Après une première salve d’interviews
conciliantes, la nouvelle ministre de la Sécurité, Sabina Frederic,
entre dans le vif du sujet.
Elle
vient d’annuler les protocoles de sa très agressive et assez
violente prédécesseuse, Patricia Bullrich (1), qui autorisait
l’utilisation du taser et autres armes dangereuses dans le cadre
des missions de maintien de l’ordre et la poursuite des malfaiteurs
et elle a récemment annoncé qu’elle allait procéder à de
nouvelles nominations à la tête des deux corps de police que
Bullrich a choyés,souvent d’une manière très partisane et contre
les enquêtes judiciaires, pendant tout le mandat, notamment autour
de deux affaires qui sentent le souffre pour les kirchneristes :
la gendarmerie pour l’affaire Alberto Nisman, le procureur décédé
le dimanche 18 janvier 2015, alors qu’il s’apprêtait à dénoncer
le lendemain matin la présidente Cristina Kirchner d’avoir entravé
le cours de la justice dans l’instruction d’un attentat, laquelle
a aussitôt été soupçonnée a priori par son opposition d’être
la commanditaire de cette disparition violente (qui pourrait n’être
qu’un suicide, comme tend à l’indiquer le désistement
irrévocable de la mère des filles du magistrat -elle-même juge
fédérale en exercice- qui s’était constituée partie civile au
nom des deux mineures) et la préfecture (police fluviale et
maritime) pour la disparition de Santiago Maldonado, retrouvé mort
dans une rivière glacée en plein hiver qu’il tentait de traverser pour échapper, pensent les kirchneristes, à des effectifs préfectoraux et
gendarmesques qui auraient été en train de le poursuivre pour la
seule raison qu’il s’opposait à la privatisation de territoires
que certains groupes mapuches revendiquent comme terres ancestrales.
Les deux schémas dans le même ordre Schémas Clarín Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Sabina
Frederic, qui a le parcours d’une universitaire de valeur, a aussi
annoncé qu’elle allait faire réexaminer l’expertise réalisée
par la gendarmerie sur la mort de Nisman, une expertise qui laisse
entendre que le magistrat a été assassiné par deux sicaires dont
on n’a jamais retrouvé la trace. Qui plus est, cette expertise a
été réalisée sur une scène du crime reconstituée (l’appartement
ayant été libéré et remis en location), sans aucune capacité de
faire des prélèvements biologiques ou de relever des empreintes
digitales ou palmaires qu’on n’a pas trouvé à la découverte de
la scène. Or cette expertise fait partie d’un processus judiciaire
dans lequel l’exécutif ne devrait pas pouvoir s’immiscer, ce que
la magistrature a rappelé très rapidement par des déclarations
publiques. Cette expertise a été évaluée de façon contradictoire
par différentes instances juridiques et elle fait maintenant partie
du dossier même si elle contredit les premières expertises qui
avaient été diligentées par la justice portègne, avant que
l’affaire ne soit transférée à la justice fédérale. La tenue
de ce dossier rappelle furieusement chez nous l’affaire Grégory,
avec une dimension plus clairement politique encore.
Pour
aller plus loin :
le 27 décembre
lire
l’article de Clarín, très nettement favorable à la thèse de
l’assassinat, comme La Nación
lire
l’article de La Nación, qui a pris d’emblée fait et cause pour
la famille de Alberto Nisman contre Cristina Kirchner
le 28 décembre
lire
l’article de Página/12, qui défend la thèse du suicide
(1)
Peu avant le vote de la loi d’urgence alimentaire et sociale au
Congrès nationale, Patricia Bullrich avait appelé l’opposition
parlementaire à rassembler des pierres pour empêcher le vote de la
mesure… Attitude bizarre de la part d’une responsable politique
qui prétend défendre la démocratie menacée par l’actuelle
majorité ! De plus, elle vient de publier un livre de
propagande sur son action à la tête de son ministère qui vient de
paraître avec une couverture qui lui donne un cachet officiel,
gouvernemental, comme si elle était toujours aux affaires alors que
le nouveau gouvernement a prêté serment le 10 décembre. Pour le
respect de la démocratie, il reste une grosse marge de progrès.