En haut, dans la manchette bleue, une expression typiquement espagnole, inconnue en Argentine :
A la conquista de América, chavales (à la conquête de l’Amérique, les gamins !).
En Argentine, on apostropherait les joueurs en les appelant muchachos ou pibes
Le gros titre dit "Le maître du ballon", en montrant les deux hommes,
Pérez (président du Real) et Macri (président de la République Argentine)
et l’article s’intitule : "P comme ballon (pelota), péage, politique et pouvoir".
Página/12
croit comprendre pourquoi la Conmebol, la fédération sud-américaine de football, a choisi le stade Santiago
Bernabéu pour jouer, dans quelques minutes, le match retour de
finale de la Copa Libertadores entre River Plate et Boca Juniors
(avec un s, et non pas sans, comme les fabricants de gadgets
madrilènes l’ont écrit). La rédaction croit aussi savoir que la
colère de Mauricio Macri a été assez peu sincère.
Quelques écharpes vendues à Madrid avec une grosse faute d'orthographe dans le nom du club de La Boca |
Le
secret de l’affaire résiderait dans des intérêts économiques
auxquels le président argentin serait mêlé depuis 2009, alors
qu’il était chef du Gouvernement de la Ville Autonome de Buenos
Aires : le président de l’équipe résidente, le Real Madrid,
est un entrepreneur de grande envergure en travaux publics, dont la
société s’est développée dans le monde entier, en particulier
en Argentine. L’homme est très influent en Espagne. Il est
convoqué la semaine à venir devant le parlement espagnol au sujet
du financement illégal du Partido Popular (la droite
traditionaliste, issue de la transition démocratique post-Franco,
qui a été éjectée du pouvoir par l’actuel président du
Conseil, socialiste). En Argentine, Florentino Pérez est l’un des
maîtres des péages autoroutiers, une activité très juteuse que
Macri et Pérez, idéologiquement liés et tous deux politiquement
proches du PP, entendent développer. Le groupe Macri est à
l’origine des péages en Argentine.
La
tenue du match au Bernabéu pourrait donc faire partie d’un accord
entre les deux, une sorte d’échange de bons services médiatiques,
après que les spots se sont posés sur Macri pendant le G20, où le
président argentin a creusé, difficilement, son sillon diplomatique
international.
Daniel
Paz et Rudy ont une autre interprétation dans leur vignette du jour.
Ils en appellent à l’histoire, avec un grand H.
Echange
entre un père et son fils, à l’heure du mate
Le
petit : Pourquoi ça s’appelle Libérateurs de l’Amérique ?
Le
père : C’est pour rendre hommage aux victoires de San Martín
et Bolívar
Le
petit : Pourquoi on joue en Espagne ?
Le
père : c’est à cause de la défaite de Cancha Rayada (1)
Traduction
© Denise
Anne Clavilier
Pour
en savoir plus :
(1)
Cancha Rayada est un revers subi par San Martín, le père de la
patrie en Argentine, le 19 mars 1818 (je devais en parler hier à Tours, si les gilets jaunes n’avaient pas obligé les organisateurs
de La Plume et l’Epée à tout annuler pour raison de sécurité).
En fait, Cancha Rayada n’est pas une défaite car il n’y a pas eu
de combat. Les forces royalistes ont surpris l’armée unie dite
patriotique, qui défendait, sous les ordres de San Martín, l’indépendance du Chili, à la nuit
tombée, alors que les soldats venaient de s’arrêter et allaient
préparer le bivouac. L’armée patriote fut dispersée puis bien
vite rassemblée par San Martín, qui remportait la victoire
définitive, le 5 avril suivant, à la bataille de Maipú. En
Argentine, cancha veut dire terrain et c’est le terme que l’on
utilise pour parler du terrain de football. Et rayada, comme en
français, veut dire rayée.