"Concert de casseroles", dit le titre, en bas à droite
(une des formes des manifestations populaires en Argentine,
bien connue depuis Noël 2001 et le grand krach financier)
C'est
la participation, dans Página/12, de Miguel Rep aux manifestations qui se succèdent
depuis le début du mois à Buenos Aires contre
l'abattage des arbres, magnifiques, qui donnent de la verdure et de
l'ombre sur l'immense Avenida 9 de Julio qui, avec ses 140 mètres
de largeur, est l'avenue la plus ample au monde.
En
janvier et sans consulter personne, le gouvernement portègne
retirait, vous vous en souvenez, les wagons de la Brugeoise de la
ligne A du métro (subte) de Buenos Aires, des voitures presque
centenaires, les plus anciennes encore en activité commerciale
au monde, déclenchant un scandale patrimonial entravé
par les vacances d'été (voir mes articles sur le
sujet).
En
ce mois de février, c'est aux arbres que s'en prend désormais
ce même gouvernement local, toujours au profit d'un projet
monté sans consultation, un chantier de tramway appelé
Metrobús (probablement très juteux pour la future
société concessionnaire) et dont la ligne unique suit
la ligne C du métro (autrement dit, un chantier inutile quand
tant et tant de points de la capitale ne sont pas desservis par le
métro). Pire : le projet est illégal car la procédure
qui a abouti à son adoption n'a pas respecté les
consultations que la constitution de la Ville autonome de Buenos
Aires rend obligatoires, notamment concernant le vote de la
Legislatura, l'assemblée législative de la ville.
Les
manifestations se multiplient dans une Buenos Aires plongée
dans la torpeur du plein été, et les référés
auprès des tribunaux administratifs aussi mais sans que rien
n'arrête les pelleteuses qui arrachent les arbres les uns
derrière les autres à la saison de leur plus grande
splendeur végétale.
A ce
stade, il ne s'agit pas d'une indifférence au patrimoine et à
la culture ni de la marque d'une incompétence politique
crasse, c'est une stratégie délibérée et
systématique et cette stratégie a un but (reste à
savoir exactement lequel). Il y a une dizaine de mois en effet,
Mauricio Macri avait révoqué la directrice du
Patrimoine de Buenos Aires, une professionnelle unanimement reconnue
pour ses compétences qui avait le malheur d'être
kirchneriste (donc de voter pour ce qui est son opposition à
lui). Je n'en avais pas parlé en son temps, me refusant à
en entrer dans des querelles de personnes qui ne nous concernent pas,
mais l'évènement avait alors provoqué un fort
mouvement de contestation, malheureusement circonscrit aux seules
organisations de gauche, devant la très grave violation de la
liberté d'opinion constitutionnellement garantie à tous
les citoyens en Argentine.
Au
vu des chantiers de cet été, on peut se demander dans
quelle mesure cette révocation, qui avait l'air d'un simple
règlement de compte, déloyal certes mais surtout
personnel, n'était pas destinée en fait à
laisser à Macri les coudées franches pour ces massacres
systématiques avec lesquels il est en tain de dépouiller
la ville de quelques uns de ses plus beaux fleurons culturels autant
que touristiques. Une politique qui rappelle terriblement les
opérations de décérébration que la droite
argentine a su multiplier tout au long des deux cents ans
d'indépendance, elle qui s'est souvent acharnée à
détruire les liens que le peuple pouvait avoir avec son passé
pour le laisser désarmé devant une politique consistant
à livrer le pays à l'impérialisme de puissances
étrangères avec lesquelles l'oligarchie des
propriétaires agricoles avait (et a sans doute toujours)
partie liée, d'abord l'Angleterre tout au long du XIXe
siècle puis les Etats-Unis après la seconde guerre
mondiale. Cette coïncidence du calendrier est d'autant plus
troublante que Mauricio Macri profite de cet été pour
préparer activement sa future campagne pour l'élection
présidentielle de 2015 non pas en construisant un programme de
gouvernement alternatif mais en remplissant le PRO, son parti
politique, de candidats bidons aux élections législatives
de cette année : il recrute chez les people, acteurs
tonitruants et autres pitres du show-biz, qui s'engagent à ses
côtés à grand renfort de déclarations qui
volent aussi bas que celles d'un Depardieu exhibant un passeport
russe et chantant les louanges d'un grand démocrate nommé
Poutine...
Pour
aller plus loin :
lire
les différents articles qui se succèdent tous les jours
sur Página/12, le seul quotidien national qui s'élève
avec constance contre ces massacres arboricoles :