Sandra Arroyo Salgado, l’ex-épouse
du défunt procureur fédéral Alberto Nisman, vient de se désister
de son statut de partie civile dans l’instruction qui doit
déterminer si le décès du procureur était un suicide ou un
assassinat. Un dimanche soir de janvier
2015, le magistrat avait été retrouvé chez lui baignant dans son
sang, alors qu’il s’apprêtait à accuser le gouvernement
argentin de vouloir protéger les auteurs iraniens d’un attentat
antisémite sur lequel il enquêtait (1).
L'une des apparitions devant la presse de la juge, en 2015 |
En
sa qualité de partie civile, son ex-épouse
représentait ses filles mineures. En se
désistant, elle se libère de toute obligation procédurale dans le
cours de l’instruction, elle perd aussi le droit de réagir aux
thèses de la défense du seul inculpé dans l’affaire, Diego
Lagomarsino, l’ancien informaticien du procureur, celui qui lui a
fourni l’arme avec laquelle il s’est donné ou on lui a donné la
mort, et dont le rôle qu’il jouait dans le cabinet d’instruction
sur l’attentat contre l’AMIA reste un mystère. Or elle l’a
accusé sans relâche et a fait feu de tout
bois pour obtenir son inculpation. Le
laisser désormais
se défendre sans jamais lui faire
opposition est un vrai
retournement chez
cette accusatrice féroce. Lagomarsino
lui-même dit aujourd’hui son étonnement (voir l'entrefilet de La Prensa).
Cette
femme, elle-même juge fédérale, a mené un combat très rude
d’abord pour que la justice locale, celle de Buenos Aires, soit
dessaisie de l’affaire : elle préférait en effet que le
dossier passe à la justice fédérale, dont elle connaît
parfaitement le personnel puisqu'elle en fait partie. Elle s’est
beaucoup démenée, dès les premiers jours, pour convaincre tout le
monde qu’il s’agissait d’un assassinat aggravé contre un
représentant de l’autorité dans l’exercice de ses fonctions
(magnicidio).
Elle
se retire du procès en invoquant la nécessité de protéger sa
famille de menaces qu’elle ne cesserait de recevoir et de reprendre
elle-même le cours de sa vie professionnelle et personnelle. On ne
peut évidemment pas savoir s’il s’agit là des vrais motifs
puisqu’elle connaît parfaitement la procédure pénale et qu’elle
sait comment en jouer, comment justifier son retrait d’une manière
formellement parfaite (au sens juridique de l’adjectif). En tout
cas, Página/12 doute de l’existence des menaces puisqu’elles ne
font pas l’objet de plaintes devant la justice. Pour une juge,
c’est en effet assez suspect.
Fait
nouveau, Sandra Arroyo Salgado reconnaît que les actes
d’instruction, dont elle salue la qualité de l’exécution (c’est
nouveau !), n’ont pas été concluantes sur le point de savoir
si la mort de son ex-mari est ou non de nature criminelle. Or elle
n’a cessé de proclamer le contraire à longueur de conférence de
presse et devant de nombreuses instances judiciaires depuis l’été
2015. Cette argumentation est donc pour le moins troublante.
Página/12,
peu enclin à accepter la thèse de l’assassinat, qui mettrait en
cause le gouvernement Kirchner, y voit l’écroulement d’un
château de cartes, une manipulation de l’opinion pour salir le nom
de Cristina Kirchner en essayant de l’impliquer dans une commandite
d’assassinat politique.
Clarín
et La Nación se contentent d’une paraphrase de la lettre dont les
deux quotidiens reproduisent un fac-similé et d’un rappel de
l’affaire et de ses multiples rebondissements.
La
mère de Alberto Nisman reste, quant à elle, partie civile dans ce
procès.
Les
deux femmes ont toujours montré un visage plutôt antipathique.
Toutes deux ont un style très agressif, en grand décalage avec
l’idéal féminin de la haute société à laquelle leur mode de
vie pourrait les assimiler (idéal parfaitement assumé par des
personnes comme Julia Awada, l’actuelle épouse du président
Macri, ou la reine Máxima des Pays-Bas, elle-même issue de
l’oligarchie des grands propriétaires agricoles argentins). Toutes
deux sont à peu près aussi souriantes et avenantes que la ministre
de la Sécurité, Patricia Bullrich. Elles n’ont jamais gagné
l’affection ni de l’opinion publique ni de la presse, même de
droite.
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Clarín
lire
l’article de La Prensa
Ajout du 23 décembre 2018 :
lire cet éditorial de Clarín, qui a toujours soutenu la thèse du crime et qui se retrouve bien mortifié par le retrait inattendu de Sandra Arroyo Salgado
Ajout du 23 décembre 2018 :
lire cet éditorial de Clarín, qui a toujours soutenu la thèse du crime et qui se retrouve bien mortifié par le retrait inattendu de Sandra Arroyo Salgado
(1)
L’attentat contre la AMIA a fait en 1995 85 morts et environ 300
blessés, dont de très nombreux survivants sont restés handicapés
à vie après consolidation du cadre clinique. C’était l’affaire,
gigantesque, dont s’occupait exclusivement le procureur, qui en
assurait l’instruction, jusqu’à la découverte des auteurs ou de
l’auteur des faits, qui n’ont toujours pas été identifiés. En
procédure criminelle argentine, dès lors qu’un auteur est
déterminé, l’enquête est confiée à un juge d’instruction.