mercredi 30 juillet 2008

Estaciones : le premier disque de Las Rositas [Disques-Livres]

Las Rositas sont un trio de musiciennes de tango, Gabriela Palma , au violon, Cecilia Palma, au violon alto et Ana Belén Disandro, au piano. Elles gagnent à être écoutées...

Elles sont cordobesas (de la Province de Córdoba, au centre du pays). Elles parachèvent leur cursus universitaire à l’Université de Córdoba, la plus ancienne université fondée sur le sol argentin (1). Elles ont suivi différentes formations auprès de plusieurs maîtres, dont un cycle conduit par le grand violoniste de tango Pablo Agri, qui parraine leurs débuts de concertistes. Elles ont constitué leur trio au Brésil, il y a peu de temps, durant un stage de perfectionnement instrumental.

Gabriela et Cecilia Palma sont natives de la Province de Neuquén, dans le sud-ouest du pays, à la frontière andine avec le Chili. Gabriela est actuellement membre suppléant de l’Orchestre de l’Université Nationale de Córdoba. Cecilia appartient à l’Orchestre Symphonique de la Province de Córdoba. Ana Belén Disandro est née, quant à elle, dans la province de Córdoba et exerce comme professeur de piano au Conservatoire Provincial.

Le 16 décembre 2007, elles ont gagné un prestigieux concours de musique à Buenos Aires, ce qui leur a valu de pouvoir, le 25 juillet dernier, présenter leur disque, Estaciones, sous les ors de l’Academia Nacional del Tango au coeur historique et culturel de Buenos Aires.

Ce CD commence par une jacquette-calembour : on les voit toutes les trois, en tenue élégante de concert, attendre sur le quai d’une gare (estación) déserte. Or dans l’album, elles jouent une célèbre suite d’Astor Piazzolla : las cuatro estaciones (saisons) porteñas, les quatre morceaux étant distribués tout au long du parcours musical, qui privilégie ce compositeur (Oblivión et Libertango sont de la partie), et qui inclut Gallo ciego (Agustín Bardi), Danzarin (Julián Plaza), Fuimos (José Dames), Por una cabeza (Carlos Gardel), El Firulete (Mariano Mores) et enfin une Yumba (Osvaldo Pugliese) explosive et vigoureuse (malgré le petit nombre d'interprétes).

Leur style est hardi, dynamique, valeureux. Elles ont un martelé qui n’est pas sans rappeler Osvaldo Pugliese... Rien à voir en tout cas avec l’image rose bonbon d’una orquesta de señoritas, cette institution sucrée, délicieusement surannée des années 20 et 30 (2), et ce en dépit de leur jeunesse de filles jolies à ravir et du nom fleuri, passablement désuet, qu’elles ont adopté...

Pour en savoir (un tout petit peu) plus, il faut visiter leur blog : http://lasrositastango.blogspot.com/. Vous y trouverez quelques infos et des clips vidéo (La Yumba et Gallo ciego).


(1) La notion d'études supérieures en Argentine est très différente de ce qu'elle est chez nous. D'abord parce que tout enseignement supérieur est universitaire, y compris l'enseignement artistique, que ce soit la musique, les arts plastiques, le cinéma, l'architecture... Ensuite parce qu'on est étudiant tant qu'on suit l'enseignement d'un professeur (comme en Europe, dans une école d'art). Le statut d'étudiant n'empêche donc d'aucune manière d'entrer dans la carrière, comme professeur de conservatoire par exemple.
(2) "Il s'agissait d'une Orquesta de Señoritas, raconte Aníbal Troilo à son ami, le poète Julián Centeya, qui l'interviewe à propos de ses débuts au Café Ferraro à l'âge de 13 ans. A cette époque, on en voyait beaucoup dans les cafés de quartier et les salons de thé du centre-ville. En fait, c'était des quatuors mais on disait orchestres de demoiselles. Physiquement, tous les orchestres de demoiselles ressemblaient à n'importe quel autre du même genre. C'était toujours une petite grosse qui jouait du piano, le violon était au pouvoir d'une maigre. Dans tout orchestre de demoiselles, il y avait un homme. Ça aussi, c'était un truc obligatoire. Je ne sais pas pourquoi c'était comme ça mais le fait est que ça a toujours été comme ça. Et c'est comme ça que je suis devenu l'homme de cet orchestre de demoiselles". (La Historia del Tango, Aníbal Troilo, n° 16, Ed. Corregidor, Buenos Aires, 1999)