vendredi 3 janvier 2020

2020 est bien l'année du Général Manuel Belgrano [Actu]

Manuel Belgrano à Londres, en 1815
portrait par le peintre français Casimir Carbonnier
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En bas, à droite : un petit détail montre le drapeau inventé par Belgrano en 1812
bleu et ciel, ancêtre de l'actuel emblème national
Il faut de bons yeux !

On n'aurait sans doute pas eu cette chance avec le président Macri, qui se contre-moquait de l'histoire de son pays à laquelle il ne connaît pas grand-chose comme tous les tenants du néolibéralisme qui font du profit le seul critère de toutes leurs actions. Mais avec à la tête de la République un juriste de gauche souverainiste, on pouvait raisonnablement espérer le décret qui vient d'être publié au Bulletin officiel de la République Argentine : 2020 est déclarée Année du Général Manuel Belgrano à l'occasion des 250 ans de sa naissance, à Buenos Aires, et du bicentenaire de sa mort, dans la même ville (et à la même adresse, qui plus est).

L'Instituto Nacional Belgraniano a été retenu pour coordonner les manifestations publiques en apportant son expertise scientifique. Une excellente nouvelle pour laquelle le président de cette institution, nommé lui aussi Manuel Belgrano et arrière-arrière-arrière petit-fils du général, a travaillé activement avec toute son équipe ces derniers mois. Un salut amical à tous depuis la France puisque j'ai l'honneur de les connaître et de les compter parmi mes amis portègnes...

Texte officiel du décret publié ce matin au bulletin officiel
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Manuel Belgrano était un contemporain exact de Napoléon Bonaparte : il est né quelques mois après lui, le 3 juin 1770 (Napoléon a vu le jour à Ajaccio le 15 août précédent). Et il est mort, de maladie lui aussi, un peu moins d'un mois avant, le 20 juin 1820. Juriste formé à Salamanque et à Valladolid, il avait envisagé en 1790 une carrière diplomatique avant d'être nommé en 1793 secrétaire d'un organisme au service de l'économie coloniale et du commerce entre Buenos Aires et Madrid, d'où il s'efforça, en vain, d'organiser des circuits de développement local que la Couronne ne fit qu'entraver par des décisions dont la stupidité le disputait au ridicule. Il ne fallut donc qu'une étincelle en mai 1810 pour transformer le fidèle secrétaire du Consulat royal en un ardent révolutionnaire qui ne mit guère plus d'un an à basculer définitivement dans la pensée (et l'action) indépendantiste.

Dès décembre 1810, ce prestigieux intellectuel prit les armes pour défendre le territoire des Provinces Unies du Sud contre les menées des contre-révolutionnaires. Il obtint le grade de général dans l'année qui suivit, grâce à sa campagne, très brillante pour un novice, du Paraguay. Mais c'est dans les Andes qu'il devait donner à la future armée argentine sa toute première victoire sur le sol national : la bataille de Tucumán, le 24 septembre 1812. A la tête de son armée, il remonta alors vers le nord pour reprendre les villes de Salta et de Jujuy, une campagne où il lui fut donné de sanctuariser cette partie de ce qui est aujourd'hui le territoire national de la République argentine et qui lui valut une certaine notoriété internationale, comme le prouvent les lithographies que ces nouvelles inspirèrent à Géricault au cours des années suivantes.

Une image d'Epinal argentine : la bataille de Tucuman
reprise de Géricault et colorisée pour faire plus vivant

En 1815, il était à Londres chargé par le gouvernement révolutionnaire d'obtenir le soutien des puissances européennes à la future déclaration d'indépendance. Malheureusement pour la mission, Napoléon avait débarqué à Golfe-Juan quelques semaines auparavant et quand il débarqua dans les Cornouailles anglaises, les coalisés faisaient des préparatifs de guerre et la demande de ce général du bout du monde était le cadet des soucis du personnel politique alors aux manettes du Vieux Continent.

Il était depuis peu de retour à Tucumán, dans la ville qu'il avait sauvée, lorsque le 9 juillet 1816, les constituants réunis dans cette ville déclarèrent l'indépendance de ce qui est aujourd'hui l'Argentine.

Il devait mourir quatre ans plus tard, d'une pleurésie sévère sans doute compliquée par un cancer du foie, laissant derrière lui deux enfants naturels, dont une fillette de 18 mois, ancêtre de l'actuel président de l'INB, l'institut qui veille sur la mémoire patriotique du héros et qui se transforme, sous l'impulsion de son descendant, en centre de recherche scientifique de plus en plus rigoureux, un véritable exploit en Amérique du Sud où l'histoire évenementielle reste encore et de loin le lieu d'élaboration du roman national et des liturgies patriotiques dont ces pays ont besoin de se doter pour se projeter dans le temps et l'espace.

Au cours de cette année, le papier à lettres officiel devra porter la mention 2020 : Año del General Manuel Belgrano. Il en ira de même pour toutes les instances officielles de niveau national ainsi que pour les lois, les décrets et toutes les mesures qui en découleront. Les ambassades devraient adopter les mêmes dispositions.

Pour aller plus loin :