L'inflation
semble avoir repris du poil de la bête ces derniers temps en
Argentine, comme le montrent la récente querelle entre le
Gouvernement et le FMI, qui a osé imposer un blâme au
pays pour les pratiques professionnelles de l'INDEC, l'institut argentin des statistiques (de quoi je me
mêle ?), la question de l'habilitation des associations de
consommateurs, qui est toujours un sujet délicat pour le
pouvoir en place, et les prix que relève la presse. Dans un
pays où le Gouvernement autorise (ou non) les augmentations de
prix de vente que lui soumettent les producteurs. Pour la juguler, le
Secrétaire d'Etat au Commerce vient de signer un accord avec
les principaux acteurs de la grande distribution pour geler les prix
des produits de première nécessité, dans
l'alimentation comme dans l'équipement de la maison, jusqu'au
1er avril prochain. Cela nous paraît peu mais au
rythme de l'inflation en Argentine, aucune entreprise raisonnable ne
peut s'engager sur un délai plus long.
La
presse réagit de manière diverse selon qu'elle
représente la majorité (Página/12) ou
l'opposition (Clarín et La Nación).
Côté
Página/12, on se félicite de l'efficacité du
ministre. Du côté de La Nación, on va jusqu'à
parler d'une contrainte despotique que le ministre aurait imposé
aux organisations patronales représentatives de la
distribution. On se demande bien comment il aurait fait pour imposer
une telle mesure à des intérêts privés
aussi différents que Walmart (Etats-Unis), Carrefour (France)
qui ont autant de sens patriotique en Argentine que Mittal à
Florange ou à Liège, et Coto ou Disco (Argentine),
nettement plus concernés par l'avenir du pays.
La
Nación prévoit aussi que la mesure puisse faire
disparaître des rayons certains biens jusqu'à ce que les
prix de vente final puissent reprendre leur grimpette.
En
fait, la période de gel des prix correspond à la
période de la rentrée scolaire, qui a lieu
traditionnellement le 1er mars. Il est possible que le
ministre ait pu convaincre le secteur qu'il avait tout intérêt
à jouer le jeu pour soutenir la consommation dans une période
où les clients ont de gros achats à faire en
équipements comme en alimentation plutôt que de risquer
de les voir réduire leurs dépenses à une saison
où se joue une grande partie du chiffre d'affaires de l'année.
L'ancien
responsable de la CGT, brouillé avec la Présidente
depuis deux ans, clame quant à lui, dans les colonnes de La
Nación -ce qui ne manque pas de sel- que cet accord a pour but
d'imposer le maintien à un niveau bas des revendications
salariales des syndicats dans la négociation paritaire qui
précède toujours la rentrée et qui se tient
actuellement. S'il faut faire un procès d'intention au
Gouvernement, le fait qu'on entre dans une année électorale
me paraît à soi seul une bonne motivation pour
encourager ce genre de mesure commerciale.
Clarín
préfère disserter sur les variations de prix existant entre les
différentes enseignes de supermarché et les
différents quartiers et dénoncer que ce gel des prix ne
palliera pas ce qui lui apparaît comme une injustice. Et c'est
vrai que les prix sont plus élevés en général
à Recoleta ou à Belgrano, les quartiers chics, qu'à
San Telmo ou Almagro, les quartiers de classes moyennes. Mais cela
n'est-il pas une simple application des lois libérales et
capitalistes de l'offre et de la demande d'une part et de la libre
concurrence d'autre part ? Il serait surprenant que ce soit l'effroyable résultat de
l'interventionnisme d'Etat de ce méchant gouvernement. La
mauvaise foi de certains raisonnements est parfois plus qu'agaçante.
Concrètement,
les prix pratiqués à la date du 1er février
seront tous enregistrés, publiés et conservés
pendant deux mois, y compris les prix promotionnels qui devaient être par nature éphémères. Les associations de
consommateurs invitent les clients à conserver tous leurs
tickets de caisse, à les comparer de jour en jour et à
leur signaler les éventuelles enfreintes à l'accord,
qui va s'étendre aux chaînes d'équipements
électro-domestiques, informatiques et Hi-Fi, comme Frávega
et Garbarino, et il sera proposé aussi aux
patrons des petites supérettes indépendantes de
quartier d'adhérer à cet accord, celles qu'on appelle à Buenos Aires les supermercados chinos
parce qu'ils sont tous tenus par des immigrants du
Sud-Est asiatique (Laotiens, Cambodgiens, Vietnamiens et Chinois).
Pour
aller plus loin :
lire
l'article de Clarín
lire
l'article de La Nación sur les positions de Moyano.