Jeudi dernier, le ministre argentin de la santé,
Ginés González García, a promulgué un nouveau protocole, d'application immédiate, sur
l’interruption légale de grossesse (ILE), qui reprend la
mesure-clé du protocole publié puis annulé dans la journée par
Mauricio Macri et son ministre de la santé il y a deux semaines :
la possibilité pour les femmes d’accéder à un avortement légal
en déclarant simplement sur l’honneur avoir été violée, puisque
c’est un motif valide depuis près d’un siècle (1).
Le
document se présente comme purement médical et même
ultra-technique. Il permet aux femmes de recourir à l’IVG sans
passer devant un juge jusqu’à ce que la loi change, ce qui se fera
sans doute prochainement, au cours de la présente législature, et
le débat sera sans doute alors moins violent qu’il ne l’a été
ces dernières années.
A gauche, Michelle Bolsonaro, à droite, Fabiola Yáñez à Rome, hier |
Le
gouvernement y va avec prudence et sagacité. Comme la mesure peut
l’éloigner de l’Église, dont il est proche du fait de son
attention aux plus vulnérables, l’Argentine a envoyé la première
dame, au surlendemain de la prestation de serment de son compagnon, à
Rome, assister à l’inauguration du nouveau siège de la fondation
Scholas Occurentes, une initiative du pape François, quand il était
encore archevêque de Buenos Aires, inauguration qui marquait par
ailleurs le jubilé d’or de son ordination. Fabiola Yáñez a
rejoint le groupe des conjoints de chef d’État latino-américains
qui participait à la fête. Elle a ainsi rencontré le Saint-Père
qui l’a visiblement accueillie avec chaleur et à qui elle a offert
le calice qui a été utilisé dimanche dernier à la messe de
l’Immaculée Conception à Luján à laquelle ont assisté côte à
côte Alberto Fernández et Mauricio Macri en signe de paix civile,
au-delà des différences politiques. Le lien est donc noué d’emblée
avec Rome et la une de La Prensa s’en fait l’écho avec son gros
titre et la choix de la photo. Fabiola Yáñez en a même profité
faire la connaissance de Michelle Bolsonaro, l’épouse du président
brésilien, qui vient tout juste de mettre de l’eau dans son vin et
a cessé d’insulter et de menacer l’Argentine et son président
de gauche, qu’il vomissait jusqu’à il y a quelques semaines.
Hélas,
en Argentine, le prélat à la tête de la pastorale de la Santé a
réagi avec des propos très tranchés et peu pacificateurs,
prétendant que la majorité des Argentins sont contre le
dépénalisation de l’avortement, ce que soi-disant on aurait vu en
2018 lors du débat parlementaire. Gros mensonge car le débat
parlementaire rend témoignage de l’opinion des élus et non pas de
l’ensemble de tous les citoyens. Pour ces derniers, on ne sait pas
où se trouve la majorité : il n’y a pas eu de référendum
sur le sujet.
Lorsque
le gouvernement de Pepe Mujica, en Uruguay, avait légalisé
l’avortement, le primat du pays avait réagi avec beaucoup plus de
prudence : il avait déclaré qu’après l’adoption de cette
loi, l’Église allait « s’occuper des blessés »,
c’est-à-dire prendre en charge les dégâts psychiques, éthiques
et spirituels que ce type de législation entraîne dans une société
judéo-chrétienne. Cela lui avait permis de redire l’opposition de
l’Église à cette solution mais sans déterrer la hache de guerre.
Dommage que cet évêque argentin n’ait pas pris modèle sur son
homologue de Montevideo… Cette violence verbale a été remarquée et soulignée par tous, y compris par les journalistes de Clarín et de La Nación,
d’habitude très prompts à soutenir les militant(e)s du foulard
bleu (anti-foulard vert).
Le schéma de la procédure à suivre, extrait du dossier de présentation du protocole Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Pour
aller plus loin :
dans
la presse d’hier
lire
l’article de La Prensa (hostile mais pas autant que ce qu’on
aurait pu imaginer mais il est vrai qu’il y a encore eu une morte à
la suite d’un avortement clandestin la veille des prestations de
serment, donc au lendemain de l’Immaculée Conception)
lire
l’article de Clarín
dans
la presse de ce matin
lire
l’article de La Prensa sur la réaction du président de la
commission pastorale de la Santé
lire l’article de Clarín sur la réaction de l'évêque
lire
l’article de Clarín sur Fabiola Yáñez à Rome
lire
l’article de La Nación
Ajouts du 19 décembre 2019 :
Le président a reçu une délégation de l'épiscopat à la Casa Rosada. Les prélats ont montré leur désaccord devant la politique du ministère de la Santé sur l'avortement mais ils ont indiqué leur accord devant la politique de redistribution et de soutien aux plus vulnérables que le gouvernement vient de lancer.
Lire l'article de Página/12
Lire l'article de La Prensa
Lire l'article de Clarín
Lire l'article de La Nación
Ajouts du 19 décembre 2019 :
Le président a reçu une délégation de l'épiscopat à la Casa Rosada. Les prélats ont montré leur désaccord devant la politique du ministère de la Santé sur l'avortement mais ils ont indiqué leur accord devant la politique de redistribution et de soutien aux plus vulnérables que le gouvernement vient de lancer.
Lire l'article de Página/12
Lire l'article de La Prensa
Lire l'article de Clarín
Lire l'article de La Nación
(1)
L’autre motif rendu valable par la jurisprudence est la santé et
la survie de la mère.