Le Gouvernement portègne n'y va pas par quatre chemins : après le retentissent soutien apporté par le grand chanteur lyrique espagnol, Plácido Domingo, il y a quelques jours, aux musiciens du Teatro Colón (lire mon article du 23 mars 2011 à ce sujet), en conflit social sans discontinuer depuis six mois, avec leur autorité de tutelle, le Gouvernement (ultra-libéral) de la Ville Autonome de Buenos Aires, la ville vient de révoquer le contrat de travail de 41 musiciens non titulaires du Teatro Colón, qui compte deux orchestres, l'orchestre résident (orquesta estable), qui accompagne les spectacles lyriques, et l'orchestre philharmonique. Qui plus est, Mauricio Macri, chef de ce même gouvernement portègne aussi peu porté sur la culture qu'il est possible d'imaginer, a accusé les musiciens grévistes de commettre des violences, des agressions et de faire le coup de poing ("agredir y patotear") pour empêcher leurs collègues de travailler.
Devant la mesure unilatérale de débauchage des musiciens vacataires, l'assemblée générale des grévistes a suspendu le mouvement samedi, jusqu'à demain, mardi 5 avril, en espérant qu'au cours de ces quelques jours, le Ministère de la Culture voudra bien faire un geste et un geste qui soit digne de ce nom.
Les musiciens et l'ensemble des corps de métiers de l'opéra de Buenos Aires réclament une augmentation de 40% de leurs salaires, afin de récupérer l'inflation et les différentiels sont constatés avec les rétributions des musiciens d'autres formations de même taille et de même nature dans le pays. La comparaison n'a pu être faite que sur le salaire des musiciens, le pays n'ayant pas assez de théâtres permanents de cette nature pour qu'elle soit dressée pour les autres corps de métier. Ce qui dans le conflit social a mis en avant les musiciens, qui s'en prennent plein la figure. Alors que c'est l'ensemble des personnels du théâtre qui est en conflit.
D'après le quotidien Página/12 qui rend compte du mouvement et prend parti ouvertement pour les grévistes, Mauricio Macri a pris cette mesure pour montrer sa force durant les quatre mois qui le séparent les élections municipales, qu'il vient lui-même de fixer au mois de juin prochain. Il a donc anticipé la tenue du scrutin de 4 mois (il a été élu en octobre 2007). Avancée des élections qui lui permet de court-circuiter les délais de justice dans un certain nombre d'affaires auxquelles il est mêlé (la justice vient ainsi de rejeter son pourvoi en cassation contre sa mise en cause dans l'affaire de l'espionnage téléphonique des victimes de l'attentat de l'Amia en 1994; mais le temps que l'audience de jugement se tienne, il risque de couler beaucoup d'eau dans le Río de la Plata !).
Et pour se faire réintégrer, les musiciens débauchés devront eux aussi intenter un procès qui ne pourra pas se tenir avant les élections.
Le Teatro Colón n'en est pas à son premier long conflit mais celui-ci est en train de dépasser celui qui avait éclaté en 1936 et avait abouti au vote de quelques lois accordant aux musiciens, aux danseurs, aux machinistes et au personnel de salle, un début de droit du travail, avec en particulier des limitations du temps de travail quotidien qui furent un grand soulagement pour les artistes et techniciens, jusqu'alors corvéables à merci.
Pour aller plus loin sur les rebondissements du conflit en cours :
lire l'article de Página/12 daté du 2 avril 2011