La Patagonie est la région
d’Argentine qui n’est
pas encore liée,
dans nos esprits, à
une musique particulière et reconnaissable. Les quatre autres
régions bénéficient d’une identité sonore grâce aux siècles
d’intégration dans le pays dès l’époque coloniale. Le sud,
quant à lui, ne fait partie intégrante du pays que depuis sa
conquête par le gouvernement fédéral dans les années 1870 et
cette conquête fut terrible, sanguinaire, génocidaire pour les
peuples mapuches qui vivaient sur ces territoires.
La population argentine, majoritairement d’origine européenne, qui s’est installée là par la suite a longtemps rencontré de grandes difficultés : difficulté de cohabitation avec les survivants des massacres, difficultés climatiques, difficultés de communication et de transport à l’ouest dans les Andes et à l’est dans des steppes souvent arides… La Patagonie, ce sont donc des provinces peu peuplées, avec des centres urbains très étendus mais de faible envergure démographique et une vie rurale qui dépend d’un climat peu hospitalier. Plus on descend vers le sud, plus on doit affronter un vent à décorner les bœufs. On y pratique aussi un tourisme de masse et de devises étrangères, passablement prédateur, autour des grands glaciers continentaux (les plus grandes réserves d’eau douce de la planète) et de l’extrême pointe des terres, les détroits de Beagle et de Magellan. Comble de malheur paradoxal, on a aussi découvert du pétrole dans plusieurs provinces avec tout ce que ce type d’exploitation du sous-sol comporte de maltraitances politico-sociales, lesquelles n’ont pas manqué au cours du temps, et de risques de pollution. Sans parler des immenses prairies cédées, souvent au détriment des peuples premiers, à des multinationales qui y pratiquent l’élevage ovin, extensif ou intensif, sans beaucoup d’attention à l’environnement et à sa préservation.
Du fait de cette histoire
triste et complexe, la musique de ces contrées ne s’est que très
peu répandue dans le reste du pays. Aussi au cours de ce premier
semestre 2021, la
sortie de deux disques
de musique originale signés
par des artistes
confirmés de folklore patagonien est-elle saluée par Página/12
qui propose dans ses pages culturelles dominicales
une approche de leur
musique, underground,
marquée par la militance ouvriériste et mapuchiste et la puissante
tradition singulière de l’anarchisme argentin. Il est vrai que des
militants amérindiens (ou se présentant comme tels au moins) sont
morts ces dernières années dans des conditions qui n’ont pas
encore été parfaitement éclaircies et qui laissent supposer
des violences policières inadmissibles
dans un État de droit, au niveau fédéral et provincial, que ce
soit en Amérique, du Sud ou du Nord, ou en Europe.
Une traduction culturelle des
enjeux de la Patagonie à découvrir avec le Duo Arroyito
(percussions, guitare et voix dans une résonance folk), de San
Carlos de Bariloche, et leur disque Raigal,
et l’album
Infínito,
de Gerardo Gaujardo, de Río Turbio (guitare et voix – et quelle
voix !).
Les deux disques, qui ne sont pas les premiers de ces artistes, sont présentés et téléchargeables à titre onéreux sur les plateformes habituelles (Spotify, Deezer, etc.)
Pour aller plus loin :