jeudi 20 novembre 2014

Bonne nouvelle patrimoniale : le CEPAN prend en charge la Confitería El Molino [Actu]

Une photo d'archive non datée,
avant la pose des ailes de moulin sur le pan coupé

Le CEPAN, Centre d'Etudes du Patrimoine architectural national, organisme nouvellement créé au sein du tout récent Ministère de la Culture, dirigé par Teresa Parodi, a annoncé à la fin de la semaine dernière qu'il prenait possession d'un vénérable chef d'œuvre Art Nouveau qui fut une grande institution bourgeoise du centre de Buenos Aires : la Confitería El Molino. Ce café-salon de thé-restaurant chic avait été fondé au milieu du XIXème siècle dans un autre endroit de la ville, plus ancien, et il y a un siècle, son patron, le pâtissier Cayetano Brenna a eu la bonne idée d'aller s'installer à côté du Congrès. C'est là, de l'autre côté du trottoir latéral, que l'immeuble dresse l'élégante et impressionnante structure de fer qui lui donne son cachet inimitable et dont on doit les plans à l'architecte italien, d'origine piémontaise, Francisco Terencio Gianotti, né en 1881 à Lanzo, au Piémont, et décédé à Buenos Aires en 1967 (1). Le bâtiment que l'on connaît aujourd'hui et dont quelques pans menacent de tomber sur la chaussée (2), a été construit de 1914 à 1916 par l'entreprise GEOPE et il est entré en fonction en 1917, l'année même où Carlos Gardel devenait le premier chanteur de tango de l'histoire, sous la première présidence de Hipólito Yrigoyen, une période fastueuse et démocratique qu'on appelle la République Radicale (1916-1930).

La fléche dans un état récent, sans les filets de protection
On voit très bien les ailes de moulin qui servaient d'enseigne

Hélas depuis de très nombreuses années et malgré un emplacement idéal en plein centre-ville, le salon de thé a fermé ses portes et le bâtiment, noirci par la pollution et les intempéries (il pleut autant à Buenos Aires qu'à Londres), se dégradait irrémédiablement, laissé à l'abandon complet par ses propriétaires, de nombreuses fenêtres éventrées... Un spectacle de désolation en pleine ville.

Et pourtant l'édifice avait été déclaré monument historique national en 1997.

Vendredi dernier, le Congrès national argentin a voté l'expropriation du bâtiment et l'a confié au CEPAN, qui a maintenant la mission de le restaurer dans sa splendeur première. Il va falloir faire appel à de nombreux corps de métier car les techniques d'architecture d'intérieur sont nombreuses : colonnes à stuc, appliques en bronze pour les luminaires, vitraux et mosaïques.

Le bâtiment dans son environnement.
La coupole verte est celle du Congrès (vaguement inspiré du Congrès des Etats-Unis)
Les voitures jaunes sont des taxis.
Dans le centre de Buenos Aires il y a plus de taxis que de voitures particulières.

On pourra peut-être un jour, dans quelques années, commander à nouveau un submarino et une medialuna assis dans ce luxueux décor, face à Plaza del Congreso et sa statuaire patriotique monumentale.

Pour en savoir plus :
connectez-vous à la page Facebook du CEPAN
lisez son très riche blog institutionnel (il s'agit de la page d'une émission de la Télévision publique intitulée Patrimonio y Nación - Memorias del futuro, qui rassemblent sous forme de moyens métrages mis en ligne sur Youtube l'intégralité des documentaires – un vrai régal pour découvrir le patrimoine du pays, du nord au sud, d'est en ouest. Un seul inconvénient : il faut bien entendu maîtriser l'espagnol pour comprendre le commentaire).
lire la fiche consacrée à Gianotti sur le site argentin Arquitectura.


(1) Buenos Aires lui doit plusieurs des immeubles qui font son identité architecturale si bigarrée, notamment les Galerías Güemes qui donnent sur la rue Florida, un des bâtiments les plus baroques de la Diagonal Norte (à l'angle avec Florida). Plusieurs de ses œuvres ont malheureusement été démolies au fur et à mesure que la ville se développe. Buenos Aires comme toute l'Argentine commence à peine à concevoir qu'elle dispose d'un patrimoine qui la distingue de n'importe quelle autre ville et qu'il convient de le protéger.
(2) En août dernier, j'ai eu le cœur serré en passant non loin de là pour me rendre à un rendez-vous et donc sans avoir le temps de m'arrêter (encore que en Argentine, arriver en retard est à peine mal élevé). L'immeuble était tout emmailloté dans des filets d'un gris crasseux et isolé du trottoir, d'ailleurs impraticable, par des palissades protectrices. des morceaux de revêtement étaient accrochés dans les filets et des plâtras jonchaient sur la partie découverte du trottoir comme on aurait pu en voir pendant des travaux. Et pourtant il n'y avait absolument aucune activité. Un véritable crève-cœur.