mardi 4 décembre 2018

Sale printemps pour la rue argentine [Actu]

"Permis de tuer", titre Página/12, avec son habituel sens du détournement
c'est bien la ministre Patricia Bullrich qui tient la pose de James Bond

Pour porter atteinte à l'un des principes fondamentaux des droits de l'homme, le droit à la vie, il aura suffi au gouvernement argentin de publier une simple modification du règlement de l’usage des armes pour les forces de l'ordre, parue ce matin au bulletin officiel de la République mais signé par la ministre concernée le 27 novembre dernier, alors qu'arrivaient à Buenos Aires les premières délégations du G20.

La Prensa offre la une la plus discrète sur le sujet
qui est rapporté en bas de page mais en caractères rouges
En haut, le gros titre principal dit : L'estime de soi est de retour
une parole du président qui y voit les suites du G20 pour l'Argentine
mais il confond peut-être le pays et sa propre personne...

Cela s’est donc fait sans débat public, sans débat parlementaire. En catimini.

Clarín a choisi de consacrer le gros titre à cette information
et la photo a un énième match de football

Depuis ce matin, les policiers fédéraux sont donc autorisés à faire feu sur toute personne s'ils soupçonnent qu’elle représente un risque de mort ou de blessure. Ce risque n’a pas besoin d’être caractérisé par une agression ou un début d’agression de la part de ce suspect. Les agents de la force publique peuvent lui tirer dans le dos (comment y a-t-il danger imminent dans ce cas ?). Ils n'ont même pas obligation de faire état de leur qualité de policier ni même de faire les sommations.

La Nación fait un choix assez proche de Clarín
avec les travaux dans l'avenue Corrientes en lieu et place du foot !

Cela fait un an que la ministre de la Sécurité voulait modifier la loi dans ce sens, après l’inculpation d’un policier de la province de Buenos Aires qui avait tué un jeune hors-la-loi mineur en dehors du cadre de la légitime défense, le sous-officier Luis Chocobar, qui, malgré le soutien appuyé de l’exécutif, aura à répondre de ses actes devant la justice du pays.

Dessin de Daniel Paz et Rudy, à la une de Página/12 ce matin

Le porte-parole du gouvernement : Désormais, la police va tirer dessus sur ceux qui prennent la fuite.

la journaliste : Est-ce un avertissement de Cambiemos aux radicaux ? (1)
Traduction © Denise Anne Clavilier

Toute la presse commente cette nouveauté qui ressemble aux promesses électorales de Jair Bolsonaro, promesses électorales qui a horrifié l’opinion publique argentine.

Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Página/12, vent debout contre la mesure (le journal y consacre de nombreux billets, analyses, réactions de militants de droits de l’homme et éditoriaux)



(1) Dans l’alliance gouvernementale actuelle qui se compose d’une grosse majorité néolibérale (Mauricio Macri), d’une minuscule portion de centre-gauche (socio-démocrates) et d’une petite portion de l’UCR, les radicaux, le plus vieux parti du pays, ces derniers sont en train de prendre leurs distances depuis de nombreux mois, avec une tendance de plus en plus forte de se démarquer des décisions du président Macri, auquel ils reprochent surtout de ne pas tenir compte de leur avis, voire de gouverner sans les consulter.