jeudi 21 janvier 2021

Norberto Galasso ou le mérite de la clarté [Disques & Livres]


L’historien revisionista (c’est-à-dire péroniste) Norberto Galasso, 85 ans, vient de sortir un nouveau livre sur un personnage historique vénézuélien considéré à gauche comme une figure de la Patria Grande (le rêve d’une Amérique du sud hispanophone qui ne formerait qu’un seul pays).

Il donne aujourd’hui une interview à Página/12 (ci-dessus), qui professe une grande admiration pour son œuvre. Il affirme clairement que faire de l’histoire, pour lui, est et doit être une activité militante. Ce en quoi il ne fait que constater la pratique en vigueur en Amérique du Sud où la seule histoire scientifique est l’histoire longue (une histoire thématique abordée de façon pluridisciplinaire, à partir de l’anthropologie, de l’économie, de la sociologie, etc). L’immense majorité des ouvrages d’histoire événementielle édités en Amérique du Sud ne relève pas de cette méthodologie scientifique (1) mais de l’exposition d’une vision politique du pays ou du continent.

Dans son interview, Galasso pose l’analyse que la vision dominante de l’histoire en Argentine, forgée au milieu du 19e siècle par Bartolomé Mitre (1821-1909), vise à former l’opinion publique (la classe moyenne, dit-il) en lui imposant la vision libérale de la droite des affaires. Là encore, ce n’est pas faux mais il n’y a là rien de scandaleux. Ce n’était ni une tromperie ni un complot de l’oligarchie : au 19e siècle, l’histoire n’était pas encore une science mais une philosophie de la politique et de la vie, élaborée et très codifiée, que seuls les tenants de la culture dominante pouvaient pratiquer. Les autres faisaient (voire font toujours) des chansons et des contes oraux (2).

Il est vrai aussi que les historiens mitristes d’aujourd’hui (il y en a beaucoup) sont très loin d’avoir tous conscience d’être otages d’une pensée dominante avec laquelle ils ne prennent pas de distance, sinon à la marge.

Aujourd’hui, en Amérique du Sud, l’histoire événementielle n’est donc rien d’autre qu’un champ de propagandes opposées les unes aux autres et où se forgent les récits nationaux des différents pays, très loin des réalités historiques, toujours beaucoup plus complexes que ces mythologies performatives dont ont besoin tous les pays pour se projeter dans le temps et l’espace et dont les pays neufs sont encore dépourvus.

Ce qu’un lecteur européen peut regretter dans les propos de Norberto Galasso ou ce dont il peut s’agacer, c’est que la méthode scientifique, en tirant le chercheur en dehors de la militance et de ses confortables croyances (ou du moins en l’incitant à en sortir et en l’aidant à le faire), met au jour un passé infiniment plus nuancé et plus complexe, donc beaucoup plus intéressant, que la vision simplifiée et schématique qu’il en donne lui-même dans ses ouvrages où il a pourtant le double mérite de revendiquer son engagement politique, partisan et idéologique (au moins, il n’y a pas tromperie sur la marchandise) et de développer un raisonnement argumenté qui cite souvent des sources directes, ce que font peu d’historiens argentins (en histoire événementielle), lesquels se contentent trop souvent de citer Mitre comme un prêcheur cite les Saintes Écritures dans ses homélies.

© Denise Anne Clavilier 

Pour aller plus loin sur ces enjeux qui traversent la discipline historique en Argentine :



(1) Il faut voir les difficultés que rencontrent les historiens scientifiques de l’Instituto Nacional Belgraniano pour accéder au grand public. Ils ne sont pas très nombreux et pour l’heure, ils parlent surtout entre eux (de surcroît, la pandémie les a privés, tout au long de l’année dernière, de s’adresser au grand public alors que 2020 était l’Année Belgrano) et ils s’efforcent de sensibiliser le corps enseignant des écoles primaires et secondaires, lequel s’approprie ou non, en les trahissant ou non, de leurs kits pédagogiques.

(2) C’est ce que j’ai montré dans Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins et dans Contes animaliers d’Argentine (tous deux aux Éditions du Jasmin).

dimanche 17 janvier 2021

Juan Carlos Copes est parti, victime du covid-19 [Actu]

Photo Fernando de la Orden


Le grand danseur avait fait le tour du monde pour montrer le tango de scène dans des spectacles mémorables. Il s’est éteint vendredi soir peu avant minuit, à 89 ans. C’est sa fille, Johana Copes dont il avait fait sa dernière partenaire scénique, qui a annoncé la nouvelle hier dans la matinée. Tout s’est passé assez vite. La maladie, qui s’était gravée sur un état de santé assez fragile depuis plusieurs années, l’a emporté en une quinzaine de jours.


Sur la chaîne Youtube de Johana Copes,
le père et la fille rendant hommage à Astor Piazzolla
ensemble au Festival de Tango de Buenos Aires édition 2013


Copes aura marqué la légende avec Aníbal Troilo puis avec Astor Piazzolla, qu’il fut l’un des très rares danseurs à interpréter (Piazzolla ne jouait pas pour des danseurs, qu’il méprisait, mais uniquement pour des auditeurs, ses partitions sont indansables pour le commun des mortels)1. C’est à lui que l’on doit la chorégraphie de l’opérette María de Buenos Aires, de Piazzolla et Horacio Ferrer, en 1968. Et avec sa première partenaire, María Nieves, dont il fut l’époux avant un retentissant divorce, il a fait la légende à la tête de sa propre compagnie !

En photo centrale, le résultat d'une manifestation de gauche
devant le palais de justice de Buenos Aires
(idéal pour permettre à la presse de droite de déconsidérer les militants opposés)
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Il s’en va au moment où le monde de la danse à Buenos Aires se désespère de pouvoir survivre à la crise sanitaire : les milongas et les cours sont fermés, les protocoles imaginés par les pouvoirs publics peinent à se mettre en place. C’est tout un secteur d’activité qui court à la catastrophe.

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Juan Carlos Copes, qui s’exprimait avec tant d’éloquence dans la danse, était aussi passablement malhabile dès lors qu’il s’agissait de parler. J’ai souvenir d’un plenario de la Academia Nacional del TangoGabriel Soria se battait les flancs pour lui faire raconter ne serait-ce que des anecdotes. C’était au moment où le vieil artiste se retirait de la scène, ce qu’il a fait définitivement en 2015.

Il y a quelques années, il avait été élu à la Academia Porteña del Lunfardo en hommage à sa longue et prestigieuse carrière mais il avait décliné l’honneur quelques mois plus tard, en ayant l’humilité de reconnaître que malgré sa portègnitude des quartiers populaires de l’ouest de la capitale, il n’avait aucune compétence pour participer aux travaux linguistiques de ce groupe.

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Ce matin, tous les grands quotidiens lui rendent hommage et les trois journaux de droite l’ont mis à la une, en titre secondaire. Sa mort est aussi saluée par les medias francophones (Le Monde, Le Figaro, France Info)

© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación



(1) Parmi les grands artistes qui lui ont publiquement rendu hommage, on trouve Amelita Baltar, ex-femme de Piazzolla et créatrice de Maria de Buenos Aires, dans le rôle-titre, qui témoigne sur Twitter de sa profonde émotion au moment où elle a appris la nouvelle.

samedi 16 janvier 2021

En 2020, l’inflation a fortement reculé [Actu]

Indice des prix à la consommation, INDEC
Décembre 2020 - synthèse générale
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Malgré une notable remontée mensuelle en décembre, l’inflation de l’année 2020 a nettement reculé par rapport à celle de 2019 : 36,1 % cette année contre plus de 53 en 2019. Au cours d’une année marquée par la crise sanitaire planétaire, on ne peut que saluer la politique menée par le nouveau ministre de l’Économie qui avait déjà étonné le monde par son habileté à restructurer la dette argentine envers les investisseurs privés, un peu plus tôt dans l’année.


La une d'hier de La Prensa
En haut, l'inflation ("les prix prennent de la vitesse"
En bas, la promulgation de la loi de légalisation de l'avortement
votée le 29 décembre
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Ce qui frappe aussi beaucoup dans les tableaux publiés par l’INDEC (institut national des statistiques et du recensement), c’est que les provinces du nord, qui sont à la fois les plus touristiques (elles ont donc beaucoup souffert) et les moins développées, connaissent les taux les plus haut en moyenne mensuelle.


La une de Clarín hier
Le gros titre est pour l'inflation et la photo centrale
pour les difficultés logistiques concernant les tests
en cette période de grandes vacances
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L’autre point important en décembre, c’est que les taux les plus élevés ont frappé l’habillement, la culture et l’alimentaire, des secteurs indispensables à la vie de tous les jours. Heureusement, le secteur des soins médicaux se classe, quant à lui, parmi ceux qui ont le moins augmenté.


Sur la une de La Nación hier, l'inflation n'a droit
qu'à un titre secondaire (en haut à droite)
La photo est pour le tourisme huppé
ui est en train de sauver la saison de la station de Pinamar
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Reste à voir comment l’inflation va se comporter pendant l’été alors que l’Argentine est en pleines vacances et que la vaccination avance vaille que vaille, avec le vaccin russe.


Indice des prix à la consommation, décembre 2020
Synthèse par catégorie et par région
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© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

mercredi 13 janvier 2021

Caras y Caretas rend hommage au n° 10, el Diez [Disques & Livres]

"La gauche de Dieu" titre ce numéro très spécial


Dimanche dernier est paru le premier numéro 2021 de la revue mensuelle Caras y Caretas, du groupe Octubre. En l’occurrence, elle accompagnait le numéro dominical du quotidien Página/12 : elle est en effet ce mois-ci entièrement consacrée à la légende de Diego Maradona, El Zurdo (ici, le gaucher) (1), El Diez, disparu un mois avant Noël.

Le ban et l’arrière-ban des journalistes, chroniqueurs et autres intellectuels de gauche figurent au sommaire. Il s’agit d’observer le phénomène sous toutes les coutures : football, social, politique, enjeux internationaux sans oublier les dimensions artistiques, avec les grandes envolées lyriques qui les accompagnent.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :





(1) Cela peut aussi vouloir dire "le gauchiste" et dans ce cas-là, cela sonne plutôt comme une insulte.

Precios Cuidados : le programme continue en 2021 [Actu]

Sous le logo de l'opération, un jeu de mots en guise de gros-titre :
"Le soin n'a pas de prix"

Precios cuidados (prix soignés/prix sur lesquels on veille), le programme de lutte contre l’inflation des prix à la consommation, lancé par Cristina Kirchner et qui a survécu tant bien que mal à Mauricio Macri, est reconduit une nouvelle fois cette année. Il a permis à plusieurs marques nationales d’élargir leur clientèle et de survivre dans le cadre de la crise sanitaire. Il a aussi permis à des consommateurs de continuer à consommer malgré la crise économique et le chômage qui a augmenté dans des dimensions encore inconnues (environ la moitié des travailleurs argentins ont des activités non déclarés, souvent sous la contrainte de leurs employeurs ou leurs clients).

Jusqu’à la fin mars, l’autorisation d’augmentation des prix est de 5,6 % en moyenne sur l’ensemble des produits inscrits alors que l’inflation annuelle en 2020 se situe autour de 30 % (on n’a pas encore les chiffres définitifs). Les produits alimentaires vont augmenter de 6,35 %, les produits ménagers de 4,4 % et ceux d’hygiène personnelle de 5,1 %. Dans ces deux dernières catégories, on a développé l’offre concernant la prophylaxie du covid-19 : eau de javel, gel hydroalcoolique, savon, etc. Quant aux produits alimentaires, ils souffrent d’une hausse plus élevée parce que les prix ont flambé au cours de l’année dernière, notamment ceux de la viande (+ 74 % en 2020) et ceux des fruits (54,8%) et légumes (89,5%) de saison

Pour cette nouvelle saison, 660 produits constituent le programme. Certains appartiennent aux toute premières marques nationales, d’autres à des producteurs de taille plus modeste. La nouvelle liste élargit aussi le programme puisque 260 produits ont été ajoutés à la mise à jour d’octobre, ce qui correspond à 65 % de plus.

Dans tout le pays, 54 enseignes, dont toutes les grandes chaînes, participent à l’opération, depuis la supérette de quartier jusqu’à l’hypermarché de périphérie.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Report sine die de la Feria del Libro 2021 [Actu]

L’événement majeur du secteur du livre sud-américain, le Salon du Livre de Buenos Aires (Feria del Libro), qui se tient tous les ans à l’automne, en avril-mai, est d’ores et déjà reporté sine die par l'organisme qui le produit et l'organise, la Fundación del Libro.

Actuellement, ce qui est envisagé est un report de la manifestation au mois d’octobre mais rien n’est sûr pour autant.

Cette date lointaine présente l’avantage de permettre la tenue de l’événement en plein air, sur de simples bâches pour éviter le fort soleil comme la pluie éventuelle, à un moment où l’on peut espérer qu’une grande partie de la population sera vaccinée.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

Remède de cheval contre le covid-19 [Actu]

Le président au centre
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Photo Casa Rosada


La Universidad Nacional San Martín (UNSAM), en partenariat avec le laboratoire privé Inmunova, l’Instituto Biológico Argentino, l’Instituto Malbrán, l’un des piliers de la recherche médicale publique en Argentine, et le CONICET (centre national de recherche et de technologie), a développé et produit un médicament à base de sérum de cheval que l’autorité d’homologation commune aux deux secteurs (alimentaire et sanitaire), la ANMAT, vient de valider.

Avant-hier, le président Alberto Fernández s’est rendu à San Martín, dans la banlieue ouest de Buenos Aires, pour visiter les laboratoires qui sont le théâtre de cette importante avancée pharmaceutique puisqu’il y a encore fort peu de médicaments efficaces contre cette nouvelle maladie.

Or ce sérum fait baisser de 45 % le taux de mortalité chez les malades gravement atteints et permet d’alléger les protocoles de soin en diminuant de 24 % le nombre de jours passés en soins intensifs et de 36 % l’usage de respirateurs. Il est le résultat de l’un des projets lancés en mars 2020 à la suite d’un appel du gouvernement à tous les chercheurs, médecins, ingénieurs et pharmaciens du pays pour contribuer à la lutte contre la pandémie.

Le médicament va désormais être distribué dans tous les centres hospitaliers du pays, publics comme privés, alors que, pour lutter contre la remontée de l’épidémie, une grande partie de l’Argentine est sous un couvre-feu plus léger que les nôtres (là-bas, c’est l’été, on est en pleines vacances, la mesure ne couvre donc qu’un quart de la journée, au plus noir de la nuit).

A la une de Página/12, Paz et Rudy ont profité de l’occasion pour se payer une fois de plus leur tête de Turc préférée, l’ancien président Mauricio Macri, étoile déclinante et décriée du néolibéralisme argentin.


Mauricio Macri : Pas fou ! Pas question de prendre le sérum de cheval !
Le binoclard qui lui file le train : Pourquoi ça ?
Mauricio Macri : Après, tu te mets à aimer l’équité*.
Traduction © Denise Anne Clavilier
*Jeu de mot comme d’habitude entre le substantif equidad (équité) et l’adjectif equino (équin).

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

jeudi 31 décembre 2020

Un dernier salut à l’Année du Général Manuel Belgrano et du "repos" [Disques & Livres]

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Cette année 2020, qui aura été à l’échelle du monde celle de la Pandémie ou du Grand Confinement, était aussi, en Argentine, celle du général Manuel Belgrano, né il y a deux cents cinquante ans à Buenos Aires et mort, dans la même ville et la même maison, il y a deux cents ans. Personnalité centrale de la Révolution de Mai en 1810 et héros de l’Indépendance entre 1810 et 1816.

De nombreuses manifestations étaient prévues partout dans le pays pour lui rendre hommage. L’épidémie a tout emporté.


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Naturellement la Biblioteca Nacional Mariano Moreno, bibliothèque nationale argentine qu’il a contribué à fonder avec son ami l’avocat Mariano Moreno en 1810, fait partie des grandes institutions culturelles qui se sont associées aux hommages. Le 18 décembre, la bibliothèque a mis en ligne un ouvrage de 80 pages portant sur les livres que Manuel Belgrano a donnés à ce qui était alors la Biblioteca Pública de Buenos Ayres, voulue par la Primera Junta, le comité de neuf membres qui prit la tête du vice-royaume du Río de la Plata le 25 mai 1810, à l’abolition de la vice-royauté au profit d’un gouvernement local revendiquant l’autonomie dans une fédération avec l’Espagne légitimiste écrasée par l’invasion française et le régime mis en place par Joseph Bonaparte.

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Ce nouvel ouvrage numérique, à télécharger gratuitement en pdf sur le site de la Bibliothèque, est l’œuvre d’un chercheur de l’institution, Roberto Cazassa, qui a travaillé sur les archives de la donation et les volumes offerts, dont certains portent encore la marque du premier propriétaire. J’avais eu la chance de participer quelques semaines auparavant à la présentation par Zoom de ce travail à la fois très intéressant (et très rigoureux sur le plan scientifique) et émouvant, d’autant plus pour nous, francophones, que notre langue revient très souvent dans cette liste très éclectique d’ouvrages offerts en 1810 et 1811… On y trouve en particulier l’ouvrage de Lavoisier sur la chimie et des histoires des généraux français contemporains Moreau, Desaix et Kléber...

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Il est probable que de nombreuses manifestations publiques prévues cette année seront reprogrammées en 2021 dès que la situation sanitaire le permettra, maintenant que la vaccination a commencé en Argentine avec un seul vaccin contesté et d’autres qui pourraient être acquis par le pays dans les semaines à venir.

Documentaire publié en ligne par la Bibliothèque nationale argentine
le 20 juin dernier
à l'occasion du bicentenaire de la disparition de Manuel Belgrano
Le moyen métrage s'intitule Manuel Belgrano, también lector (il était aussi lecteur)


© Denise Anne Clavilier


Pour aller plus loin :

consulter la page de l’ouvrage sur le site de la BNMM



Cet article clôt l’année 2020 de Barrio de Tango tandis que commence l’épisode désormais traditionnel dans ces colonnes que j’appelle « mes vacances d’été austral ».
Mes fidèles lecteurs le savent : ces « vacances » sont en général consacrées à la préparation de nouvelles propositions. En l’occurrence, je mets actuellement la dernière main à mon prochain livre qui devrait paraître en 2021 et qui s’adressera autant aux enfants qu’aux adultes (toujours aux
Éditions du Jasmin). Je prépare aussi la mise en ligne de plusieurs vidéos sur ma chaîne Dailymotion ainsi qu’un autre projet audiovisuel dont il est encore un peu tôt pour parler ici.

Comme tous les ans, le retour au rythme normal de Barrio de Tango, pour autant qu’on puisse parler de normalité en cette période de pandémie, est prévu en mars 2021, à la rentrée sud-américaine. D'ici là, rythme de parution ralentie...

Cette année 2021 sera celle du centenaire du grand révolutionnaire du tango que fut Astor Piazzolla. Il était né dans la ville maritime de Mar del Plata qui est aussi le grand pôle touristique estival en temps normal. Une photo aérienne de la ville servira donc de rappel de ces « vacances d’été austral » dans la Colonne de Droite.

Les unes du lendemain [Actu]


Signe que le Congrès vient bel et bien de marquer un grand coup de barre à gauche, les unes de ce matin se rapportent encore, au moins partiellement, à la légalisation de l’avortement acquise dans la nuit du 29 au 30, avec le vocabulaire de la victoire à gauche et celui de la défaite combative dans la droite catholique (La Prensa). C’est qu’hier, les journaux ont été pris un peu de court, l’heure du bouclage étant souvent dépassée au moment où le vote a été acquis au Sénat.

"Prenez soin de vous, ou sinon..." titre La Prensa
en prêtant au président des menaces contre la population
En bas, le souvenir de l'incendie d'une boîte de nuit
où avaient péri de nombreux jeunes fêtards de la Saint-Sylvestre
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Página/12 s’est vêtu entièrement de vert, la couleur des partisans de l’avortement légal.

Un titre secondaire tout en bas à gauche
Le gros titre est pour le retour en prison
de l'ancien vice-président de gauche, Amado Boudou,
qui n'a pas obtenu de la cour la prolongation de la mesure de prison à domicile
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Clarín annonce quant à lui que les partisans de l’interdiction vont attaquer la loi devant les tribunaux. Situation surréaliste ! Comment le pouvoir judiciaire pourrait-il contredire le pouvoir législatif, surtout avec les belles majorités que la loi a obtenues dans l’une et l’autre chambre !

Le gros titre le plus visible de la presse de droite
Pour une plus haute résolution, cliquez sur l'image

Quant à La Nación, son article de une, non illustré, ne figure pas sur son site Internet…

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :

mercredi 30 décembre 2020

C’est fait ! En Argentine, l’IVG est désormais légale et elle sera gratuite [Actu]

Double célébration à la une de Página/12
En haut en bleu sanitaire, le lancement de la vaccination
(au Sputnik V, très contesté par plusieurs médecins qui se défient
du manque de transparence sur les essais russes)
En bas, en vert, la légalisation si longtemps désirée de l'avortement


La loi qui a été votée hier au Sénat, après sa validation à la Chambre des Députés, met en place ce qu’elle appelle l’IVE (Interrupción volontaria del embarazo), qui va peut-être remplacer le terme aborto (qui peut aussi désigner une fausse couche). Le pays est devenu le 67e à autoriser cette pratique médicale. L’Uruguay avait été le premier du sous-continent à le faire sous la présidence de Pepe Mujica.

C’est le terme d’une longue lutte puisque les militants pour la légalisation avaient commencé à vraiment occuper l’actualité il y a une quinzaine d’années, sous le mandat de Cristina Kirchner, qui alors ne voulait pas en entendre parler, renvoyant le sujet au domaine judiciaire auquel il appartenait légalement.

La Prensa fait l'inverse
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La loi est passée à la majorité de 38 voix pour et 29 contre (avec, selon Página/12, 4 absentions et 1 « courageuse » absence alors que les sessions ont lieu en visio-conférence et les chiffres inverses selon La Nación). La présidente du Sénat, Cristina elle-même qui a désormais changé d’avis, n’a pas eu à départir les voix. Le vote a un très long débat que beaucoup de gens ont suivi en direct, sur plusieurs média dont la chaîne Youtube du Sénat, jusqu’à sa conclusion, à 4h12, ce matin (heure locale).

L’Église a tenté de faire pression sur l’opinion publique jusqu’au dernier moment, avec notamment une messe à Luján, la grande ville mariale, où la conférence épiscopale a exprimé sa douleur de voir l’avortement autorisé dans le pays. Cette messe était le baroud d’honneur d’un magistère qui reconnaissait déjà la défaite de sa démarche à un moment où l’Église argentine s’est engagée dans une séparation graduelle avec l’État (en commençant par chercher des solutions viables aux aspects économiques de la vie de l’institution, puisque le salaire du clergé est à ce jour à la charge de la République Argentine).

En gros titre, une mesure concernant les retraites
En bas, une photo de une qui montre la foule autour du Congrès
mais s'abstient de montrer sur la version papier des militants
de quelque bord que ce soit.
Prudence, prudence !
En haut à droite : une décision judiciaire en faveur de Cristina Kirchner
qui lui accorde le droit à toucher sa retraite de présidente et la réversion de son mari
Des revenus très confortables... et non imposables !
Pour une femme de gauche, c'est une demande pour le moins contestable.
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Bouclée avant le vote, la une de La Prensa se fait l’écho de cette amertume nostalgique d’une Argentine d’avant la déchristianisation (qui reste toute relative), cette bonne vieille Argentine d’antan fermée sur des pratiques socio-culturelles qui s’imposaient à tous sans se traduire pourtant par une politique sociale en cohérence avec les valeurs de l’Évangile (ces mêmes pratiques qui avaient justifié l’esclavage à l’époque coloniale !). La part du catholicisme régresse en effet en Argentine comme ailleurs dans la civilisation occidentale et ultra-technologisée. Par la même occasion, les croyants retrouvent aussi une qualité essentielle à tout engagement spirituel : la liberté et l’adhésion personnelles qu’implique toute baisse démographique de la pratique religieuse et qui n’est pas nécessairement une catastrophe. Vaut-il mieux des catholiques peu impliqués et qui n’adhèrent pas aux exigences de leur foi ou des pratiquants pleinement conscients qui s’efforcent authentiquement de vivre ce à quoi ils croient ? Bien sûr, le danger actuel est de voir les identitaires s’abriter derrière la religion et ils sont déjà à l’action. Cette une de La Prensa en porte témoignage sans aucun recul critique : elle le dit ouvertement dans le gros titre (« le déclin du pays catholique ») et dévalorise le début de la vaccination (photo du gouverneur - de gauche - de la province de Buenos Aires recevant le vaccin russe tandis que le titre en rouge annonce « les contaminations montent en flèche »). Par ailleurs, il est assez probable qu’il n’y aura pas plus d’avortements en régime légal qu’il n’y en a dans la clandestinité (et le « tourisme » avortiste des gens qui ont assez d’argent pour se rendre au Canada ou en Europe, des IVG qui échappent à toutes statistiques mais qui ne sont sûrement pas de bas niveau).

Le dessin de Miguel Rep dans Página/12 est clair
Il oppose les deux couleurs, le bleu ciel des "pro-vie"
et le vert des militants pro-avortement
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Et pourtant, c’est Clarín, toujours en recherche d’une dramatisation spectaculaire et simpliste de l’actualité, qui met l’accent sur les réactions (très modérées) au Vatican (1) et prétend que ce vote éloigne une nouvelle fois la perspective d’une visite du pontife au pays. Que François soit hostile à cette évolution de la loi dans son pays natal est une évidence (il ne peut pas y être favorable) mais pour l’heure, la pandémie est un obstacle plus grand à tout voyage pontifical où que ce soit puisque le pape réserve ses déplacements, si déplacement il y a, à des pays en très grande détresse comme l’Irak qu’il visitera au printemps malgré la crise sanitaire. Pire, d’après le journaliste Sergio Rubín (2) qui endosse ici les habits partisans de l’éditorialste, le pape et l’Église argentine seraient sur le point d’exercer des représailles en retirant au président Alberto Fernández leur appui dans les négociations avec le FMI ! Quelle confusion des rôles et quelle instrumentalisation des positions des uns et des autres !

Un gros titre sans photo pour l'IVG
et pour la vaccination, celle d'un médecin réanimateur
parmi les premiers vaccinés au Sputnik V
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En allant visiter les sites des quotidiens, vous constaterez que curieusement ils ont tous illustré leurs articles par des photos de manifestations de joie des militants verts (en faveur de l’IVG) et que très peu d’articles montrent la réaction des bleus (militants catholiques hostiles à la dépénalisation). C’est un signe très clair que l’acceptation est massive dans l’opinion publique, à gauche comme à droite.

Vous aurez remarqué aussi que la plupart des unes font une part à Pierre Cardin et, sans ce vote significatif et de si longue date attendu, j’aurais bien entendu, comme à mon ordinaire, fait écho à cet hommage de la presse argentine au grand couturier français dans Barrio de Tango.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :



(1) Une petite incise sur le désir des parents qui est à la racine de la conception des enfants dans l’enseignement spirituel dispensé par le Pape pendant son audience publique du mercredi matin, qui n’est plus publique, pandémie et situation italienne obligent, qu’à travers la chaîne Youtube du Vatican, Radio Vatican et toutes les retransmissions, en direct ou non, sur de chaînes et des stations, la plupart confessionnelles, partout dans le monde.

(2) Il apparaît comme compétent pour parler des états d’âme du Saint Père parce qu’il y a une dizaine d’années, il a signé un livre-entretien (très intéressant, soit dit en passant) avec le futur pape lorsque celui-ci s’apprêtait à donner sa démission canonique pour raison d’âge (il approchait les 75 ans) au gouvernement de l’archidiocèse de Buenos Aires.

samedi 26 décembre 2020

Victoire diplomatique de l’Argentine grâce au Brexit [Actu]

Un panneau d'accueil très célèbre en Argentine
avec cet Union Jack flottant au vent comme un défi aux Argentins


Comme l’avait vu venir, juste après le référendum britannique, l’ambassadeur d’Argentine en France Jorge Faurie, devenu quelques mois plus tard ministre des affaires étrangères de Mauricio Macri, l’Union européenne se désolidarise de la Grande-Bretagne sur le dossier des Malouines : l’archipel, occupé par les Britanniques depuis leur prise par un coup de main militaire de la Royal Navy en janvier 1833, est exclu de l’accord commercial qui relie le Royaume Uni à l’Union européenne qu’il a quittée dans les conditions que l’on sait. Les importations européennes s’y feront selon les règles de l’OMC.

Tous les journaux argentins s’en félicitent ce matin. Cette exclusion, qui passe inaperçue par chez nous, pourrait bien être le début de la fin de la reconnaissance par l’Europe de la souveraineté britannique sur les îles qui appartiennent au territoire national argentin depuis 1767 (par la cession qu’en a faite Louis XV à Carlos III) et que la constitution argentine (1853) déclare telles. C’était également vrai en 1833 selon les règles diplomatiques alors en usage : pas plus au 19e siècle qu’aujourd’hui, on ne s’emparait par les armes de territoires d’un pays souverain sans lui avoir auparavant déclaré la guerre en bonne et due forme.

© Denise Anne Clavilier

Pour aller plus loin :
lire l’article de Página/12
lire l’article de La Prensa
lire l’article de Clarín
lire l’article de La Nación