C’est le dernier scandale en date de l’été argentin : on
sait enfin ce que Mauricio Macri va faire de son temps libre, lui
qui, après la passation de pouvoir à Alberto Fernández, était
parti passer de longues vacances en Europe. Le président de la FIFA,
Gianni Infantino, vient de le nommer à la tête de la Fondation de
l’organisation.
Voilà donc un ancien
chef d’État d'un pays démocratique, Mauricio Macri, qui, en arrivant à la Casa Rosada, le palais présidentiel, en décembre 2015,
avait reçu un pays en convalescence économique, en très bonne voie
de désendettement et doté d’un fort taux de croissance, le tout
avec une inflation d’environ 25 % l’an. A tous ceux qui
voulaient l’entendre, il proclamait, sur un ton de donneur de
leçon, que la majorité antérieure était un repaire de voleurs et
de corrompus dont l’inflation révélait l’incapacité à
gouverner. Le 10 décembre dernier, après quatre ans de mandat, il
a, en quittant le pouvoir, laissé un pays à nouveau endetté pour
au moins une génération, dont il a mis en miettes le tissu de PME
et les services publics, dont il a privé d’investissement les
secteurs non-marchands qui préparent l’avenir d’un pays
(recherche, santé, éducation, culture). Le taux d’inflation, ce
bon apôtre l’a porté à 53,8 % l'an (pire qu'au plus fort de la crise de 2001) et en ce mois de janvier, on
n’en finit pas de découvrir les pots-aux-roses de la biodiversité
des magouilles : prêts plus que rondelets accordés sur les deniers publics à des amis contre toutes les règles financières en vigueur, dettes fiscales et sociales de la holding
de papa (qu’il a osé incriminer au surlendemain de sa mort) et
projets de développement annoncés à grand renfort de promesses
électorales… jamais tenues.
Bref, un désastre
politique et social et un pays ruiné.
Clarín, pourtant plus footeux que Página/12, a relégué l'info dans l'un des petits titres de la colonne droite Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Et c’est ce même
bonhomme qui se voit confier à présent la présidence d’un organisme fondé
en 2018 par la FIFA pour, prétend-elle, mener des projets de
développement social grâce au sport et de s opérations de mise aux normes de stades
dans des pays qui n’ont pas les moyens d’avoir des
infrastructures à la hauteur des exigences internationales.
C’est-à-dire tout ce que Macri s’est refusé à faire dans son
pays pendant sa présidence, voire ce qu’il a volontairement
dégradé dans ce qui, dans ce domaine, fonctionnait bien.
Tout le monde du
football argentin est vent debout contre cette nomination qui est
interprétée comme un bras d’honneur de la FIFA au peuple argentin
et qui peut dire sérieusement que ce n’est pas le cas ? Diego
Maradona (surnommé D10s) a publiquement appelé l’organisation internationale « à
flanquer dehors ce jean-foutre ». Quant au président de la
fédération argentine, il se dit scandalisé. Même le Club Boca
Juniors (1), que Mauricio Macri a présidé dans une vie antérieure
et où a joué Diego Maradona dans ces débuts (2), a exprimé un
désaccord sans équivoque.
Image pieuse du culte de D10s (prononcez Dios ou Diez, soit Dix) un culte patriotique anti-Fifa |
Mais que va faire Macri
dans cette galère ? La présidence de la Fondation FIFA est un
poste honorifique, sans rémunération (officiellement en tout cas)
et à temps partiel. Mais il permet de faire le tour du monde aux
frais du roi de Prusse et de rencontrer tous les chefs d’État sur
toute la planète, dans les pays riches pour aller collecter de
l’argent et dans les autres pour faire semblant d’en distribuer.
Il va ainsi pouvoir maintenir et développer son réseau dans les
cercles du pouvoir à l’échelle mondiale. Il nous rejoue donc le
coup du Boca Juniors quand la présidence du club lui avait servi à
s’élancer dans la carrière politique. Et dans quatre ans, on le
reverra sans doute débarquer dans l’élection présidentielle.
Avec cette nomination
obscène, Infantino démontre sans doute que cette fondation n’est
pas là pour aider. Elle n’existe que pour faire semblant et
dédouaner la FIFA qui reste cette organisation vénale,
antidémocratique, antisociale et cynique qu’elle était sous la
présidence d’Havelange.
Prions donc le "Diego
Nuestro" de l’église Maradonienne. Il est à peine daté et tout
est dit (avec humour, ce qui ne gâche rien).
Diego
nuestro que estas en la tierra,
santificada
sea tu zurda,
Venga
a nosotros tu magia,
háganse
tus goles recordar,
así
en la tierra como en el cielo.
Danos
hoy una alegría en este día,
y
perdona aquellos periodistas
así
como nosotros perdonamos
a
la mafia napolitana.
No
nos dejes manchar la pelota
y
líbranos de Havelange.
Diego
Notre
Diego qui est sur la terre,
que
ta gauche soit sanctifiée,
que
ta magie vienne
que
tes buts soient
célébrés
sur
la terre comme au ciel.
Donne-nous
aujourd’hui une joie en ce jour
et
pardonne à ces journalistes
comme
nous-mêmes nous pardonnons
à
la mafia napolitaine.
Ne
nous laisse pas entacher le ballon
mais
délivre-nous de Havelange
Diego
Traduction © Denise Anne Clavilier
Pour aller plus loin :
lire l’article de Clarín
consulter le site Internet de l’Église Maradonienne (une blague de potaches,
pas une secte)
Ajouts du 30 janvier 2020 :
Ajouts du 30 janvier 2020 :
lire cet éditorial de Página/12 sur le camouflet infligé par la FIFA à l'Argentine et à ses instances sportives à travers cette nomination qui reflète l'entregent mondain de Macri (et les complicités politiques entre dirigeants internationaux) et non pas ses compétences sociales et sportives
lire cet entrefilet de Página/12 sur les déclarations assassines de l'ancien partenaire de formule présidentielle de Mauricio Macri, le péroniste renégat Miguel Angel Pichetto, qui demande à l'ancien chef d'Etat de se taire (au lieu d'accuser ses ministres du niveau d'endettement du pays) et qui fait semblant de se réjouir qu'on l'ait nommé à la tête de la FIFA Foundation et non pas à la tête de la Banque Mondiale.
(1) Aux dernières
élections, à la fin de l’année dernière, les sociétaires du
club ont renversé l’équipe dirigeante de la ligne Macri au profit
d’une liste de l’opposition.
(2) Ces deux-là ne
peuvent pas se voir en peinture.