Jeudi dernier, Mauricio Macri s’est invité à
la télévision publique pour faire une allocution de départ où il
s’est tressé des lauriers et a déployé un tableau très flatteur
de ses réussites à la tête du pays, attribuant à pas de chance les quelques ratés qu’il a daigné évoquer. Un monceau de
contre-vérités puisqu’il laisse un pays en moins bon état que
celui qu’il a reçu sur tous les plans : endettement record
alors que l’Argentine était sur le point de se désendetter,
inflation plus que doublée, inégalités sociales creusées, taux de
pauvreté et d’indigence largement augmenté, fuite des chercheurs,
institutions culturelles criant misère. Et de nouvelles âneries
historiques comme cette prétention à avoir conduit le premier
gouvernement non-péroniste (1) depuis 100 ans ! (2)
Taux d'indigence évalué à partir des revenus et réparti par tranche d'âge Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
C’était
la seconde fois qu’il se prêtait à cet exercice de haute-voltige
et de langue de bois après son intervention à COP 25 à Madrid où
il est allé faire un dernier petit tour pour raconter tous les
progrès que l’Argentine aurait accomplis en matière
d’environnement pendant son mandat (on les cherche encore !)
et pour se faire photographier une dernière
fois à côté de don Felipe et doña Letizia (les têtes couronnées,
il adore !).
Taux d'indigence évalué à partir des revenus et réparti par région Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Or Macri avait demandé qu'on juge son action à l'aune de la pauvreté qui existerait quatre ans après sa prise de fonction...
Ce
petit exercice laisse une gêne palpable à droite et fait
franchement rigoler à gauche. En effet, il constitue la dernière
violation en date de ses promesses de campagne, dont l’une était
que jamais il ne se servirait de l’audiovisuel public pour faire de
la propagande au profit de son gouvernement. Et il est arrivé très
mal à propos : le même jour, l’Observatoire de la Dette
Sociale de l’Université Catholique Argentine (UCA) sortait son
bilan trimestriel et ses chiffres astronomiques concernant la
pauvreté dans le pays, la malnutrition des enfants, l’habitat
insalubre, le manque d’accès à l’éducation et à la santé…
La pauvreté touche désormais 40,8 % de la population totale de
l’Argentine et les graphiques de la UCA montrent les inégalités
territoriales manifestes : la ville de Buenos Aires est
favorisée par rapport au reste du pays et surtout à sa banlieue.
Pour
aller plus loin :
sur
l’allocution télévisée :
lire
l’article de Clarín
sur
le rapport de l’UCA sur la pauvreté :
lire
l’article de Clarín
(1)
C’est oublier bien entendu les gouvernements de fait, issus des
nombreux coups d’État de droite, et les gouvernements radicaux
dont celui de Raúl Alfonsín, qui fut celui du retour à la
démocratie constitutionnelle. Une paille ! Ce qui est le plus
drôle dans cette déclaration culottée, c’est l’adoption de la
grammaire péroniste par le président quand ça l’arrange :
entre les deux tours de 2015 quand il avait fait des pieds et des
mains pour l’emporter au second tour sur Daniel Scioli (ce qui
était loin d’être acquis) et récemment, en août, après sa
défaite cuisante à l’élection primaire qui annonçait sa défaite
au premier tour, ses gestes au balcon de la Casa Rosada, qui imitait
une célèbre apparition à ce même balcon de Perón après le coup
d’État avorté le 17 octobre 1945 !
(2)
Perón est entré dans le champ politique en 1943.