Festival Independiente de Tango, Semana de Boedo, Festival CAFF, Festival de Tango de la Boca, Festival de Almagro, autant de manifestations auto-gérées par les artistes eux-mêmes et qui sont comme la réponse de la profession à la politique culturelle ou plutôt anti-culturelle qui sévit à Buenos Aires depuis quatre ans et pour encore quatre ans puisque Mauricio Macri a été reconduit dans ses fonctions en juillet dernier (voir mon article du 1er août 2011 à ce sujet).
Le Festival de Tango officiel de cette année, celui organisé par le Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos Aires, dirigé par Macri, a vu s'accentuer encore davantage la très dommageable confusion entre Festival (musique, poésie, cinéma, histoire et culture en général) et cette simple compétition sportive qu'est le Mundial de Tango, une compétition sportive qui met en valeur de plus en plus la quantité (des concurrents) au détriment de leur qualité, la technique au détriment de toutes les autres dimensions du tango baile, le tourisme de masse au détriment des artistes avec, en fond sonore, une musique répétitive, toujours des anénes 40 et de piètre qualité acoustique... Nous avons été nombreux cette année, au Centro de Exposiciones, à maudire le Mundial qui nous gâchait la fête... Il semble donc bien qu'un off soit en train de s'organiser dans Buenos Aires, à d'autres dates, plus adaptées à la population locale, qui ne goûte guère les frimas du mois d'août et les exils tout au nord de la ville, dans un coin dépourvu de commerces...
C'est donc au Festival de Almagro qui s'ouvrait hier à Buenos Aires que le quotidien Página/12 a consacré la une de ses pages culturelles d'hier, avec une photo prise, me semble-t-il, à quelques mètres au sud de l'église du quartier, dans la rue Quintino Bocayuva, celle où mourut le payador José Betinotti (1978-1915), qui initia Carlos Gardel au chant et à la guitare, plus ou moins à la hauteur de l'emplacement de la maison où il rendit l'âme (1). Cette maison aujourd'hui a disparu mais lui, Betinotti, il est toujours là et ce groupe de musiciens, qui jouent sur la esquina, sin funyi (sans chapeau, ce qu'on pourrait traduire en bon français pas "en bras de chemise") en bloquant tout le trafic automobile sur au moins 400 mètres carrés, le prouvent amplement.
Ce festival verra se mêler sur les différentes scènes toutes les générations. Le chanteur vétéran Osvaldo Peredo sera de la partie, comme le guitatiste Moscato, les chanteurs Cucuza, Dema et El Negro Falótico, le Quinteto Viceversa, la Orquesta de cuerdas Elvino Vardaro qui s'est lancée en août, grâce à la programmation festivalière d'une équipe artistique qui fait des pieds et des mains avec un budget en regression d'année en année, le violoniste Pablo Agri, le pianiste Nicolás Guerschberg, le guitariste et compositeur José Teixido et beaucoup d'autres. El Boliche de Roberto, la Casa del Tango (fondée par Osvaldo Pugliese lui-même, aujourd'hui dans la rue Guardia Vieja, tout au nord du quartier), le Sanata Bar et le CAFF (à l'est, du côté de l'Abasto) accueilleront différents concerts, des ateliers, des cours... Bref tout ce qui fait un festival, un vrai, un vivant...
Cela méritait bien un article numéroté dans ce modeste blog d'où je les salue tous, d'au-delà des mers...
Pour aller plus loin :
(1) Sur la mort de José Betinotti, lire le mosaico porteño que le poète Luis Alposta a consacré à la mort de ce personnage emblématique de la culture urbaine de Buenos Aires, ce personnage dont la présence est encore palpable dans les rues de Almagro, autour de la Basilique Marie Auxiliatrice et Saint Charles Borromée. Ce texte est à la page 30 de Deux cents ans après, le Bicentenaire de l'Argentine à travers le patrimoine littéraire du tango, Tarabuste Editions, revue Triages, 2011 (2 rue du Fort, 36170 Saint-Benoît du Sault - 20 € + 3 € de frais de port pour un envoi en France - Pour l'étranger, demander à l'éditeur).