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Entre 1812 et 1822, le général José de
San Martín (1778-1850), on le sait trop
peu en Europe, a garanti l’indépendance
de l’actuelle Argentine
et libéré du jour colonial le
Chili (en 1817) puis le Pérou (en 1821). Par la suite, refusant de
demeurer dans des
pays livrés à la guerre civile, dont il ne voulait être ni un
acteur ni un
otage, il partit
vivre, temporairement croyait-il, en Europe. Ses
campagnes émancipatrices à l’échelle d’un continent et surtout
sa spectaculaire traversée des Andes pendant l’été 1817,
couronnée par la victoire de Chacabuco (2 février 1817), l’avait
fait reconnaître en Europe comme un « nouveau Napoléon »
et un « autre Hannibal »… Il surprit toute l’Europe
et toute l’Amérique, du nord et du sud, lorsqu’en septembre
1822, au moment où tout le monde s’attendait à le voir se faire
couronner à Lima, il renonça au pouvoir et quitta aussitôt la
scène publique...
L'hôtel Aguado en 1839 d'après une estampe de la collection personnelle du propriétaire |
Dans
son exil volontaire et douloureux, il passa
neuf mois à Londres puis sept ans à Bruxelles avant de venir
s’installer à Paris au début du printemps 1831. En 1835, il put
acheter une belle maison de campagne à
Evry avec un jardin dont il s’occupait
personnellement tout l’été. C’est
là que sa seconde petite-fille, Pepa (diminutif de Josefa), est née le
14 juillet 1836 (1).
Peu avant, il avait acheté un appartement dans un immeuble qui
venait de sortir de terre, dans une rue nouvellement
percée dans le nord de Paris, dans un
nouveau quartier, ultra-moderne, lumineux et propre, conçu par
le préfet de la Seine, le comte Rambuteau, et qu’on appela très vite la Nouvelle
Athènes, à cause du grand nombre d’intellectuels et d’hommes
politiques libéraux (2) qui vinrent
y habiter. Il s’installa ainsi
dans la rue Saint-Georges, sur la paroisse de Notre-Dame de Lorette.
Monument à l'Armée des Andes sur le Cerro de la Gloria (Mont d'Honneur) à Mendoza, d'où partit l'expédition de libération du Chili |
Dans
le même quartier, se dressait
l’ancien Opéra de Paris que dirigeait un
mécène, un ancien afrancesado (3)
sévillan, Alexandre-Marie Aguado, fastueux financier qui protégea
la majorité des artistes romantiques, d’Alexandre Dumas à Honoré
de Balzac comme de Giacomo Rossini à Frédéric Chopin (4).
Lorsqu’il était à Paris, Aguado vivait dans un hôtel particulier
qui est aujourd’hui la mairie du 9e
arrondissement, dans une partie de la rue de la Grange-Batelière qui
est devenue la rue Drouot. En 1808, avant qu’Aguado rejoigne le
camp des Français au cours de la guerre d’Espagne, il avait servi
pendant quinze jours dans la même unité de l’armée patriote que
San Martín, alors capitaine. Tous les deux se retrouvèrent à
Paris et devinrent des amis personnels et intimes.
Nécrologie de San Martín paru dans la Gazette de Lausanne Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
En 1842, à la
mort prématurée d’Aguado, par la volonté du défunt, San Martín
devint son exécuteur testamentaire principal et le tuteur de ses
deux fils mineurs. Ce devoir envers son ami le retint sur Paris à
une époque où le Chili apaisé s’apprêtait à accueillir son libérateur, le
vainqueur des Andes : San Martín aurait pu y couler une
retraite heureuse dans une belle propriété agricole. Mais il était
dit qu’il devait mourir en France, ce qui advint le 17 août 1850,
à Boulogne-sur-Mer, dans une maison qui est devenu un musée
argentin extraterritorial sur la Côte d’Opale.
Détail du groupe Monument à l'Armée des Andes à Mendoza San Martín, sur son cheval, observe les Andes et médite son plan de campagne |
C’est
dans cet ancien hôtel Aguado que je suis invitée par la Société
d’étude du Patrimoine et de l’Histoire du 9e
arrondissement à donner ma prochaine conférence :
José de San
Martín (1778-1850),
libérateur de l’Amérique du Sud et parisien d’adoption
Ce sera le vendredi 7 février 2020, à 18h30.
Entrée
libre et gratuite.
Vente
de mes ouvrages et dédicace sur place.
(1)
Josefa Balcarce de San Martín est décédée en 1824, à
Brunoy, dans l’Essonne. Elle y est enterrée. Pendant la Grande
Guerre, elle fut une bienfaitrice des blessées de l’armée
française, qu’elle accueillit dans un hospice de vieillards
qu’elle avait fondé, qu’elle convertit en hôpital de pointe
pendant le conflit et qu’elle dirigea personnellement, s’y
rendant tous les jours et donnant toute son énergie à cette tâche
éprouvante.
(2)
La gauche de l’époque et le soutien du régime de Juillet.
(3) Les Espagnols ont
appelé afrancesados les collaborateurs de l’occupant français
pendant le règne de Joseph Bonaparte, considéré comme usurpateur
du trône de Fernando VII. Aguado passa dans ce camp politique
vers 1810 au moment où San Martín commençait à concevoir son
départ pour l’Amérique où il voulait continuer à lutter pour la
liberté politique et l’indépendance nationale, hors de portée du
régime bonapartiste qui dominait une grande partie de l’Europe.
(4) Aguado inspira à
Dumas père le personnage du comte de Montecristo. Le roman parut,
sous forme de feuilleton dans la presse, deux ans après la
disparition du généreux bienfaiteur des artistes qui repose
toujours au cimetière du Père Lachaise où San Martín avait
contribué à le faire conduire. Il fut le seul de ses proches dont
il put assister aux obsèques.