mercredi 26 novembre 2014

Echos strasbourgeois dans la presse argentine [Actu]

Quatre gros titres ce matin pour La Nación
les ennuis judiciaires de la Présidente
le Pape à Strasbourg,
les chefs argentins étoilés en réunion à Buenos Aires
et les ennuis du Club River Plate

Il y aura finalement eu peu d'échos dans la presse argentine des deux discours du Pape François à Strasbourg, dont le premier pourtant, adressé au Parlement de l'Union Européenne, puissance invitante, ne manquait pas de franchise à l'égard de nos institutions qui peinent à s'ancrer dans la réalité vécue par les citoyens de l'Union.

Il est vrai que pour la presse d'opposition argentine, il existe des sujets plus brûlants et qui ont la priorité : le retour aux affaires de la Présidente, qui relève d'une maladie infectieuse particulièrement longue et difficile à soigner (et de cela tout le monde convenait), les affaires judiciaires qui cernent ses investissements hôteliers en Patagonie (1) et les sempiternels sujets footeux dont Clarín, La Nación et La Prensa se repaissent à longueur d'année.

Página/12, qui a fort apprécié le discours au Parlement (2), en dresse une analyse approfondie, sous la plume de son correspondant à Paris, Eduardo Febbro. Pour ma part, je retrouve bien le contenu de ce que j'ai moi-même entendu en direct et en italien (je me demandais s'il n'allait pas parler en espagnol – ça aurait peut-être fait que les journalistes argentins soient plus nombreux à en parler, comme la semaine dernière avec la FAO, où ils ont tous embrayé).

Dans la presse d'opposition, il faut en général fouiller le site Internet du canard pour tomber sur des articles un tant soit peu développés sur le sujet. Clarín se contente d'une galerie photos ! La Nación publie trois articles et celui qui est mis en avant sur le site aborde d'autres sujets (comme le scandale de pédophilie qui secoue depuis deux jours l'archidiocèse de Grenade en Espagne, un scandale dans lequel le Pape est intervenu personnellement à la demande de la victime). Les deux autres, qu'il faut chercher, sont l'un un digest très léger des propos pontificaux concocté à partir de dépêches d'agences et l'autre, rédigé par la correspondante à Rome, Elisabetta Piqué, revient convenablement sur le contenu de deux discours, dans un style un peu plus enrobé que celui de Febbro (3).
La Prensa regarde ailleurs.

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12, qui ne cache pas son accord avec le Pape
lire l'article de Elisabetta Piqué dans La Nación
lire l'article de La Nación sur la conférence de presse à bord de l'avion (où il est question du scandale grenadin)
lire l'article de dépêches qui est, comme celui de Elisabetta Piqué, agrémenté d'une vidéo de la standing ovation reçue par le Pape à la fin d'un discours qui pourtant ne ménageait pas les eurodéputés (que pour ma part j'ai trouvé très revigorés par ces propos, comme s'ils correspondaient au rôle qu'ils aspirent à jouer dans des institutions qui restent peu démocratiques, trop bureaucratiques et pas assez politiques au regard des enjeux. Le plus enthousiaste était bien Martin Schultz – Il est vrai qu'ils sont les seuls représentants légitimes des peuples européens, les seuls directement issus d'un scrutin populaire, quand bien même celui-ci a été boudé par les électeurs).
Bien entendu, vous pouvez aussi aller admirer la galerie de photos de Clarín mais vous aurez aussi bien, sinon mieux, sur le site d'information du Vatican.
Lire le discours intégral du Pape traduit en français par les services de la Secrétairie d'Etat (Card. Parolin) et le compte-rendu de la conférence de presse aérienne (en français).
A noter que le compte-rendu en italien est différent.


(1) Voilà quinze jours environ que le scandale a commencé. Mes autres activités, écriture, salons du livre, Unesco...) ne m'ont pas permis d'y porter l'attention voulue, mes fidèles lecteurs s'en sont peut-être rendu compte avec le contenu des articles que j'ai publiés dans cette période sur Barrio de Tango. Ne voulant pas répercuter des âneries, j'ai donc préféré m'abstenir jusqu'à y voir un peu plus clair. Pour ce que j'ai compris à cette heure, un juge a dans le collimateur, à tort ou à raison, le groupe hôtelier dont Cristina Kirchner est la principale actionnaire, un investissement entamé par Néstor Kirchner au Calafate, dans sa Province natale de Santa Cruz. A force de perquisitions répétées, le juge chercherait à prouver que cette activité hôtelière abrite de la fraude fiscale, un trafic de fausses factures et du blanchiment d'argent. En revenant aux affaires hier, la Présidente a dit qu'elle ne se laisserait intimider ni par l'acharnement des fonds spéculatifs de New York ni par l'acharnement judiciaire. Depuis le début de cette semaine, Página/12 rapporte les péripéties du dossier alors que pendant une dizaine de jours, seule la presse d'opposition en parlait (en s'en gargarisant avec une délectation vraiment suspecte). Comme pour les poursuites contre le vice-président Amado Boudou, il est difficile de savoir quelle est la part de l'impartialité théorique des juges telle qu'elle est établie dans la constitution du pays et celle de la curée d'une classe sociale, la magistrature, majoritairement et traditionnellement, pour ne pas dire dynastiquement, à droite toute, contre des gouvernants en fin de mandat et qui ne se représenteront pas en 2015. Or la Présidente s'en est déjà prise dans sa politique à ces pratiques ataviques d'une justice de classe qui caractérisent encore le système judiciaire argentin plus de trente ans après le retour de la démocratie, il est humain, mais illégitime, que les juges ne l'aient pas à la bonne.
(2) moi aussi, vous l'avez compris.
(3) Tant et si bien qu'on se demande pourquoi le journal publie cette bouillie rédactionnelle du second article. Car de deux choses l'une : ou ils attendent l'article que leur journaliste sur place va leur envoyer une fois rentrée chez elle à Rome (en fin de matinée pour les lecteurs argentins) ou ils se lèvent tôt pour écouter eux-mêmes en direct le discours pontifical retransmis sur Radio Vatican-CTV et ils font le boulot depuis Buenos Aires. C'est le métier, que je sache !