samedi 7 décembre 2019

On n’est jamais si bien servi que par soi-même [Actu]


Jeudi dernier, Mauricio Macri s’est invité à la télévision publique pour faire une allocution de départ où il s’est tressé des lauriers et a déployé un tableau très flatteur de ses réussites à la tête du pays, attribuant à pas de chance les quelques ratés qu’il a daigné évoquer. Un monceau de contre-vérités puisqu’il laisse un pays en moins bon état que celui qu’il a reçu sur tous les plans : endettement record alors que l’Argentine était sur le point de se désendetter, inflation plus que doublée, inégalités sociales creusées, taux de pauvreté et d’indigence largement augmenté, fuite des chercheurs, institutions culturelles criant misère. Et de nouvelles âneries historiques comme cette prétention à avoir conduit le premier gouvernement non-péroniste (1) depuis 100 ans ! (2)

Taux d'indigence évalué à partir des revenus et réparti par tranche d'âge
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C’était la seconde fois qu’il se prêtait à cet exercice de haute-voltige et de langue de bois après son intervention à COP 25 à Madrid où il est allé faire un dernier petit tour pour raconter tous les progrès que l’Argentine aurait accomplis en matière d’environnement pendant son mandat (on les cherche encore !) et pour se faire photographier une dernière fois à côté de don Felipe et doña Letizia (les têtes couronnées, il adore !).

Taux d'indigence évalué à partir des revenus et réparti par région
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Or Macri avait demandé qu'on juge son action à l'aune de la pauvreté qui existerait quatre ans après sa prise de fonction...
En haut :
gros titre sur l'annonce de la composition du prochain gouvernement
En bas :
le sortant pendant sa prestation télévisuelle
"Nous laissons un pays où il est plus difficile de voler"
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Ce petit exercice laisse une gêne palpable à droite et fait franchement rigoler à gauche. En effet, il constitue la dernière violation en date de ses promesses de campagne, dont l’une était que jamais il ne se servirait de l’audiovisuel public pour faire de la propagande au profit de son gouvernement. Et il est arrivé très mal à propos : le même jour, l’Observatoire de la Dette Sociale de l’Université Catholique Argentine (UCA) sortait son bilan trimestriel et ses chiffres astronomiques concernant la pauvreté dans le pays, la malnutrition des enfants, l’habitat insalubre, le manque d’accès à l’éducation et à la santé… La pauvreté touche désormais 40,8 % de la population totale de l’Argentine et les graphiques de la UCA montrent les inégalités territoriales manifestes : la ville de Buenos Aires est favorisée par rapport au reste du pays et surtout à sa banlieue.

Pour aller plus loin :
sur l’allocution télévisée :
sur le rapport de l’UCA sur la pauvreté :



(1) C’est oublier bien entendu les gouvernements de fait, issus des nombreux coups d’État de droite, et les gouvernements radicaux dont celui de Raúl Alfonsín, qui fut celui du retour à la démocratie constitutionnelle. Une paille ! Ce qui est le plus drôle dans cette déclaration culottée, c’est l’adoption de la grammaire péroniste par le président quand ça l’arrange : entre les deux tours de 2015 quand il avait fait des pieds et des mains pour l’emporter au second tour sur Daniel Scioli (ce qui était loin d’être acquis) et récemment, en août, après sa défaite cuisante à l’élection primaire qui annonçait sa défaite au premier tour, ses gestes au balcon de la Casa Rosada, qui imitait une célèbre apparition à ce même balcon de Perón après le coup d’État avorté le 17 octobre 1945 !
(2) Perón est entré dans le champ politique en 1943.