"Notre objectif est de changer l'image et le fonctionnement de la justice", dit le gros titre |
Dans la série des grandes interviews que les nouveaux ministres accordent à la presse pour présenter le programme politique qu’ils vont mettre en œuvre, la ministre de la Justice, Marcela Losardo, a attendu l’anniversaire de la mort de procureur Alberto Nisman, toujours sans explication incontestable, pour parler de son ministère.
Elle va prendre le contre-pied de tout ce qu’il s’est passé autour de ce scandale Nisman, où les services d’espionnage ont joué un grand rôle et où la manipulation politique a eu plus que sa part, comme on l’a encore vu lors de la marche du souvenir, le 18 janvier, où une droite très dure en a profité pour insulter les hommes et femmes politiques de gauche, suspectés d’avoir mis à mort le magistrat. Pourtant la famille et les organisations représentatives de Argentins de confession juive ont refusé cette année de participer à la manifestation, trop politisée à leurs yeux. La famille, représentée par la mère du magistrat, a organisé une réunion autour de la tombe du défunt, dont l’ex-épouse, elle-même magistrate et longtemps partisane d’une théorie d’assassinat politique, s’est désistée de sa constitution de partie civile en expliquant, il y a de nombreux mois, que l’instruction ne permettait pas de prouver l’homicide dans cette affaire. En droit argentin, ce désistement est irrévocable.
La ministre de la Justice est donc un peu plus libre que ses prédécesseurs par rapport à cette affaire sordide. Elle parle d’en finir une fois pour toutes avec les écoutes illégales et les opérations souterraines, dont l’affaire Nisman est un exemple paroxystique. Elle envisage de décentraliser le tribunal fédéral qui juge les grandes affaires de corruption politique avec seulement deux magistrats contestés en permanence par la gauche et la droite en fonction de qui ils incriminent. Elle veut aussi modifier les modalités de sélection des juges et de professionnaliser le métier. Ces modalités, elle les connaît très bien puisqu’elle vient comme le président Alberto Fernández (et la vice-présidente Cristina Kirchner) des bancs de la faculté, où les futurs juges font les mêmes études que les futurs avocats, pour deux métiers très différents mais facilement interchangeables en Argentine.
Unique interview parue dans les colonnes de Página/12 dans son édition du 19 janvier dernier puis commentée le lendemain dans celles de La Prensa.