Le rouleau de Rhodes |
Les musées argentins ne conservent pas de pièces
médiévales. C’est à peine s’ils conservent des pièces de
l’époque moderne. Leurs collections sont presque exclusivement
constituées de pièces contemporaines datant d’après la
Révolution de Mai 1810 et de très peu d’années avant, tels ces
drapeaux, ces armes ou ces uniformes pris aux Britanniques en 1806 et
1807, après leurs deux défaites des Invasions dites Anglaises. Pas
de pièces médiévales, tout simplement parce que le pays n’a
commencé à avoir une histoire écrite qu’après la conquête
espagnole – même s’il existe quelques pièces aborigènes datées
des siècles qui correspondent au Moyen-Age européen. Peu ou pas de
pièces modernes, sauf dans les églises, tout simplement parce que
tout ce qui était beau ou significatif est parti en Europe. C’est
ainsi qu’on trouve les originaux des plans de fondation de Buenos
Aires dans les collections du Vatican ou les archives espagnoles.
Encuentro de Paz Les participants, très jeunes, posent devant le rouleau exposé dans sa vitrine |
C’est
pourquoi qu’une association internationale juive ait choisi de
confier à un musée de Buenos Aires un très précieux rouleau de la
Torah (1) datant du bas Moyen-Age espagnol est un véritablement
événement, même si seule La Nación en rend compte ce matin. Ce
rouleau de parchemin se trouve maintenant au Museo del Holocausto et
son exposition dans le cadre de la rénovation du musée a été
accompagnée d’une rencontre inter-religieuse pour la paix entre des
juifs et des musulmans pendant que le musée est encore fermé.
Le
rouleau (sefer torah) a été copié il y a environ 800 ans et
emporté jusqu’à Rhodes lors de l’expulsion des juifs et des
musulmans par les Rois Catholiques, Fernando d’Aragon et Isabel de
Castille, en 1492, après la prise de Grenade, la dernière ville
dirigée par un prince musulman en Andalousie. Beaucoup plus tard, ce
rouleau a encore échappé aux destructions nazies. C’est donc un
rescapé patrimonial mondial qui atterrit à Buenos Aires, la ville
d’Amérique du Sud qui compte la plus importante communauté juive
en effectif démographique.
La
pièce est si exotique pour ses lecteurs que la journaliste se sent
obligée d’expliquer ce que c’est que du parchemin et pourquoi il
a cette couleur beige que les habitants du Vieux Continent qui lisent
ce même genre de quotidien reconnaissent du premier coup d’œil.
Elle attirera tous les visiteurs à la réouverture du musée le mois
prochain.
(1)
La Torah, c’est le Pentateuque des bibles chrétiennes, soit les
cinq premiers livres des Écritures
Saintes, à ceci près que le texte est toujours recopié à la main
par un scribe à l’expertise ultra-pointue et écrit en hébreu sur
une seule peau que l’on peut ensuite rouler sur elle-même pour la
déposer dans le tabernacle et dérouler pour faire la lecture
liturgique du chabat et des jours de fête.