"Plus jamais seul(e)s", dit le gros titre En haut, le portrait des deux nouvelles rectrices des lycées de la UBA |
Depuis hier, la presse argentine est emplie d’une
affaire de viol dans le monde du spectacle, une affaire sordide au plus haut point : une jeune comédienne de 25 ans,
Thelam Fardin, a dénoncé le viol dont elle a été victime, à l’âge
de 16 ans, lors d’une tournée, au Nicaragua, d’un spectacle pour
enfants, Patito Feo (vilain petit canard), produit par une grande
vedette de la télévision commerciale et du football, Marcelo
Tinelli (1). Or le violeur n’est autre qu’un très célèbre
acteur, Juan Darthés, qui a déjà fait l’objet d’une plainte
pour harcèlement sexuel de la part d’une autre jeune actrice (2).
Thelma
Fardin a révélé son malheur face à la caméra, sans pouvoir
réprimer ses sanglots. Elle a porté plainte devant les tribunaux du
Nicaragua (3). Sa plainte a été suivie d’une autre, déposée par
une assistante de production à la télévision, contre le même
violeur, cette fois-ci en Argentine.
Une
bonne partie des comédiennes, encartées à l’association
professionnelle des acteurs argentins, a aussitôt soutenu Thelma
Fardin mais quelques confrères et consœurs ont publiquement exprimé
des doutes sur la réalité des faits dénoncés et apporté leur
soutien à Darthés. Plusieurs d’entre eux ont, depuis, exprimé des
regrets publics car le comportement de Darthés ressemble beaucoup à
celui d’un coupable, incapable de donner une version cohérente de
ce qui se serait vraiment passé. Au point que son avocate a
abandonné sa défense. Il a à présent défendu par un homme.
L’association professionnelle des acteurs a
exclu Darthés pour "inconduite
notoire",
alors qu’il est toujours présumé innocent.
L’association des acteurs a aussi déclaré qu’elle avait porté
plainte contre la société de production Ideas del Sur et la chaîne
Canal 13, pour manquement aux devoirs de protection à l’égard des
mineurs. Le festival de tango Caminito, qui doit se tenir le 20
décembre dans la province de La Rioja, a décommandé Juan Darthés
qui devait s’y produire (il est aussi chanteur).
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Et
au milieu de ce #MeToo
argentin, le conseil supérieur de la UBA (Universidad de Buenos Aires) a nommé deux femmes à la
tête des deux lycées, l’un général et l’autre technique,
qu’elle administre : le Colegio Nacional de Buenos Aires et le
Colegio Carlos Pellegrini. C’est la première fois que des femmes
accèdent à ces postes prestigieux, qui demandent beaucoup
d’expérience pédagogique, de bon sens et de poigne car les deux
écoles font très régulièrement l’objet d’occupation sauvage
par les élèves qui s’insurgent contre telle décision politique
d’un ministre ou telle décision interne émanant du recteur
(proviseur). Les deux femmes ont d’ores et déjà annoncé qu’elles
souhaitaient apporter du neuf : développer l’éducation
sexuelle (qu’une partie de la hiérarchie catholique et de la
droite la plus réactionnaire accusent de promouvoir l’homosexualité)
et le langage inclusif (où le e ou le x remplace le o et le a du
masculin et du féminin, en contradiction avec les recommandations conservatrices de
la Real Academia Española qui vient de se prononcer contre ces
innovations pour toute l’hispanophonie) ainsi que de lutter contre
la violence de genre, à laquelle il est assez fréquent que se
livrent des adolescents contre leurs camarades féminines.
Les
deux événements interviennent une semaine après l’arrestation
d’un jeune violeur qui n’est autre que le fils d’une procureure
fédérale : devant les instances judiciaires, le jeune voyou, arrogant et sûr de son impunité, a insulté sa victime, persuadé que sa
maman allait pouvoir intervenir en sa faveur. D’abord libéré sous
caution, il a été renvoyé en prison, où il croupit actuellement
en attendant son procès.
Devant
cette éruption de féminisme en actes et en paroles, le président
Mauricio Macri, qui, à titre personnel, n’est pas ennemi d’une
"innocente
petite blague"
sexiste de temps à autre, s’est fendu d’une déclaration sur
Twitter pour justifier le retrait d’un spot où intervenait Juan
Darthés sur le site web d’une campagne gouvernementale contre la
violence de genre, et il a apporté son soutien à l’actrice
plaignante.
Plusieurs
sénateurs lui ont eux aussi apporté le leur, très publiquement,
dans l’hémicycle. Puis ce sont des journalistes qui ont, elles
aussi, confié avoir été violées. Les services d’assistance
téléphoniques spécialisés, en particulier le numéro 144, mis en
place par la Ville de Buenos Aires, ont été assaillis d’appels.
Et la boule de neige ne cesse de grossir depuis 48 heures.
Pour
en savoir plus :
Affaire
Juan Darthés
lire
l’article de Clarín
Nomination
de deux rectrices par le conseil de l’UBA
lire
l’article de Clarín
lire
l’article de La Nación
Ajout du 19 décembre 2018 :
Affaire Juan Darthés
lire cet article de Clarín qui reprend l'hebdomadaire Noticias (pas vraiment dans le même camp idéologique), lequel croit savoir que l'acteur envisage de s'exiler au Brésil où il est né (à São Paulo). Dans le Brésil de Bolsonaro, il sera presque certain d'être protégé par les autorités qui prennent leurs fonctions le 1er janvier prochain !
Ajout du 19 décembre 2018 :
Affaire Juan Darthés
lire cet article de Clarín qui reprend l'hebdomadaire Noticias (pas vraiment dans le même camp idéologique), lequel croit savoir que l'acteur envisage de s'exiler au Brésil où il est né (à São Paulo). Dans le Brésil de Bolsonaro, il sera presque certain d'être protégé par les autorités qui prennent leurs fonctions le 1er janvier prochain !
(1)
Il est le vice-président du club San Lorenzo de Almagro, celui
auquel le pape est encarté comme supporter depuis sa jeunesse. Il a
occupé des fonctions électives à la AFA (la fédération de foot
argentine). Il est le patron-fondateur de Ideas del Sur. Tinelli
s’est solidarisé avec Thelma Fardin.
(2)
Le procès sur cette affaire est déjà enclenché. Aujourd’hui,
devait se tenir l’audience de conciliation entre la plaignante et
l’acteur mais ce dernier ne s’est pas présenté au tribunal. Ce
qui affaiblit bien entendu sa défense, encore plus dans l’actuel
contexte de lynchage médiatique dont il fait l’objet.
(3)
L’ambassade du Nicaragua à Buenos Aires a émis le souhait que l’instruction et
le procès se tiennent en Argentine.