dimanche 4 juillet 2021

Polémique sur le 9 juillet [Coutumes]

Une des images d'Epinal racontant la déclaration d'indépendance à Tucuman


Aujourd’hui,dans les colonnes de Página/12 et de La Prensa, on revient sur le récit mythologique de la déclaration d’indépendance du 9 juillet 1816 répété tous les ans aux alentours de la seconde fête nationale argentine.

Les deux journalistes, un éditorialiste et un critique littéraire, reviennent sur les sous-entendus idéologiques qui sous-tendent ces récits depuis l’événement fondateur lui-même sans que les historiens ne parviennent à les départager par une lecture critique et scientifique des documents, assez abondants, qui sont parvenus jusqu’à nous.

C’est qu’en Argentine, l’histoire est d’abord un enjeu scolaire, d’où une lecture simpliste des événements à tous les âges et dans toutes les circonstances, ce que dénonce aujourd’hui l’article de Página/12. C’est qu’il faut transmettre aux jeunes générations un récit consensuel qui développe leur fierté d’appartenance au pays. Et de ce point de vue, on peut dire que le pari, pris dans les années 1880, est gagné, même si les élèves s’ennuient souvent au cours d’histoire et si les adultes vivent toute leur vie sur des idées toute faites dont ils ne voient pas toujours les contradictions internes ou la simple invraisemblance.

C’est ensuite, et c’est logique, un enjeu politique et démocratique : comment former une communauté nationale où les décisions politiques soient prises dans l’intérêt général et non explosées en une mosaïque d’intérêts particuliers ? Dans ce cas, le travail est bien entendu loin d’être achevé comme le montrent les positions jusquauboutistes de l’opposition actuelle en pleine campagne électorale tandis que le gouvernement tente d’y répondre sans perdre de vue la course aux obstacles qu’est l’exercice du pouvoir dans cette crise économique et sanitaire sans précédent. Et c’est dans cet axe-là que se situe l’article sur ce nouvel ouvrage que La Prensa porte aux nues et dont le propos est anti-scientifique puisque son auteur entend faire une analyse théologique de l’Indépendance argentine, pour repousser l’influence (pourtant historique) d’une franc-maçonnerie dont les écrivains ignorent en Argentine qu’elle n’était pas au début du 19e siècle ce qu’elle est aujourd’hui.

Dans l’ensemble de Amérique du Sud, l’histoire événementielle ne vise pour l’heure que le récit du passé, indispensable pour agglomérer les habitants de chaque pays. Elle ne s’occupe donc guère d’analyser les sources. Certains auteurs ne les consultent même pas. La lecture critique de ces sources est pratiquement inexistante comme leur croisement, deux pratiques méthodologiques essentielles dans toute science sociale. Sur le plan scientifique par conséquent, seule existe l’histoire longue et dans ce domaine, la production est excellente et abondante.

Comme on peut s’y attendre aussi, dans l’un et dans l’autre quotidien, aucun des deux auteurs ne se départit de ses propres préjugés idéologiques, le premier de ceux de la gauche péroniste, le second de ceux de la droite catholique, nostalgique d’un passé qui n’a sans doute jamais existé, comme c’est toujours le cas dans ces situations.

© Denise Anne Clavilier

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