La semaine dernière, la Ministre de la Sécurité, Nilda Garré, (1) a annoncé qu'elle retirait un contingent de Police Fédérale qui était mis à la disposition du Gouvernement Portègne (2) depuis trois ans et pour lequel ce même Gouvernement Portègne n'a jamais remboursé à l'Etat central le moindre sou, alors que ce genre de mise à disposition fait l'objet normalement et légalement d'un échange budgétaire entre l'Etat central et la collectivité locale bénéficiaire de la mise à disposition.
Mauricio Macri, qui dirige le Gouvernement Portègne sur une ligne ultra-libérale du tout payant, a émis toute une liste de raisons pour justifier son attitude, sans faire bouger d'un pouce la Ministre, très combative contre lui et sa politique depuis les incidents mortels de Villa Soldati (voir mes articles de décembre 2010 sur la question) qui lui ont valu de passer du Ministère de la Défense à ce tout nouveau ministère de la Sécurité (3), créé pour répondre à la crise (en Europe, nous parlerions plus volontiers de ministère de l'Intérieur, le choix du terme de Sécurité répond à une sensation diffuse dans la population d'une insécurité grandissante sur laquelle jouent les démagogues de tout bord).
Ne pouvant donc pas récupérer gratuitement les policiers fédéraux sur lesquels il avait la haute main, Mauricio Macri a annoncé qu'il privatisait de nouveaux secteurs de la sécurité dans sa ville. La sécurité à l'intérieur de 13 hôpitaux publics est déjà assurée par des milices privées, elle le sera désormais dans de nouveaux lieux de la ville. Et vu la manière dont Mauricio Macri est accusé de diriger les milices privées (il est poursuivi en justice pour les agissements d'un groupe de gros bras qui ont semé la terreur la nuit parmi les sans-logis de Buenos Aires pendant plus d'un an), on peut se poser des questions sur les consignes qui seront données à ces sous-traitants de la sécurité publique !
Ainsi donc Mauricio Macri préfere-t-il payer les prestations de sociétés commerciales plutôt que d'acquitter les factures liées à l'exercice d'un service public contrôlé par les élus du peuple (Parlement, gouvernements, etc.). Au début de son mandat, en décembre 2007, il prenait des gants pour que sa collusion avec les intérêts privés ne se voie pas, sauf aux yeux d'observateurs très attentifs. Maintenant, voilà plusieurs mois qu'il ne dissimule même plus son manque de respect pour la chose publique et son dévouement corps et âme au système commercial et à ses contingences financières. Cet homme, qui est un chef d'entreprise propriétaire d'une grosse holding de travaux et d'équipements publics, aspire aujourd'hui à exercer la magistrature suprême en Argentine, il veut être le candidat unique de la droite à l'élection présidentielle qui devrait se tenir en octobre prochain. Il a même fait avancer la date des élections locales à Buenos Aires à juin sans doute pour se donner une plus grande marge de manoeuvre liberté pour se déclarer candidat au meilleur moment possible, en fonction des sondages d'opinion et du calendrier judiciaire.
Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 de ce matin.
(1) Ministre du Gouvernement fédéral, dit Gobierno de la Nación. Les Argentins n'utilisent presque jamais l'adjectif fédéral, qui est chargé d'un souvenir de guerre civile et sert donc essentiellement à désigner le mouvement politique favorable à l'organisation fédérale de l'Etat dans les 50 premières années de l'indépendance du pays.
(2) Le Gouvernement Portègne est l'autre désignation du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires qui est l'une des entités de la fédération argentine. Il dispose d'une large autonomie dans presque tous les domaines, à part la défense nationale et la politique monétaire.
(3) En Argentine, la création d'un Ministère est chose exceptionnelle. Le Gouvernement, qu'on appelle en Argentine el gabinete, est composé d'un certain nombre (fixe) de portefeuilles dont la dénomination et les compétences sont maintenus de président en président. Ainsi lorsqu'un chef d'Etat crée un nouveau ministère, cet acte politique revêt une grande signification et signe un tournant considérable de la manière de concevoir la conduite du pays. Cristina Fernández de Kirchner, l'actuelle présidente, a ainsi beaucoup frappé les esprits lorsqu'elle a créé un Ministère de la Recherche à son arrivée au pouvoir en décembre 2007. Elle a aussi élevé au rang de ministère ce qui n'était que le Secrétariat d'Etat au Travail.