mercredi 29 janvier 2020

Les habits neufs de Mauricio Macri [ici]

Página/12 a fait très fort ce matin avec cette une qui demande un décryptage carabiné !
En rouge : "Grâce à la FIFA, Macri échange Panamá pour la Suisse"
En noir : "Une chaise longue offshore"
La 1ère phrase fait référence aux Panamá Papers où on a retrouvé le nom de Macri
au lendemain de sa prise de fonction à la Casa Rosada.
La photo et le gros titre font allusion à ces nombreuses photos de vacances
où Macri s'est mis en scène sur Twitter
plusieurs fois par an, souriant, décontracté, sur une chaise
au cours de très nombreux jours de repos, le plus souvent dans le nord de la Patagonie

C’est le dernier scandale en date de l’été argentin : on sait enfin ce que Mauricio Macri va faire de son temps libre, lui qui, après la passation de pouvoir à Alberto Fernández, était parti passer de longues vacances en Europe. Le président de la FIFA, Gianni Infantino, vient de le nommer à la tête de la Fondation de l’organisation.

Voilà donc un ancien chef d’État d'un pays démocratique, Mauricio Macri, qui, en arrivant à la Casa Rosada, le palais présidentiel, en décembre 2015, avait reçu un pays en convalescence économique, en très bonne voie de désendettement et doté d’un fort taux de croissance, le tout avec une inflation d’environ 25 % l’an. A tous ceux qui voulaient l’entendre, il proclamait, sur un ton de donneur de leçon, que la majorité antérieure était un repaire de voleurs et de corrompus dont l’inflation révélait l’incapacité à gouverner. Le 10 décembre dernier, après quatre ans de mandat, il a, en quittant le pouvoir, laissé un pays à nouveau endetté pour au moins une génération, dont il a mis en miettes le tissu de PME et les services publics, dont il a privé d’investissement les secteurs non-marchands qui préparent l’avenir d’un pays (recherche, santé, éducation, culture). Le taux d’inflation, ce bon apôtre l’a porté à 53,8 % l'an (pire qu'au plus fort de la crise de 2001) et en ce mois de janvier, on n’en finit pas de découvrir les pots-aux-roses de la biodiversité des magouilles : prêts plus que rondelets accordés sur les deniers publics à des amis contre toutes les règles financières en vigueur, dettes fiscales et sociales de la holding de papa (qu’il a osé incriminer au surlendemain de sa mort) et projets de développement annoncés à grand renfort de promesses électorales… jamais tenues.
Bref, un désastre politique et social et un pays ruiné.

Clarín, pourtant plus footeux que Página/12,
a relégué l'info dans l'un des petits titres de la colonne droite
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Et c’est ce même bonhomme qui se voit confier à présent la présidence d’un organisme fondé en 2018 par la FIFA pour, prétend-elle, mener des projets de développement social grâce au sport et de s opérations de mise aux normes de stades dans des pays qui n’ont pas les moyens d’avoir des infrastructures à la hauteur des exigences internationales. C’est-à-dire tout ce que Macri s’est refusé à faire dans son pays pendant sa présidence, voire ce qu’il a volontairement dégradé dans ce qui, dans ce domaine, fonctionnait bien.

Tout le monde du football argentin est vent debout contre cette nomination qui est interprétée comme un bras d’honneur de la FIFA au peuple argentin et qui peut dire sérieusement que ce n’est pas le cas ? Diego Maradona (surnommé D10s) a publiquement appelé l’organisation internationale « à flanquer dehors ce jean-foutre ». Quant au président de la fédération argentine, il se dit scandalisé. Même le Club Boca Juniors (1), que Mauricio Macri a présidé dans une vie antérieure et où a joué Diego Maradona dans ces débuts (2), a exprimé un désaccord sans équivoque.

Image pieuse du culte de D10s (prononcez Dios ou Diez, soit Dix)
un culte patriotique anti-Fifa

Mais que va faire Macri dans cette galère ? La présidence de la Fondation FIFA est un poste honorifique, sans rémunération (officiellement en tout cas) et à temps partiel. Mais il permet de faire le tour du monde aux frais du roi de Prusse et de rencontrer tous les chefs d’État sur toute la planète, dans les pays riches pour aller collecter de l’argent et dans les autres pour faire semblant d’en distribuer. Il va ainsi pouvoir maintenir et développer son réseau dans les cercles du pouvoir à l’échelle mondiale. Il nous rejoue donc le coup du Boca Juniors quand la présidence du club lui avait servi à s’élancer dans la carrière politique. Et dans quatre ans, on le reverra sans doute débarquer dans l’élection présidentielle.

Avec cette nomination obscène, Infantino démontre sans doute que cette fondation n’est pas là pour aider. Elle n’existe que pour faire semblant et dédouaner la FIFA qui reste cette organisation vénale, antidémocratique, antisociale et cynique qu’elle était sous la présidence d’Havelange.

Prions donc le "Diego Nuestro" de l’église Maradonienne. Il est à peine daté et tout est dit (avec humour, ce qui ne gâche rien).

Diego nuestro que estas en la tierra,
santificada sea tu zurda,
Venga a nosotros tu magia,
háganse tus goles recordar,
así en la tierra como en el cielo.
Danos hoy una alegría en este día,
y perdona aquellos periodistas
así como nosotros perdonamos
a la mafia napolitana.
No nos dejes manchar la pelota
y líbranos de Havelange.
Diego

Notre Diego qui est sur la terre,
que ta gauche soit sanctifiée,
que ta magie vienne
que tes buts soient célébrés
sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui une joie en ce jour
et pardonne à ces journalistes
comme nous-mêmes nous pardonnons
à la mafia napolitaine.
Ne nous laisse pas entacher le ballon
mais délivre-nous de Havelange
Diego
Traduction © Denise Anne Clavilier



Pour aller plus loin :
consulter le site Internet de l’Église Maradonienne (une blague de potaches, pas une secte)


Ajouts du 30 janvier 2020 :
lire cet éditorial de Página/12 sur le camouflet infligé par la FIFA à l'Argentine et à ses instances sportives à travers cette nomination qui reflète l'entregent mondain de Macri (et les complicités politiques entre dirigeants internationaux) et non pas ses compétences sociales et sportives
lire cet entrefilet de Página/12 sur les déclarations assassines de l'ancien partenaire de formule présidentielle de Mauricio Macri, le péroniste renégat Miguel Angel Pichetto, qui demande à l'ancien chef d'Etat de se taire (au lieu d'accuser ses ministres du niveau d'endettement du pays) et qui fait semblant de se réjouir qu'on l'ait nommé à la tête de la FIFA Foundation et non pas à la tête de la Banque Mondiale.



(1) Aux dernières élections, à la fin de l’année dernière, les sociétaires du club ont renversé l’équipe dirigeante de la ligne Macri au profit d’une liste de l’opposition.
(2) Ces deux-là ne peuvent pas se voir en peinture.