On attendait ce rapport depuis longtemps. Un rapport commandé à un groupe pluridisciplinaire d’experts en médecine par le parquet de San Isidro, la ville de la banlieue chic de Buenos Aires où Diego Maradona est décédé le 25 novembre dernier. De lourds soupçons pèsent en effet sur les médecins et les soignants qui étaient censés veiller sur l’idole après sa sortie de la clinique où il avait été opéré du cerveau, peut-être de façon abusive.
Et ce rapport, comme on pouvait s’en douter à la lecture des messages échangés entre les soignants en question, ne laisse que très peu de place au doute : Diego Maradona a été victime de pratiques « inadéquates, déficientes et irresponsables » de la part de son entourage médical. Les 70 pages des experts judiciaires visent en particulier les docteurs Leopoldo Luque, médecin personnel qui, au début de l’enquête, a tenté de renier ce rôle dont il avait donné de nombreuses preuves sur les réseaux sociaux avant le 25 novembre, et Agustina Cosachov, la psychiatre censée travailler avec El Diez contre une panoplie d’addictions plus sévères les unes que les autres.
Ce rapport peut entraîner prochainement l’inculpation formelle de sept personnes : ces deux praticiens, la médecin coordinatrice de la société d’assurance prestataire de l’hospitalisation privée à domicile, le psychologue qui suivait Maradona, son infirmier de nuit, son infirmière de jour et le supérieur hiérarchique des deux derniers, lui aussi salarié par l’assureur.
Selon les experts, Maradona a mis douze heures à mourir et pendant ce temps, qui va du milieu de la nuit au milieu du jour, aucun soin ne lui a été prodigué. Il est resté seul, sans personne qui veille sur lui. Un maintien au sein d’un établissement de santé polyvalent lui aurait sans doute offert de meilleures chances de survie après son opération, eu égard à son état de santé général. Au moment où Luque a signé une décharge pour l’extraire de de la clinique, quelques jours après l’intervention chirurgicale (1) et le faire hospitaliser à domicile (dans des conditions de logement tout à fait indignes, surtout avec le niveau de fortune dont il jouissait), Diego Maradona était privé de certaines de ses facultés intellectuelles.
A partir de son arrivée dans la maison louée pour sa supposée convalescence, les protocoles médicaux post-opératoires et généraux n’ont plus été pratiqués dans les règles de l’art : les soins et les contrôles n’étaient pas effectués en temps voulu et ils ne portaient pas sur les points attendus dans ce cadre de pathologies multiples (insuffisances du cœur, du foie et des reins). Il y a fort à parier que des gens se sont gavés sur la bête, ce que les trois filles et certains des frères et sœurs de Diego ont soupçonné très tôt et pourquoi ils se sont portés partie civile. Le rapport établit que les trois médecins avaient bien diagnostiqué le délabrement de la santé de leur patient (dans des échanges par SMS, ils prédisent clairement sa mort prochaine) et ils étaient conscients que les soins qui lui étaient prodigués n’étaient pas appropriés.
Les experts affirment enfin que ces médecins ont abandonné leur patient à son sort, qu’ils s’en sont franchement désintéressés et que, malgré la gravité de la situation, ils n’ont à aucun moment envisagé de modifier ni leur stratégie thérapeutique ni leur attitude à son égard. Il est même possible que les médicaments qu’ils lui ont administrés pour combattre ses problèmes d’addiction aient précipité l’issue fatale.
Ce rapport pourrait conforter les demandes des parties civiles qui voudraient voir les chefs d’inculpation pesant déjà sur les membres de l’équipe médicale passer d’homicide par négligence (homicidio culposo) à homicide sans doute volontaire (avec « soupçon de dol »).
Pour aller plus loin :
Mise à jour du 2 mai 2021 :
La Nación est le seul
quotidien national à avoir mis l’information à sa une
d’aujourd’hui, surlendemain de la publication des conclusions du
rapport d’expertise.
Pour en savoir plus :
lire le
nouvel article de La Nación
Titre secondaire en haut à droite Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Mise à jour
du 4 mai 2021 :
Les
médecins-experts ont remis officiellement leur rapport qui a été
signé par dix-sept d’entre eux, les cinq autres marquant leur désaccord
avec ses conclusions, comme le droit argentin le permet.
Le rapport
aurait fuité bizarrement par l’entremise de l’expert nommé par
la défense de la psychiatre...
Pour en savoir
plus :
lire cet
article de Página/12
lire cet
article de La
Prensa
lire cet
article de La
Nación
Mise à jour du 19 mai 2021 :
lire cet article de Página/12 sur les arguments de défense présentés par le docteur Luque (pas très convaincants)
(1) L’enquête a démontré par
la suite que le médecin avait contrefait la signature de son
patient.