vendredi 17 juin 2016

L'Eglise impliquée dans un scandale de corruption politique [Actu]

Il y a quelques jours, un ancien ministre très proche de Cristina Kirchner, José López, ex-titulaire du ministère des travaux publics, a été arrêté de façon rocambolesque, dans les locaux d'une communauté religieuse ou plutôt d'une maison de retraite pour religieuses, alors qu'il était occupé à dissimuler des valises d'argent, fruit évident d'opérations illégales. Le manège de l'ancien ministre avait été signalé à la justice par un voisin dont la maison donne sur l'entrée de l'institution confessionnelle. Il semble bien en avoir observé les allées et venues. Devant le juge d'instruction, dans un premier temps, López aurait tâché de se faire passer pour fou en adoptant un comportement incohérent. A présent, il garde le silence et refuse de coopérer. Il a été écroué dans la prison de Ezeiza, dans la province de Buenos Aires, et son avocate tâte le terrain pour savoir si elle pourrait ou non plaider de sorte à le faire bénéficier de la loi du repenti qui donne un statut protecteur aux corrompus quand ils livrent les noms d'autres participants aux trafics divers et variés. La majorité pense bien sûr à l'ex-présidente qui vient de se déclarer publiquement innocente mais elle commence à être lâchée par certaines figures médiatiques qui la soutenaient et se disent maintenant trompées, comme c'est le cas du très controversé historien Pacho O'Donnel.

La Nación a choisi de faire sa une sur l'institution religieuse

Quelques jours après que le Pape François avait fait savoir samedi dernier qu'il refusait le don de 16 millions de pesos (d'argent public) annoncé par le Président Macri au bénéfice de la fondation Scholas Occurentes, parce qu'il redoutait que sa fondation glisse peu à peu dans l'acceptation de pratiques politiques peu claires, voilà un groupe de fidèles, en fait trois femmes très âgées, sans doute dépassées par les événements et se présentant comme une communauté régulière de l'archidiocèse de Mercedes-Luján, dans la Province de Buenos Aires, qui se trouve sous le feu des projecteurs, au grand dam de l'archevêque. Ce dernier se dit perplexe et surpris. La rumeur prétend que, depuis des années, cette communauté aurait abrité des réunions secrètes de responsables politiques parmi les plus compromis dans les scandales les plus divers. Le terrain où s'élèvent les bâtiments communautaires aurait été donné à un ancien évêque de Avellaneda, dans la proche banlieue de Buenos Aires. Il aurait entretenu des liens étroits avec Néstor Kirchner et son cercle politique proche, le tout sous l'autorité de l'ancien archevêque local, lui-même très proche de Carlos Menem, ancien président avec lequel Kirchner avait pris ses distances. C'est cet ancien évêque de Avellaneda qui, il y a moins de trente ans, a fondé cette étrange communauté aux infrastructures pharaoniques qui n'est, en droit canon, qu'une simple association privée comme il y en a beaucoup dans l'Eglise, certaines présentant des caractères ambigus (ce qui semble être le cas ici), d'autres relevant de démarches spirituelles authentiques et pleinement soumises à l'autorité diocésaine. Or le prélat honoraire de Avellaneda, déchargé de toute responsabilité pastorale du fait de son âge avancé (à 75 ans, les évêques cessent d'exercer des fonctions de gouvernement pastoral), ne peut plus se défendre : il est décédé il y a deux mois dans cette communauté et il est enterré dans le domaine d'un hectare qui entoure les bâtiments. Autre source de scandale : les travaux d'agrandissement du supposé monastère (1) sont paralysés depuis quelques mois et leur taille paraît surdimensionnée pour les trois femmes qui sont censées y vivre en une bien petite communauté. Qui plus est, la supérieure aurait reconnu devant des journalistes que López, en arrivant affolé pour cacher ses trésors, lui aurait avoué qu'il s'agissait d'argent mal acquis.

L'archevêque local en exercice s'est déclaré à la disposition de la justice alors que vient de s'ouvrir à Tucumán une grande rencontre spirituelle, le congrès eucharistique national, auquel participent tous les évêques argentins...

Pour aller plus loin :
lire l'article de La Prensa sur les déclarations de la religieuse qui a accueilli López à son arrivée
lire le communiqué de l'archevêque de Mercedes-Luján diffusé par l'agence de presse catholique AICA
lire l'article de Clarín sur le lâchage de Pacho O'Donnel.

Ajout du 18 juin 2016 :
lire l'article de La Nación sur les déclarations de Monseigneur Arancedo, président de la Conférence épiscopale argentine, et ses appels à l'Eglise elle-même à balayer devant sa porte tout en confessant la miséricorde de Dieu et la foi sur laquelle insiste la démarche jubilaire à l'échelle universelle...

Ajout du 7 juillet 2016 :
consulter cette interview vidéo dans La Nación de Monseigneur Cassaretto, évêque émerite de San Isidro (Prov. de Buenos Aires), effondré par l'ampleur des découvertes des cas de corruption consommée dans l'Eglise argentine. Le ménage est en cours !

Ajouts du 19 juillet 2016 :
lire cet article de La Prensa qui annonce l'ouverture d'une enquête canonique dans le diocèse de Mercedes-Luján, après que le juge d'instruction a fait savoir qu'il avait convoqué l'une des religieuses qui a porté assistance à l'ancien ministre au moment où il faisait entrer les sacs de billets dans l'enceinte du supposé monastère
sur le même sujet, lire l'article de Clarín

Ajout du 20 juillet 2016 :
lire l'article de La Nación sur l'enquête engagée par le diocèse.



(1) En droit canon, le mot monastère est très strictement encadré comme celui de couvent. Les paramètres ne semblent pas réunis dans le cas présent. On est donc dans un cas d'usurpation de vocabulaire, ce qui n'est pas un très bon signe en soi.