lundi 17 décembre 2012

En attendant San Martín comme le Père Noël, les bonnes feuilles continuent [Disques & Livres]

La capitulation de Bailén, évoquée plus de cinquante ans plus tard, en 1864.
Autre tableau parfaitement apocryphe.
Exposé aujourd'hui au Museo del Prado, à Madrid.

José de San Martín (1778-1850) est entré dans l'armée royale espagnole à l'âge de onze ans et demi, comme cadet, c'est-à-dire élève-officier, après une scolarité exceptionnelle de jeune prodige, qui fait croire à certains historiens argentins (1) qu'il était autodidacte. Oh, que non !

Sa famille était très modeste, malheureusement pour nous. Les San Martín appartenaient à la toute petite noblesse sans fortune et sans titre qu'on désigne dans l'Espagne d'Ancien Régime sous le vocable de hidalguía (la qualité des hidalgos). Elle se trouvait fort éloignée des lieux du pouvoir institutionnel, contrairement à ce qui s'est passé pour Mozart, dont la précocité nous est amplement connue parce que sa famille, par profession, se trouvait attachée aux plus grands princes d'Europe.
En revanche, aucun témoignage écrit ne nous est parvenu sur le parcours du jeune San Martín, qui a dû pourtant fort étonner son entourage. Il nous faut reconstituer son évolution en confrontant les dates dont ses états de service officiels font état avec les études réalisées aujourd'hui sur les institutions qu'il a fréquentées au cours de sa formation par des historiens, généralement espagnols et qui ont le mérite de ne pas s'intéresser à lui, alors que les historiens argentins ne considèrent ces institutions que parce qu'elles lui sont liées, ce qui fausse souvent leur regard. On découvre ainsi que l'école militaire de Madrid (qui ne portait pas encore ce qualificatif) dans laquelle il est entré à huit ans accueillait ses élèves alors que ceux-ci avaient dix-sept ans en moyenne à la même époque (dernier tiers du 18ème siècle). On constate ainsi que le jeune garçon, puîné de sa propre fratrie, a vécu perpétuellement avec des gens beaucoup plus âgés que lui jusque vers ses vingt ans... On sait que don José, comme l'appellent les Argentins, est sorti de ce Séminaire Royal des Nobles de Madrid à moins de douze ans. On sait enfin que, malgré l'absence de recommandation mondaine dans l'entourage familial, il a été promu officier, quatre ans plus tard, à l'âge exceptionnellement jeune (2) de quinze ans et demi, alors qu'il se battait sur le front au cours d'un épisode des guerres révolutionnaires, lorsque l'Espagne s'opposait encore à la toute jeune République Française...

C'est cet épisode particulier que je vous propose cette semaine au titre des bonnes feuilles dont la parution sur ce blog précède la sortie, sous le sapin de Noël, de San Martín, à rebours des conquistadors. Pour obtenir cette biographie avant sa parution, au prix promotionnel de 14 €, soit 12,5% de réduction sur le prix de vente en librairie, vous pouvez l'acheter par souscription puisque l'opération est toujours en cours aux Editions du Jasmin. Par la suite, vous pourrez bien entendu vous procurer le livre, entre les deux réveillons ou après les fêtes, chez votre libraire habituel, en le lui commandant.
Si vous lui indiquez le titre et la maison d'édition d'un ouvrage paru en Europe et en français, n'importe quel libraire connaissant son métier saura vous le procurez. Et si vous lui donnez le nom de l'auteur, c'est encore plus facile.


Le temps passe et nous voici déjà en 1798.
A Toulon où la flotte du futur Premier consul s'apprête à rejoindre les pyramides, histoire d'en déloger la perfide Albion... San Martín est premier lieutenant d'infanterie et il sert à bord de la Santa Dorotea, une frégate de la marine espagnole. C'est l'une des toutes dernières missions de ce bâtiment qui tombera aux mains des Anglais en Méditerranée, au mois de juillet. Pour l'heure, notre lieutenant de vingt ans va faire, peut-être par accident, la découverte intellectuelle et politique de sa vie : les principes des Droits de l'homme dont l'Espagne de Carlos IV est encore bien éloignée et une rencontre dont les Argentins sont très fiers...



En 1808, prélude à la fin de sa suprématie en Europe, Napoléon a commis l'erreur d'envahir l'Espagne. Les Espagnols viennent tout juste de déclencher leur propre révolution libérale pour mettre fin à leur propre Ancien Régime qui part en vrille depuis l'arrivée sur le trône d'un roi incapable et veule, Carlos IV. Les Espagnols ont alors fait taire leurs dissensions politiques et ont opposé à l'envahisseur une vaillante résistance armée, administrant même à l'Empire français sa première défaite, leur victoire de Bailén. Quelques mois plus tard, les colonies d'Amérique ont suivi la métropole dans son rejet de l'Ancien Régime mais à Caracas, à Buenos Aires ou à Santiago du Chili, on n'a pas besoin de lutter pour l'indépendance de la Péninsule (voir mon Vade Mecum historique sur l'histoire argentine dans la rubrique Petites Chronologies de la partie médiane de la Colonne de droite).
En 1811, l'Espagne patriotique cède peu à peu sous la force de l'occupation française. Tel le général De Gaulle en juin 1940, San Martín doit faire un choix crucifiant entre une Espagne où la situation militaire et politique est perdue pour de longues années et un empire colonial  lointain et en voie de rupture radicale avec la métropole, où il pourra continuer sa lutte pour ce qu'il appellera bientôt "l'Evangile des Droits de l'homme"... Pressé par les événements et ses convictions, il fait son choix dans des conditions pour le moins difficiles...



Pour aller plus loin - avec vos yeux :
Téléchargez et imprimez le bon de souscription, en vous connectant à mon article du 23 octobre 2012
Visitez le site Internet des Editions du Jasmin, pour découvrir cette maison et la collection de biographies d'artistes et d'hommes politiques, "à lire comme un roman" selon le slogan de l'éditeur
Connectez-vous à la page Facebook de la collection Signes de Vie, dans laquelle San Martín, à rebours des conquistadors paraît prochainement
Accédez à l'ensemble des articles que j'ai déjà consacrés à ce troisième ouvrage (le deuxième publié au Jasmin, après Barrio de Tango, recueil bilingue de tangos argentins, mai 2010 et toujours disponible).
Dans ces articles, je vous présente un certain nombre de témoignages des contemporains du général José de San Martín qui nous donnent le regard qu'on portait sur son action, sur le Vieux Continent et dans le Nouveau Monde, pendant la période révolutionnaire dont il fut, avec Simón Bolívar (3), le plus grand acteur, entre 1810 et 1822, en Amérique du Sud.

Pour aller plus loin -avec vos oreilles :
- Mon interview en français, donnée à Madgalena Arnoux, en août dernier, à Buenos Aires, sur les ondes de RAE (Radiodifusión Argentina al Exterior, la chaîne internationale en sept langues de Radio Nacional)
- Mon interview en espagnol, donnée à Leonardo Liberman, toujours en août et toujours sur les ondes de RAE.


(1) Norberto Galasso, en particulier. Galasso est un des chefs de file médiatiques du courant dit révisionniste dont je vous ai déjà parlé plusieurs ici dans ce blog, un groupe d'historiens qui font une lecture essentiellement péroniste (mais non pas sotte) du passé argentin et dépoussièrent l'histoire officielle. Ce dont elle a fort besoin. Mais l'histoire souffre encore et toujours sous cette lecture très idéologique...
(2) Exceptionnellement jeune pour un garçon de son origine sociale. Les fils de Grands d'Espagne pouvaient obtenir du roi ce type de promotion à cet âge-là du seul fait de leur rang, ce qui les faisait très mal voir du reste du corps des officiers, qui n'était pas dupe de leur ineptie. L'Espagne payera cher cette préférence royale du privilège social sur les compétences et l'expérience militaires pendant l'hiver 1808, quand les chefs des places fortes du nord du pays révéleront leur incapacité à résister aux troupes envoyées par Napoléon et capituleront sans combattre...
(3) C'est aujourd'hui l'anniversaire de la mort de Bolívar au Venezuela, en 1830....