"Tabaré Président C'est l'Uruguay qui a gagné" (discours de l'élu) |
Comme l'annonçaient les sondages, avec une grande précision saluée par l'ensemble des médias, Tabaré Vázquez a emporté hier le second tour de l'élection présidentielle uruguayenne. Il a été élu à 53,6% des voix exprimées (1) et il rassemble sur son nom le plus grand nombre de bulletins de tous les présidents élus depuis le retour de la démocratie en 1985. Il est vrai qu'il avait au moment de son départ de la présidence en 2009 une cote de popularité exceptionnelle. Pour faire remonter en page d'accueil les articles le concernant, cliquez sur son nom dans le bloc Pour chercher, para buscar, to search, placé sous le titre du présent article.
Il eût été surprenant que Página/12 ne trouve pas un jeu de mots Le Frente s'est élargi. L'adjectif amplio est devenu un verbe au prétérit (amplió) |
Le
nouveau Chef d'Etat prendra ses fonctions le 1er
mars prochain, comme le veut l'usage en République Orientale de
l'Uruguay. D'ici là, c'est la transition, trois mois pleins pour
constituer son gouvernement où les principales figures du mandat
précédent retrouveront, semble-t-il, des postes exécutifs.
On
parle déjà du ministère de l'Economie pour l'actuel
vice-président, Danilo Astori, et de celui du logement pour l'épouse
du Président sortant, la sénatrice Lucía Topolansky, réélue elle
aussi.
Une générale de El País (journal uruguayen) |
Le
prochain vice-président, Raúl Sendic, est le fils d'un guerrillero
tupamaro. Du fait de ces liens familiaux et politiques, Sendic est un
proche de José Mujica, le président sortant, lui-même
ex-guerrillero comme son épouse. Tous ont connu la clandestinité,
la prison, la torture, pendant la dictature militaire qui a duré
encore plus longtemps encore qu'en Argentine, de 1973 à 1984.
"Il a tout balayé" Tabaré Vázquez et Raúl Sendic tombent dans les bras l'un de l'autre hier soir après la victoire |
Sendic
devra gérer les relations avec le parlement et avec l'opposition,
qui compte sur un leader qui certes vient de rater le fauteuil
présidentiel mais recueille tout de même un résultat qui n'est pas
une immense déroute mais lui permet au contraire de s'imposer dans
le paysage politique national.
Une du supplément sportif de La República Le prochain président n'est pas seulement médecin, c'est aussi un footeux de première |
C'est
le troisième mandat présidentiel consécutif pour le Frente Amplio,
cette alliance de toute la gauche uruguayenne qui s'est nouée avant
même le coup d'Etat militaire de 1973, qui a survécu au terrorisme
d'Etat et sert à présent à assurer une alternance durable à la
tête de l'Etat, après la première élection il y a huit ans de
Tabaré Vázquez, tout premier président de gauche en Uruguay.
Après
l'élection de Michèle Bachelet au Chili et la réélection de Dilma
Roussef au Brésil, c'est donc la confirmation de l'implantation de
la gauche dans le sud du sous-continent et un peu au-delà (le Pérou,
la Bolivie, l'Equateur sont eux aussi gouvernés à gauche, le
gouvernement sortant argentin s'inscrit dans le même courant, sans
parler du nord, du Venezuela, resté dans la mouvance chaviste).
C'est aussi la sixième fois dans l'histoire nationale qu'un président fera un second mandat, alors que la constitution n'autorise pas les chefs d'Etat à se représenter à l'issue d'une présidence et que l'indépendance a été acquise il y a moins de deux cents ans, en 1830, contre le Brésil et l'Argentine.
Couverture d'un cahier spécial résultats des élections |
Tabaré
Vázquez est médecin de profession. C'est même l'un des plus grands
oncologues de son pays. Il s'est formé dans cette spécialité à
l'Institut Gustave Roussy, à Paris. Pendant sa première présidence,
il a continué à exercer une activité hospitalière, en se rendant
à l'hôpital environ une fois par semaine, et il a repris son métier
à plein temps dès le mois de mars 2010, aussitôt après avoir
passé le flambeau à Pepe Mijica et en lançant une campagne de
prévention contre les cancers du fumeur.
Nous
aurons donc le 1er
mars prochain une cérémonie d'investiture à l'envers de celle d'il
y a quatre ans : c'est Mujica qui passera l'écharpe
présidentielle à Vázquez.
"Tabaré revient" |
Le
Président en fonction a salué la maturité démocratique du peuple
uruguayen et le bon déroulement de ce nouveau scrutin, présidentiel
et législatif, et après que le résultat a été connu, il a fait
une déclaration, pleine de cette philosophie bonhomme qu'il affiche
les bons jours (quand il n'est pas de mauvais poil) (2).
“Mi
participación será volcar experiencia y poder ayudar en la medida
en que se pueda al nuevo gobierno y seguramente aparezcan entuertos
que haya que luchar por deshacer. No sirvo para viejo jubilado tirado
en un rincón acariciando los recuerdos. Mientras mis huesos y el
chasis responda, voy a tratar de hacer todo lo que pueda porque
todavía quedan muchas injusticias. Y voy a seguir peleando por eso,
porque el premio no está en el final sino en el camino.”
Pepe
Mujica, cité par Página/12
Ma
participation sera de déverser mon expérience et de pouvoir aider
dans la mesure du possible le nouveau gouvernement et il est sûr
qu'il arrivera des tuiles et qu'il faudra se battre pour s'en sortir.
Mais je ne vais pas me la jouer vieux retraité qui reste dans son
coin à ruminer ses souvenirs. Tant que les os et le châssis
tiendront, je vais essayer de faire tout ce que je peux parce que les
injustices, ce n'est toujours pas ce qui manque ici. Et je vais
continuer à me bagarrer là-dessus, parce que la récompense, ce
n'est pas au bout de la route qu'on la trouve, c'est tout au long du
chemin.
(Traduction
Denise Anne Clavilier)
Pour
aller plus loin :
dans
la presse uruguayenne
lire
l'article de El País sur la victoire du Frente Amplio
lire
l'éditorial de El País, par Washington Beltrán, sur les défis qui
attendent le nouveau président
lire
l'article de La Red 21 sur le résultat des urnes
lire
l'article sur l'appel au dialogue lancé par le nouvel élu dès
l'annonce des résultats
lire
l'article sur la réaction de Raúl Sendic qui a rendu
hommage à la mémoire de son père sitôt le résultat connu
lire l'analyse des résultats par La República
lire l'article sur l'appel à la fête (démocratique) fait par Tabaré Vázquez, pour saluer le bon déroulement du scrutin et ce qu'il signifie dans l'histoire du pays
lire
l'article de El Observador sur Lacalle Pou, nouveau leader de
l'opposition, après sa défaite devant Tabaré Vázaquez
lire
le portrait de Tabaré Vázquez tel qu'on le trouve dans El Oservador
lire
le portrait de Raúl Sendic, tel que le propose ce même quotidien
dans
la presse argentine
lire
l'interview de Lucía Topolansky dans Página/12
lire
l'interview de Danilo Astori dans Página/12 de dimanche
lire
le portrait de Tabaré Vázquez établi par La Nación
(1)
En Uruguay, à l'élection présidentielle, les bulletins blancs sont
comptés comme votes exprimés et valides. Ce qui explique pourquoi
sur un scrutin à deux noms, l'autre candidat ne recueille que 41,10
% des voix.
(2)
Quand il est de mauvais poil, il emploie plus volontiers un langage
de charretier.