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Poète,
essayiste et homme politique, l'Uruguayen naturalisé argentin
Ricardo Ostuni vient de nous quitter, jeudi, à Buenos Aires,
où il avait élu domicile il y a de très longues
années. Sa mort, intervenue après un long combat contre
la maladie, semble avoir surpris tout le monde car les journaux n'y
font que de rares mentions...
Avec
son œuvre littéraire, l'homme avait gagné sa place à
la Academia Porteña del Lunfardo. Il avait illustré la
vocation poétique de cette version rioplatense de l'espagnol,
métissé d'italien et de tout ce que l'Europe compte de
langues nationales, locales et même argotiques... Avec ces
travaux d'historiographies, il avait gagné celle d'académicien
de la Academia de la Historia, ce qui n'est pas rien à Buenos
Aires.
Du
côté politique, il avait été très
investi dans la mouvance radicale à Buenos Aires où il
avait été très proche, entre autres, de Fernando
de la Rúa, un ancien chef du Gouvernement de Buenos Aires qui
fut démis par la Legislatura à cause de ses
malversations. Inutile de vous dire que cette proximité ne lui
avait pas valu que des amis parmi les Argentins et notamment les
Portègnes et je suis témoin que la défiance
qu'un bon nombre d'entre eux témoignaient à son sujet.
Mais comme dit Todo Tango, dont il était un collaborateur
attiré : nul n'est parfait !
Du
côté du football, ce qui compte autant sinon plus que la
politique, il était un supporter du Boca Juniors et c'est
vraiment une identité, la carte de supporter de ce club du sud
de la ville...
A
son engagement politique contestable il ajoutait une militance
acharnée dans la cause uruguayenniste, où il était
un allié inséparable de Martina Iníguez (voir
mon article du 22 octobre 2012) : il croyait fermement que Carlos
Gardel était né en Uruguay, à Tacuarembó,
une thèse qui passe très très très mal
dans le milieu tanguero à Buenos Aires mais dont une majorité
d'Uruguayens, où qu'ils vivent dans le monde, y compris
souvent lorsqu'ils se sont établis en France, ne peuvent pas
se détacher... Ostuni avait même consacré à
cette question une monographie de 300 pages qui constitue l'essai le
plus complet sur cette fable, présentée par lui comme
une vérité historique. C'est très agaçant
pour les cartésiens que nous sommes mais force est de
constater que pour les Uruguayens, c'est une cause sacrée, qui
n'est pas sans nous rappeler les rivalités inouïes (avec
échanges de noms d'oiseaux de temps en temps) qui opposent
aujourd'hui en France les partisans du site d'Alesia à
Alise-Sainte-Reine en Bourgogne (Côte d'Or, 21) et ceux de la localisation dans
les Alpes, à Chaux-des-Crotenay, dans le Jura, ou les disputes
homériques qui se sont déployées pendant parfois
des siècles tout au long du Moyen-Age entre deux villes
voisines sur l'authenticité d'une écharde de la
Sainte-Croix que toutes les deux prétendaient détenir,
pour mieux attirer le flux des pèlerins, qui comme aujourd'hui
faisaient tourner la vie économique du coin...
Depuis
son retrait de la vie politique, en 2001, il consacrait toutes ses
forces au tango, avec une passion qui nous laisse ébahis, même
si sur certains thèmes elle ne nous convainc pas.
Ricardo
Otsuni a été inhumé au cimetière de la
Chacarita à Buenos Aires dans la journée d'hier.
Pour
aller plus loin :
lire
la nécrologie de Espectador (Uruguay)
lire
la nécrologie de La Nación (Argentine)
Voir
la notice auteur dans Todo Tango (elle n'a pas encore été
mise à jour)