En haut, le siège du PJ gardé par une police lourdement armée En bas, le symbole de la dépénalisation de l'avortement, dont le débat vient de s'ouvrir au Congrès |
Avant-hier,
une juge fédérale a accédé à la demande d'un responsable de la
CGT, le syndicat adossé historiquement au PJ (Partido
Justicialista), le parti péroniste, en mettant celui-ci en tutelle
et en y nommant un administrateur, qui n'est autre qu'un responsable
syndical, Luis Barrionuevo, le secrétaire général du syndicat des
salariés de l'hôtellerie, du tourisme et de la gastronomie.
Depuis
la fin du mandat présidentiel de Cristina Kirchner (9 décembre 2015), le PJ ne
parvient pas à trouver une solution pour élire des instances
directrices qui fonctionnent conformément aux statuts. Le président
est un ancien gouverneur de la Province de San Juan, José Luis
Gioja, mais il a été nommé dans des conditions contestables d'un
point de vue statutaire, même si sa longue carrière politique fait
du personnage un président crédible, sinon efficace.
La photo est pour le patron de Facebook comparaissant devant le Congrès des Etats-Unis En haut : le gros titre parle d'une projet du gouvernement qui voudrait voir les habitants des bidonvilles devenir propriétaires du terrain où ils se sont installés une information que La Nación est seule à rapporter En bas : "Crise au PJ" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
La
mise sous tutelle du premier parti de l'opposition, en niveau
électoral, pose dès lors un énorme problème à la démocratie
argentine. Il n'est pas tout à fait normal que la justice ne laisse
pas se débrouiller seul un organisme politique, représenté au
Congrès, alors qu'aucune malversation n'est retenue dans le chef des
dirigeants actuels. Cette décision de la juge alimente depuis
avant-hier une vaste polémique dans tout le pays. Divers caciques du
péronisme s'élèvent contre elle. Des responsables d'autres partis,
comme le socialiste Antonio Bonfatti, y voient une menace pour la
démocratie. La gauche péroniste interprète cette mise sous tutelle
comme une intervention directe de la majorité dans les affaires de
son principal opposant.
La photo centrale montre Gioja (en noir) dans la cohue devant le siège du PJ au moment où il est expulsé, après sa destitution par la justice Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Le
gouvernement s'est bien entendu déclaré surpris par l'ordonnance de
la juge et jure ses grands dieux n'y être pour rien et n'y avoir
aucun intérêt.
Tous
les journaux ont mis l'affaire à la une, y compris La Prensa, le
seul à se contenter d'une toute petite manchette à peine visible.
Página/12 modifie quant à lui les proportions de sa une pour rendre
compte de l'événement. La Nación et Clarín choisissent de le
glisser dans un coin discret mais de taille normale.
L'avenir
nous dira comment le PJ, parti fondé par Juan Domingo Perón en 1943, va se
relever de ce coup et s'il pourra préparer la campagne électorale
de l'année prochaine, où les Argentins seront appelés à élire à
nouveau leur chef d'Etat, en octobre pour le premier tour et en
décembre pour le second, si second il y a. Le parti a fait appel de l'ordonnance.
Le
type debout : Le PJ a été mis sous tutelle.
Le
type assis (sa grosse moustache fait bigrement penser à Ricardo
Alfonsín, l'un des caciques de l'UCR, le parti radical, lui-même
fils de Raúl Alfonsín, acteur du retour à la démocratie et
président de 1983 à 1989) : Il était temps. Nous, on nous a
mis en tutelle il y a trois ans (1)
Le
type debout : On n'a pas été mis en tutelle !
Le
type assis : Quoi ! Tu vas pas me dire que tout ce qu'on a
fait depuis 2015, c'est nous qui l'avons décidé !
Traduction
©
Denise
Anne Clavilier
Pour
aller plus loin :
dans
la presse argentine hier
lire
l'analyse politique de Página/12 ("c'est un coup du gouvernement")
lire
l'analyse de Antonio Bonfatti dans Página/12
lire
l'article de La Prensa sur les prises de position du gouverneur de
San Luis, Alberto Rodríguez Sáa, un péroniste historique
lire
l'article de La Nación sur les déclarations de José Luis Gioja, le
président destitué par la justice au profit de l'administrateur nommé
lire
l'article de Clarín
dans
la presse argentine aujourd'hui
lire
l'article de Página/12 sur les déclarations de Luis Barrionuevo qui
se décrit comme un véritable péroniste
lire
l'article de Página/12 sur les intentions de la direction démise
lire
l'article de La Nación sur la réaction du gouvernement, qui affiche
une surprise, réelle ou feinte
lire
l'article de Clarín sur le premier communiqué de l'administrateur
Barrionuevo
Ajouts du 13 avril 2018 :
lire cet article de Página/12 sur la prise de position des gouverneurs péronistes contre la mise sous tutelle de leur parti
lire cet article de La Prensa sur la convocation d'un congrès par Gioja, alors qu'il était déjà dépouillé, de jure, de ses fonctions
Ajouts du 13 avril 2018 :
lire cet article de Página/12 sur la prise de position des gouverneurs péronistes contre la mise sous tutelle de leur parti
lire cet article de La Prensa sur la convocation d'un congrès par Gioja, alors qu'il était déjà dépouillé, de jure, de ses fonctions
(1)
Il y a trois ans, l'UCR a constitué l'alliance Cambiemos avec le
parti néolibéral PRO, conduit par Mauricio Macri. Or l'UCR est
traditionnellement un parti de centre-gauche, très attaché, depuis
ses origines, en 1891, à la souveraineté nationale, au patriotisme
économique et à la redistribution sociale des richesses par
l'impôt, la lutte contre la corruption, le développement de l'école
et des universités, la moralisation du monde judiciaire, etc. Or
notamment depuis le mois d'octobre dernier, ce sont là des axes que
le gouvernement semble avoir abandonnés sans même y mettre les
formes, puisque récemment les ministres libéraux se targuaient même
de posséder des comptes offshore, refusant d'y voir la moindre
corruption ni la moindre trahison envers le pays qu'ils dirigent
pourtant depuis plus de deux ans.