ils ont voté largement la répartition de certains fonds fédéraux, qui est de droit, aux vingt-quatre entités fédérées dont les dirigeants, 23 gouverneurs et 1 chef de gouvernement (pour la Ville autonome de Buenos Aires), s’étaient entendu pour les réclamer au président qui s’y refusait obstinément ; ils ont enfin renversé, à la majorité qualifiée, comme il se doit, le veto que Mileí avait mis il y a quelques jours à la loi de secours d’urgence à Bahía Blanca, la cité balnéaire du sud de la province de Buenos Aires qui a subi pendant l’été une inondation catastrophique, un peu comme celle qui a ravagé la région de Valencia en Espagne il y a quelques mois.

"Véto et/ou judiciarisation", dit le gros titre
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Il faut dire qu’au cours des débats, avant le scrutin, se sentant en infériorité, les mileístes ont courageusement préféré déserter l’hémicycle, ce qui a rendu les pourcentages de vote encore plus cinglants pour le président. En revanche, la vice-présidente, qui préside la Chambre haute, a fait le frais de ces votes et s’est fait traité de « traîtresse ». La relation entre les deux semble définitivement rompue, comme l’avait déjà assez bien montré le 9 juillet, puisqu’au jour dit, elle s’est rendue à Tucumán, où paraît-il l’avion présidentiel ne pouvait pas aller à cause du brouillard...

"Le Sénat approuve une revalorisation des retraites
et des dépenses supplémentaires :
Mileí traité Villaruel de traîtresse', dit le gros titre
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Ces lois désormais votées au Sénat partent à la chambre basse pour validation. Cette fois, Mileí, qui est en forte minorité au Congrès, n’a pas pu acheter les votes des élus.

"Dur revers pour le gouvernement :
vote d'une revalorisation des retraites
et plus d'argent pour les provinces", dit le gros titre
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Dans la presse de ce matin, on sent un petit parfum de satisfaction, même à droite. La coupe est pleine, semble-t-il. Il était temps. On a failli attendre !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

La Feria Francesa revient pour fêter le 14 juillet [à l’affiche]

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En juin dernier, la Feria Francesa (la foire française) a connu un très beau succès. Du coup, les organisateurs ont décidé de remettre le couvert à une date plus habituelle, le week-end le plus proche du 14 juillet lorsque notre fête nationale tombe en semaine (sinon, le 14 juillet est dedans).

Demain et après-demain, rendez-vous est donné à l’air libre, même s’il fait très froid en ce moment, sur Plaza Francia, entre Recoleta et Palermo, dans le nord de Buenos Aires. Deux ateliers sont prévus, l’un pour apprendre à faire des croissants, l’autre pour apprendre à créer des glaçages brillants.

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La fête est sans doute largement improvisée car seule La Prensa en parle dans la presse et l’événement n’était même pas mentionné ce matin sur le site Internet de Lucullus Argentina, l’association de la gastronomie française en Argentine. Il l’était en revanche sur la page Facebook de Lucullus.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Alberto Fernández sera aussi jugé pour prévarication [Actu]

Alberto Fernández, debout, lors de la présentation publique
d'une assurance réservée aux pompiers bénévoles


L’ex-président Alberto Fernández, prédécesseur immédiat de Javier Mileí, vient d’être formellement inculpé de « négociations incompatibles » avec sa fonction présidentielle. Página/12, qui réserve son article sur le sujet à ses abonnés, évoque déjà un acharnement judiciaire de type lawfare, comme celui subi par Cristina Kirchner ou Lula au Brésil. Cependant, la situation est différente.

Ce qui est reproché à Alberto Fernández est documenté de manière difficile à contester. Tout est parti d’une constatation : le régime d’assurance protégeant les organismes d’État ont été confié à un courtier qui n’était autre que le mari de la secrétaire particulière du président. Il y avait là une incompatibilité qui n’a pas pu échapper à l’analyse du professeur de droit pénal qu’est Alberto Fernández. Au mieux, on peut parler d’une imprudence, en étant très très généreux avec lui !

Qui plus est, il s’agissait d’un ami personnel du président, une amitié qui est largement prouvée par des photos, des vidéos, des échanges écrits entre les deux hommes, dont des SMS et des messages Whatsapp.

Dernier élément, on a pu constater que la fortune du courtier a augmenté de manière considérable pendant les quatre ans de la présidence de son ami.

Alberto Fernández devra donc expliquer pourquoi et comment il a autorisé ces manœuvres et fera sans doute face à des accusations d’enrichissement personnel, même si pour le moment rien ne le confirme. Les journalistes remarquent que les magistrats l’ont laissé libre, semblant penser qu’il aurait pu partir en détention provisoire. La justice a de toute manière place une partie de son patrimoine sous embargo pour s’assurer qu’il n’échappera pas à son procès. D’autant qu’il va falloir lui accorder le droit de sortir du pays pour aller rendre visite à son fils, mineur, qui vit avec sa mère en Espagne, or l’ex-Première dame, qui a porté plainte contre lui pour violences conjugales, refuse de rentrer en Argentine parce qu’elle ne peut plus supporter l’idée qu’il vit à proximité d’elle. Et ce sera donc là un autre procès, d’une nature bien différente, mais cette affaire qui relève de la vie sentimentale, sans rapport avec l’exercice du mandat, éclaire déjà d’une lumière accusatrice les autres soupçons qui pèsent sur lui, même si les uns et les autres n’ont pas de lien judiciaire.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

Mileí attaque une historienne qui rejette ses manipulations [Actu]

En 2002, la jeune chercheuse présentait son livre
sur les relations de Cristina Kirchner avec l'histoire nationale


Hier, dans une émission de télévision, Camila Perochena (ci-dessus), une historienne, probablement pas une militante de gauche, jeune (38 ans) et bien formée à la Universidad Nacional de Rosario, où elle a décroché un titre qui pourrait être l’équivalent du CAPES en France, et occupant maintenant un poste d’enseignante en histoire dans une université privée à Buenos Aires, la Universidad Torcuato di Tella, a eu un vif débat avec l’avocat José María Posse, que Javier Mileí a arbitrairement nommé en avril 2024 directeur de la Casa Histórica de Tucuman, la maison coloniale où la déclaration d’indépendance a été votée et signée le 9 juillet 1816.

Ce monsieur, qui n’a aucune compétence ni en histoire ni en muséologie et dont la nomination a été saluée par un concert de critiques de la part des milieux académiques légitimes en la matière, a remis sur le tapis une vieille rengaine de Mileí qui proclame à qui veut l’entendre qu’en 1910, l’Argentine était une grande puissance mondiale. C’est archi-faux et toutes les archives de l’époque le démontrent à l’envi. L’Argentine avait seulement un PIB très élevé dont seule une petite minorité d’ultra-riches tiraient profit en s’en mettant plein les poches, après avoir confisqué le pouvoir politique puisque le pays était alors régi par le suffrage censitaire (masculin, cela va sans dire).

De la même manière que Trump voudrait faire revenir son pays à ce qu’il appelle « l’âge d’or », c’est-à-dire dans son esprit les années 1880-1912, ce qui relève du grand n’importe quoi, Javier Mileí (MAGA lui aussi, avec un premier A pour Argentina) voudrait revenir à la situation imaginaire, enjolivée par ses soins, de 1910, quand un certain nombre de dignitaires européens, invités par la République argentine, étaient venus participer aux célébrations du centenaire de la Révolution de Mai.

Camila Perochena,lui a donc répondu que ce n’est pas le revenu national rapporté au nombre d’habitants qui fait d’un pays une puissance internationale. Le revenu économique national et la puissance dans le monde n’ont en effet que peu de liens de causalité. La puissance n’est pas fondée sur l’économie en tant que telle, comme le croient Trump et Mileí. Elle se construit sur un écheveau de compétences, notamment politique, militaire, diplomatique et culturel, or celles-ci manquaient complètement à l’Argentine du début du 20e siècle. Elles continuent d’ailleurs à lui manquer aujourd’hui, en dépit de ce que veulent bien proclamer Macri hier et Mileí maintenant, et ce n’est pas la politique présente et le comportement grossier du chef de l’État qui vont pallier ces défaillances.

Camila Perochena a conclu que les historiens et les musées n’avaient pas vocation à servir l’idéologie du dirigeant du moment mais devaient permettre de comprendre le passé.

Roy Hora répond au message insultant de Mileí, qu'il traite de "primitif"
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Furieux d’être contredit sur ce point sur lequel il fonde tout son discours politique, Javier Mileí a donc ouvert son compte X et y a déversé, sans retenue, un flot d’insultes et de critiques désarticulées, acerbes et ridicules sur cette femme qui semble avoir de son métier et de sa discipline une conception exceptionnellement saine puisque ce qu’on appelle histoire en Argentine n’est pas encore une discipline scientifique reconnue comme telle mais reste, la plupart du temps, au pire, un outil de propagande (à gauche comme à droite) et, au mieux, un espace sans méthodologie, où l’imaginaire et la fiction se donnent la main pour écrire le roman national.

La sortie furibonde du président lui a valu une volée de bois vert dans la presse et dans les médias sociaux de la part d’historiens et d’intellectuels que ce comportement honteux à la tête de l’État indigne à juste raison. D'autant que c'est la deuxième fois en moins d'un mois que le président s'en prend à un historien reconnu : il y a quelques jours, il a viré Gabriel di Meglio de la direction du Museo Histórico Nacional de Buenos Aires (il se murmure qu'il se venge de son refus de sortir du musée le sabre de San Martín dont Mileí aurait rêvé de se servir lors de la cérémonie du 25 mai dernier, la première fête nationale argentine).

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

jeudi 10 juillet 2025

Prisonnière chez elle, Cristina aura été plus présente que Mileí à la fête nationale [Actu]

Cristina hier à son balcon (photo Emanuel Fernández, Clarín)
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Tandis que Javier Mileí, seul, célébrait piteusement, sans Te Deum, à Buenos Aires et dans un lieu inhabituel, le quartier de Palermo, qui n’existait même pas en 1816, la fête de l’Indépendance, la gauche de gouvernement s’était rassemblée malgré le froid intense, à Parque Lezama, un grand espace vert dans le vieux quartier de San Telmo, contemporain, lui, de la Révolution de Mai 1810, sous le slogan Argentina con Cristina (l’Argentine avec Cristina).

La foule hier, au Parque Lezama (photo Leandro Teysseire, Página/12)
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Une foule dense était là pour chanter, crier et proclamer des slogans politiques autour de l’indépendance du pays, sérieusement mise à mal par la politique incohérente et court-termiste de Javier Mileí. Des figures importantes à gauche ont fait leur apparition, parmi lesquelles deux enfants volés sous la dictature et retrouvés grâce au travail de mémoire et de recherche de Abuelas de Plaza de Mayo qui jouent aujourd’hui un rôle éminent au sein de l’opposition.

Clou du rassemblement, tous ont pu écouter un message audio de leur leader qui s’adresse désormais régulièrement à eux grâce à la technologie depuis l’appartement où elle est retenue en résidence surveillée. Elle a critiqué vertement le président entre autres pour avoir récemment à nouveau endetté le pays auprès du FMI à une hauteur encore jamais vue (et sans aval du Congrès), ce qui réduit considérablement cette marge de manœuvre de l’Argentine que les révolutionnaires avaient voulu garantir en déclarant l’indépendance il y a 219 ans.

Une autre vue de la foule au Parque Lezama (photo Emanuel Fernández)
A gauche, on aperçoit les bulbes de l'église orthodoxe de San Telmo
derrière les fumées de barbecues
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Après la fête à San Telmo, une partie de la foule a pris la direction d’un autre vieux quartier tout proche, celui de Constitución (appelé Concepción à l’époque coloniale), où réside Cristina, qui est apparue au balcon pour saluer ses partisans, vêtue d’un sweet-shirt barré d’un grand ARGENTINA en lettres capitales dorées. En voilà de la com. politique. C’est autre chose que Javier !

Página/12 a décidé de titrer sur le scandale de la crypto-monnaie :
de sombres transferts de fonds sont apparus au cours
de l'enquête, impliquant les principaux interlocuteurs du président
En haut, le Parque Lezama et une citation de Cristina :
"Jamais nous n'avons eu un tel degré de dépendance"
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Et pendant ce temps-là, sans son frère, Karina Mileí négociait un accord électoral avec le PRO, le parti libéral de l’ex-président Mauricio Macri, pour les élections en Province de Buenos Aires, que les péronistes de leur côté aborderont unis, selon un accord auquel les ténors des différents courants du mouvement sont parvenus hier, à La Plata. Raison pour laquelle on ne les a pas vus au Parque Lezama...

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire l’article de Página/12
lire l’éditorial de Página/12 intitulé La voz (le voix), sur cette manière qu’a trouvée Cristina de rester la maîtresse des horloges de la politique argentine dans l’opposition (elle est très forte, tout de même !)
lire l’article de Clarín

Fou de rage, Mileí rompt avec tous les gouverneurs [Actu]

"La tension monte entre Mileí et les gouverneurs :
session-clé au Sénat", dit le gros titre
En-dessous, un baleineau mort flotte
dans le golfe de Vincente López (Province de Buenos Aires)
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Hier, après l’échec spectaculaire de sa politique intérieure puisqu’il n’a pas pu rassembler tous les gouverneurs à Tucumán pour fêter, comme il le devait, le 219e anniversaire de la déclaration d’indépendance, Javier Mileí, qui a célébré la fête seul avec sa sœur à Palermo, le quartier où les deux régiments fondés à l’époque de l’indépendance ont leurs casernes, a tenu toute une cascade de propos ultra-agressifs envers les gouverneurs qu’il accuse de « vouloir détruire le gouvernement », c’est-à-dire sans doute de le destituer, ce dont ils n’ont pas le pouvoir.

L’envie, peut-être, on l’aurait à moins, mais le pouvoir, non. Ce sont les sénateurs qui disposent de ce pouvoir et Mileí craint que les gouverneurs s'entendent avec les sénateurs de leur province...

"La mère de toutes les batailles', dit le gros titre
pour annoncer l'alliance électorale entre LLA et le PRO
Le violet est la couleur de LLA
(La couleur du PRO est le jaune mais il a disparu du paysage)
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Pourtant Mileí avait réussi à gagner à sa cause deux gouverneurs, sur vingt-quatre, dont celui de Chaco, la province où il est allé dimanche dernier jouer les prophètes dans un temple évangélique construit avec de l’argent miraculeux. Même ces deux-là n’ont pas trouvé grâce à ses yeux hier. Ils en ont pris pour leur grade comme les autres. Désormais, Mileí menace de mettre son veto sur tout ce qui lui déplaira et de poursuivre devant la justice toutes les initiatives dissidentes. Il tente de faire peur. À tous ceux qui lui résistent. A la Trump ! Aucune originalité. Il copie sur le lointain voisin du nord qui vient d’ailleurs de se mettre à dos quelques pays du Mercosur en imposant unilatéralement au Brésil 50 % de droits de douane supplémentaires sur tous ses produits pour punir le pays de poursuivre pénalement son copain Bolsonaro.

Pourtant, dans un état fédéral, aux États-Unis, en Allemagne, en Autriche, en Suisse comme au Brésil ou en Argentine, ce n’est un secret pour personne que le pouvoir central est d’autant plus solide qu’il respecte les entités fédérées et coopère en bonne intelligence avec les gouvernements locaux, même lorsqu’ils appartiennent à un autre camp...

La bagarre avec les gouvernements monte d'un degré :
Mileí a dit qu'ils voulaient "tout casser", dit le gros titre
au-dessus d'une photo tirée du match du PSG contre le Real Madrid
à la Coupe du Monde des Clubs, aux Etats-Unis
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Dans l’ensemble, à cause de l’évidente remontée de Cristina Kirchner, malgré son inéligibilité, ou à cause de l’exemple de Donald Trump, on observe une radicalisation de La Libertad Avanza (LLA), le jeune parti présidentiel, et cette évolution a pour centre non pas lui, qui est censé en être le créateur et le leader, mais sa sœur, Karina Mileí, dont beaucoup d’observateurs disent que c’est elle désormais qui est à la manœuvre. Ce n’est pas impossible eu égard au caractère profondément dysfonctionnel de ce couple fraternel. Lui-même ne l’a-t-il pas surnommée El Jefe (le chef), au masculin. Politiquement, elle est, paraît-il, encore pire que lui ! Façon Marie-Antoinette...

C’est Karina qui vient de mener les négociations avec le PRO, le parti de l’ancien président Mauricio Macri, pour les élections à venir dans la Province de Buenos Aires, la plus peuplée du pays. Et elle l’a avalé tout cru. A La Plata, elle rêve désormais d’un succès électoral façon raz-de-marée pour « en finir à jamais avec le kirchnerisme ». On va voir ce qu’il en sera car en face, les péronistes viennent de sceller un pacte d’union qui rassemble toutes les tendances de gauche du mouvement, une sorte de NFP à l’argentine.

Avec l’appoint d’un PRO qui n’a plus qu’à suivre en se taisant et à faire ce que Karina lui dira, LLA, probablement affaibli par les outrances présidentielles, va avoir affaire à forte partie.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

mercredi 9 juillet 2025

Le troisième lapin de Mileí à la patrie [Actu]

Intérieur de la Casa Histórica de Tucumán
La salle de réunion du Congrès indépendantiste
Le livre d'or semble attendre un président qui ne s'est pas présenté


En prenant pour prétexte l’épais brouillard qui règne actuellement sur Buenos Aires et qa prenui aurait empêché son retour dans la capitale après les célébrations à Tucumán, tout à l’ouest de l’Argentine, Javier Mileí a renoncé à se rendre dans la ville qui vit proclamer la déclaration d’indépendance le 9 juillet 1816. Il a célébré à Buenos Aires, par un froid de canard, cette deuxième fête nationale argentine.

Le comportement de Mileí est si minable
que Página/12 préfère titrer sur un scandale
qui éclabousse le président : 10 valises en provenance de Miami
escortées par des connaissances de Mileí
sont entrées en Argentine sans passer de contrôles
En haut, à côté de la photo de la Casa Histórica :
"Ne nous explique pas que la nuit tombe"
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En réalité, les gouverneurs avaient presque tous annoncé qu’ils n’assisteraient pas à la cérémonie que le chef de l’État préside traditionnellement en personne. Ils entendaient ainsi protesté contre la politique de Mileí qui refuse de répartir aux provinces leur part de la trésorerie nationale, une part qui est censé rééquilibrer les ressources inégales dont elles disposent.

"Les politiques désertent et ne respectent même pas
la Fête de l'Indépendance", gronde le gros titre
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Or en moins d’un mois, c’est la troisième fois que Mileí fait la cérémonie buissonnière. Il ne s’est pas non plus déplacé à Salta le 17 juin pour l’anniversaire de la mort du général Güemes, un grand héros populaire de la guerre d’indépendance, ni trois jours plus tard, à Rosario, lieu où le général Manuel Belgrano a pour la première fois hissé le drapeau national en 1812 au jour anniversaire de la mort de celui-ci qui sert de fête du drapeau. Dans les deux cas, il est de tradition que le président se déplace et préside les deux cérémonies. Il a présenté des excuses tout aussi invraisemblables que celles d’hier.

"Mileí ne s'est pas rendu à Tucumán à cause de la météo
et de l'absence des gouverneurs", dit le gros titre
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En fait, tout se passe comme s’il avait la trouille de se faire huer…

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’article de Une de La Prensa n’est pas disponible en ligne.

Les choses ne doivent pas aller aussi bien que le dit Mileí. La preuve par Carrefour ! [Actu]

Publicité de Carrefour Argentina sur sa page Facebook
"Avec qui partagerais-tu ces plats d'hiver?
D'accord pour un mijoté de lentilles ?
Toujours"


En 2024, Carrefour avait fait des investissements importants en Argentine, à hauteur de 300 millions de dollars, pour ouvrir 90 nouveaux magasins dans le pays. Mais au milieu de l’année suivante, l’enseigne française constate que la consommation reste atone. L’enseigne vient donc d’annoncer qu’elle cherchait un associé pour son réseau argentin ou bien un repreneur.

L'info est à la Une tout en bas, à gauche
Le journal vient d'augmenter son prix
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Il y a quelques années, à peu près en même temps qu’il l’a fait en France, Carrefour a déployé tout un réseau de supérettes, Carrefour Market, qu’il a déployé en rachetant à tour de bras les magasins de petits épiciers de quartier.

Carrefour s’apprête à quitter l’Argentine comme l’ont déjà fait une vingtaine de grandes entreprises internationales implantées là-bas. Si bien implantées qu’elle fait fabriquer une large gamme de produits alimentaires typiques des habitudes locales : yerba mate, huiles, biscuits, fromages, charcuteries, pâtes fraîches, aides culinaires, dulce de leche, etc.

1500 produits Carrefour au prix du mois de mars, jusqu'en août
0% d'inflation
dit le bandeau de la page Facebook de l'enseigne en Argentine
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A part ça, tout va bien en Argentine, prétendent le gouvernement et les journalistes français qui n’ont jamais mis un pied là-bas. L’inflation est en voie de disparition (pour vous en persuader, regardez sur les Unes évoluer le prix des journaux) et les consommateurs sont déjà à la fête. Mais Carrefour se barre !

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

L’article de Página/12 est réservé aux abonnés.

mardi 8 juillet 2025

Le festival ex-national de théâtre de Rafaela continue envers et contre tout [à l’affiche]

"Nous n'arrêtons pas de festivaler", dit l'affiche
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Malgré la disparition, sur une décision discrétionnaire de Javier Mileí, de l’Instituto Nacional del Teatro qui en était devenu le producteur et l’organisateur à travers tout le pays, le festival de théâtre de Rafaela, situé dans la province de Santa Fe, connaîtra bien cette année sa vingtième édition. Elle commence aujourd’hui et se poursuivra jusqu’à dimanche.

Le FTR, comme on le désigne désormais, n’est donc plus national. Il est redevenu ce qu’il était à sa naissance en 2005, un festival municipal pour lequel la ville de Rafaela, 103 000 habitants, a pu rassembler une vingtaine d’entreprises-sponsors. Quel travail il a fallu déployer pour en arriver là !

Les guichets ont ouvert hier pour des réservations simples puisque la plupart des spectacles sont gratuits et ils ont connu une grande affluence, ce qui indique assez clairement le besoin de tels événements contrairement à ce que prétendent Mileí et sa bande de vandales égoïstes. La population locale tient à ce festival et à tout ce qu’il apporte à la ville comme animation et comme accès à la culture, qui ne doit pas être confondue avec les loisirs des riches. La culture n’est pas un luxe. C’est une nécessité vitale de l’être humain vivant en société.

Il y aura plusieurs spectacles tous les jours, dans tous les genres et pour tous les publics, y compris les enfants jusqu’aux moins de deux ans. Théâtre en plein air et dans divers espaces non conventionnels à travers toute la ville. Compagnies et artistes venus de plusieurs coins du pays, en particulier de Buenos Aires, dont les habitants et les comédiens ne bénéficient donc plus de ce qu’était devenu le festival national du théâtre, détruit par le gouvernement comme tant d’autres choses dans le domaine de la culture.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
visiter les pages Web du festival sur le site de la municipalité.

Démantèlement de l’agence nationale du réseau routier et de la Sécurité routière [Actu]

Bandeau Facebook de Vialidad Nacional
Vue de la route 52 à Jujuy, dans les Andes


Après la libération du marché des armes, voici que la Sécurité routière est emportée à son tour par le raz-de-marée libertarien provoqué par Javier Mileí et consorts.

Quant aux routes nationales, elles cessent d’être publiques et de dépendre de l’État. Elles seront privatisées et deviendront donc payantes très bientôt. Dans un pays grand comme cinq fois la France et qui a perdu, depuis la libéralisation des années Carlos Menem (1990-1999), le magnifique réseau ferroviaire qu’il s’était construit depuis la fin du 19e siècle !

Pour relier les régions les unes avec les autres, il ne reste donc plus que l’avion, hors de prix pour beaucoup et loin des villes pour tout le monde, et la route, en voiture particulière ou en car grande ligne, ce dernier service ayant lui aussi subi, il y a quelques mois, une dérégulation costaude : désormais n’importe qui peut en effet s’improviser patron de compagnie de transport de passagers du moment qu’il possède au moins un car et le permis de conduire valable pour cette catégorie de véhicule. Il n’a pas besoin d’apporter de garanties financières ni même d’avoir un casier judiciaire vierge ! Et c’est la même chose pour les chauffeurs.

Le gouvernement a justifié cette double suppression par la condamnation de Cristina Kirchner et ses co-inculpés, condamnation qui porte précisément sur des malversations réalisées (ou non) par l’entremise de l’agence nationale du réseau routier. La suppression de celle-ci aurait donc pour objectif « de mettre fin à la corruption dans les travaux publics ».

Sur les 5 000 salariés que compte actuellement l’agence, on suppose qu’environ 3 000 vont perdre leur emploi. Un total de 9120 km de route va être livré à des concessionnaires qui feront leur beurre sur l’asphalte.

Les fonctions régaliennes (si l’on peut les désigner ainsi) exercées par les deux agences passeront dans un cas au Ministère de l’Économie et dans l’autre aux forces de l’ordre, placées sous la tutelle de Patricia Bullrich, qui récupère beaucoup de choses en ce moment.

C’est une catastrophe qui s’annonce, avec un réseau routier qui va se dégrader très vite (c’est toujours le cas lorsque le privé prend quelque chose en charge en Amérique du sud) et des accidents qui vont s’accumuler comme on le voit déjà avec les cars qui versent, partent dans le fossé ou entrent en collision avec d’autres véhicules plus souvent qu’auparavant.

L’Argentine donne l’impression de partir en miettes.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación


Une de l'édition de La Plata de Página/12 du 9 juillet :
"Le bon marché est cher", dit le gros titre
Sur l'affiche officielle, on lit sur fond rouge
"Travaux paralysés par le gouvernement national"


Mise à jour du 9 juillet 2025 :
lire cet article de Página/12 édition de Rosario sur le retrait de l’investissement national dans les infrastructures tel que le perçoit le ministre de l’Économie de la province de Santa Fe
lire cet article de Página/12 édition de La Plata sur les modalités et les effets de ce retrait dans la province de Buenos Aires, la plus peuplée du pays
lire cet article de La Prensa sur les accusations que les syndicats portent contre le gouvernement qui met en place des « routes de la mort »

"Sans contrôle", dit la Une de l'édition de Rosario
de Página/12, le 9 juillet
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Les Églises évangéliques dénoncent un discours clivant de Mileí [Actu]


Dimanche, dans la province de Chaco, Javier Mileí est allé haranguer les participants à une rencontre religieuse évangélique. Il a profité de l’occasion pour vomir ses insultes démentes contre l’État et en particulier contre tout ce qui ressemble à une politique sociale, dont il a osé affirmer qu’elle était par nature « contraire au respect de la propriété » et par conséquent contraire aussi aux principes fondateurs du « judéo-christianisme » (un concept qui n’existe ni en théologie ni en histoire socio-culturelle). C’est ainsi qu’il voue aux flammes de l’Enfer la doctrine sociale de l’Église (de quoi je me mêle ?) et son initiateur, le pape Léon XIII, ce prédécesseur lointain dont Léon XIV entend s’inspirer à l’heure du changement climatique et des ravages du capitalisme sauvage, précisément dérégulé par des gens comme Mileí.

Or il se trouve que le président argentin, qui se dit proche d’une obédience ultra-politisée et ultra-réactionnaire du judaïsme new-yorkais, le tout en dépit du fait qu’il n’a jamais eu le courage de se convertir et qu’il ne respecte même pas les devoirs élémentaires imposés par sa supposée foi (se marier, avoir des enfants), Mileí donc s’identifie volontiers et en toute modestie à Moïse, parce qu’il vient libérer le peuple opprimé par le socialisme ! Sa diatribe de dimanche, bileuse, enragée et écœurante, n’a donc pas manqué de faire réagir les autorités chrétiennes du pays et notamment un certain nombre d’organisations évangéliques qui s’étranglent devant l’outrecuidance dont fait preuve cet homme impie et cruel qui s’improvise théologien. En se proclamant croyant, l’homme blasphème sciemment les vérités révélées qu’il prétend honorer. La lettre ouverte que trois organisations viennent de publier est donc intitulée : « Ce n’est pas Moïse… Ce serait plutôt Pharaon ».

Quant au pasteur qui l’avait invité à conclure ce symposium et qui l’a reçu dans son lieu de culte, modestement baptisé Iglesia Portal del Cielo, il n’est pas piqué des hannetons lui non plus ! Le bonhomme prétend qu’un miracle est à l’origine de la construction du fameux temple qui peut abriter jusqu’à 15 000 fidèles dans l’une des provinces les plus pauvres de toute l’Argentine. Un jour, il aurait rangé ses économies dans un placard, soit 100 000 pesos argentins. Déjà, ce n’est pas très malin d’« enterrer cette somme », comme on dit dans la parabole des deniers, « au lieu de la placer à la banque » pour lui faire faire des petits (toujours la même parabole), surtout quand on connaît l’inflation permanente qui affecte l’économie argentine ! Or, lorsque, longtemps après, il a ouvert son placard pour « reprendre son bien » (même parabole) en vue de bâtir un modeste lieu de culte, les pesos argentins s’étaient transformés, à coup sûr par la grâce du Saint-Esprit, en autant de dollars US ! C’est-i pas émouvant, ça ?

Quel est l’imbécile qui va croire ou faire semblant de croire à cette histoire à part Mileí, toujours escorté de son éternelle frangine ?

Toujours est-il qu’hier la coupe était pleine et des évangéliques ont pris, les uns la plume les autres la parole, pour dénoncer les propos odieux du président, ses contresens, ses contre-vérités haineuses, son absence manifeste d’empathie et de compétence, ses mensonges et son instrumentalisation de la foi au profit d’une idéologie destructrice du lien social et de la solidarité qui ont toujours distingué la religion chrétienne parmi toutes les religions depuis l’origine, à la fondation de l’empire romain...


En Argentine, on se croirait maintenant vraiment aux États-Unis : Trump fait le même cirque avec les mêmes obédiences chrétiennes dont les fidèles, éructant de haine, n’ont probablement jamais lu les Écritures dont ils prétendent s’inspirer.

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

lire le texte complet du discours de Mileí tel que La Nación l’a reproduit
lire l’article de Clarín sur le miracle des pesos transformés en dollars
lire l’article de La Nación sur ce même étrange miracle
lire le texte complet de la lettre des organisations évangéliques, sur le site de l’Église méthodiste argentine
lire l’article de Página/12 sur cette réaction de ces autorités protestantes
lire l’article de Clarín sur le même sujet
lire l’article de La Nación sur les déclarations, dans le même sens, d’un pasteur de Buenos Aires


Mise à jour du 9 juillet 2025 :
La justice fédérale dans la province de Chaco a décidé d’aller regarder d’un peu plus près les comptes miraculeux du pasteur. Le procureur fédéral soupçonne une manœuvre de blanchiment d’argent. Mais quel esprit mal tourné !
Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12