vendredi 24 avril 2020

La droite hispanophone reprend du poil de la bête [Actu]

"L'âge de pierre" dit le gros titre
sur ce montage représentant les deux ex-moustachus
Macri à gauche et Aznar à droite
En haut : une opération de test covid-19 massif
dans un quartier du centre de Buenos Aires
et la prolongation du confinement probablement jusqu'au 10 mai

La pandémie donne des ailes à la droite dure en Espagne (gouvernée par une coalition de gauche) comme en Argentine (elle aussi gouvernée à gauche) avec l’aide de quelques politiques et intellectuels, tantôt ultra-libéraux tantôt catholico-réactionnaires, de plusieurs pays d’Amérique hispanique, dont l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature et candidat malheureux à la présidence de son pays il y a de cela de nombreuses années…

Parmi les signataires, la crème des anciens politiques conservateurs et réactionnaires, Aznar (Espagne), Macri (Argentine), Patricia Bullrich (Argentine), Uribe (Colombie). Le plus étonnant est de trouver dans cette liste de has-been l’actuel et tout nouveau président de l’Uruguay, Luis Lacalle Pou, qui a peut-être mieux à faire en ce moment… Ces 200 personnalités tirent à bout portant sur le danger que représenterait le populisme en ces temps de pandémie, le retour de l’État (comme si le marché concurrentiel était en mesure de lutter efficacement contre le danger qui menace le monde entier), plaident pour la reprise des activités économiques comme s’ils se mettaient dans la roue de Trump (heureusement, ils s’abstiennent de proposer des protocoles médicaux délirants) et tapent comme des sourds sur leurs sempiternelles bêtes noires, le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, dont les régimes dirigistes et autoritaires sont à l’opposé des idéaux dont ils se réclament.

En plein milieu de la crise, ces revendications aigres et hargneuses, d’autant plus surprenantes que la majorité des pays concernés sont dominés par une majorité de droite, semblent quelque peu intempestives et sont d’autant plus indécentes que tous les pays du monde sont logés à la même enseigne et doivent adopter les mêmes mesures dès que le virus fauche ses victimes dans leur population, qu’ils soient gouvernés par des néolibéraux comme la Grande-Bretagne, la France, le Chili ou la Grèce, par des gouvernements se réclamant de la gauche comme l’Argentine ou l’Espagne, des gouvernements s’inscrivant au centre ou en vaste coalition gauche-droite, comme l’Italie ou la Belgique, ou enfin par des gouvernements non-démocratiques, comme la Chine et Singapour. Il faut dire aussi qu'en Argentine, Alberto Fernández bénéficie d'un haut niveau de popularité, selon les différents sondages récents.

Seuls Página/12 (très opposé à cette pétition) et La Prensa (nettement moins) évoquent le sujet ce matin. Serait-ce un indice de l’indifférence de la droite « raisonnable », puisqu’elle ne manque pas, par ailleurs, d’agressivité contre la majorité actuelle en Argentine.

Pour aller plus loin :
lire l’article de La Prensa

Ajout du 26 avril 2020 :
Dessin de Paz et Rudy paru ce jour dans Página/12

Lui : Macri a signé un document qui critique "les gouvernements qui empêchent de travailler, de produire et qui manipule l'information"
Elle : Quelle autocritique courageuse !
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

jeudi 23 avril 2020

Marcos Mundstock est parti après une longue maladie [Actu]

Une des pages spectacles de La Nación aujourd'hui
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Aux yeux du public, Marcos Mundstock, c’est ce Monsieur Loyal qui, plein d’une pédante componction, intervenait pour présenter les différents numéros des récitals du groupe humoristique Les Luthiers : en habit ou en smoking, avec nœud-papillon, sérieux comme un pape, il suffisait qu’il entre en scène pour que la salle éclate de rire. Il portait un dossier à reliure de cuir rouge, visible depuis les derniers rangs, même dans les plus grandes salles du monde hispanophone, que le groupe remplissait régulièrement, et il l’ouvrait avant de se lancer dans des parodies hilarantes de discours musicologiques cuistres, dignes de ces commentateurs qu’on a pu connaître sur les ondes de France Musique (1), dont la fonction essentielle était sans doute de dégoûter la majeure partie de l’humanité de la musique classique et de l’opéra, cette musique élitiste qu’il ne fallait pas donner à la plèbe. Très pince sans rire, au milieu des fous rires de la salle, Mundstock dissertait sur un grand compositeur de son invention, Johann Sebastián Mastropiero, qui avait touché à tout : du classique, du baroque, du folklore argentin, de la salsa cubaine, du jazz de la Nouvelle-Orléans, de la chanson sentimentale française, du rock anglosaxon (avec des paroles en espagnol, bien sûr), de la musique religieuse, du sitar indien et bien sûr du tango.

Pieza en forma de tango
On entend le commentaire de Mundstock en voix off

Marcos Mundstock avait 77 ans et il y a un an, il s’était retiré de la scène en faisant savoir qu’il souffrait d’une tumeur cérébrale. Il avait fait, par visioconférence, une dernière apparition publique quelques jours plus tard à un congrès de la langue espagnole organisé par la Real Academia de España à Córdoba, en Argentine. Dans leurs fauteuils d’amphithéâtre académique, il avait laissé tous les congressistes morts de rire et pour longtemps (Página/12 republie cette prestation dans ses pages de ce jour).

La photo principale est pour les chiffonniers qui ont retrouvé
le droit de parcourir Buenos Aires pour récupérer les cartons
des commerces alimentaires et faire fonctionner
leurs coopératives dans les bidonvilles où ils habitent.
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Mundstock n’était pas musicien de formation mais animateur radiophonique (locutor). Au groupe Les Luthiers, il a apporté son jeu, sa diction, sa voix et ses textes ciselés. Allez sur le site Internet du groupe et sur sa chaîne You Tube et régalez-vous de ces présentations insensées, faussement assommantes et interrompues par des apartés hors sujet qui s’enchaînent les uns aux autres...

Educación sexual moderna
Pour une fois, le compositeur n'est pas Mastropiero mais un franciscain,
qui a composé un cantique en grégorien

Sa disparition aujourd’hui est d’autant plus triste que la pandémie interdit à ses compagnons de scène, aux artistes et au public de lui rendre hommage, lui dont, en d’autres temps, la veillée funèbre se serait tenue au Congrès, à Buenos Aires.

Au-dessus, le scandale d'un hospice gériatrique
où on déplore de nombreux morts du covid-19
dans le quartier chic de Belgrano (à Buenos Aires)
En bas : "Cette belle voix intelligente"
La photo montre Mundstock en Espagne
lorsque Les Luthiers ont reçu le prix Princesse des Asturies
il y a trois ans
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Le groupe Les Luthiers lui rend lui-même hommage sur sur son site Internet dont la page d’accueil se compose d’un fond noir sur lequel se détache un texte très simple, plein d’amitié et de tendresse.

El regreso del Indio
Je vous laisse découvrir la traduction en français
qui déraille au fur et à mesure que la chanson se déroule

Et cette fois-ci, il n’y a pas de fausse note dans la presse (2). Marcos Mundstock est à la une de tous les quotidiens qui lui consacrent tous, sauf La Prensa, plusieurs articles dans l’édition de ce matin (j’en ai compté cinq dans La Nación).

Une des pages culturelles de Página/12 dessinée par Miguel Rep
"La voix" dit le gros titre en route

La plus belle phrase est sans doute celle, à l’écriture très mundstockienne, qui conclut l’article principal de Página/12 :
"La carpeta roja queda en el atril. Johan Sebastián Mastropiero se queda mudo. Y nosotros, con este nudo en la garganta."

Le dossier rouge reste sur le pupitre. Johan Sebastián Mastropiero ne dit pas un mot. Et nous, nous avons ce nœud dans la gorge.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)

Pour en savoir plus :
En Uruguay :
lire l'article de El País
lire l'entrefilet de La República
lire l'article de El Observador (avec beaucoup de vidéos incluses)



(1) Heureusement, France Musique a abandonné ce ton insupportable il y a plusieurs années.
(2) Il faut reconnaître aussi qu’il n’était pas suspect de pencher à gauche ! En 2015, il avait appelé à voter Mauricio Macri, comme une petite minorité d’artistes et d’intellectuels.

mardi 21 avril 2020

L’Argentine pleure un artiste à tout faire : Horacio Fontova [Actu]

Le faire-part publié sur Twitter par l'Association Argentine des Acteurs

Depuis plusieurs années, il n’occupait plus l’avant-scène mais il restait actif et continuait de créer tout en se battant contre un cancer qui a fini par l’emporter hier, à l’hôpital, à l’âge de 73 ans.

"Nous sommes tous ses neveux", dit le gros titre
En haut, deux titre : sur le cours du pétrole et sur le plan
d'aide aux TPE et aux micro-entrepreneurs (monotributistas)

Fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’artiste, Horacio Fontova était un enfant de la balle, un artiste multi-cartes, à la fois auteur-compositeur-interprète, humoriste, fantaisiste, homme de radio, de télévision et de scène mais aussi dessinateur (il avait fait ses études à l’École Nationale des Beaux-Arts Manuel Belgrano) (1), illustrateur et écrivain (il avait publié un recueil de nouvelles en 2015 et en préparait un autre, qui reste inédit).
En musique, il a touché à tous les genres : le tango, le rock, le folklore, la salsa, la variété, la musique de film et de scène... Bref, tout !
Dans les années 70, il avait aussi mis en scène les versions argentines de comédies musicales hippies nord-américaines Hair et Jésus Christ Superstar.

Me siento bien, publié hier sur le canal Youtube
d'un quotidien d'actualité générale de San Lorenzo,
dans la banlieue de Rosario (Province de Santa Fe)

Il nous laisse de nombreux disques enregistrés avec ses diverses formations aux noms farfelus, comme Patada de Mosca (coup de pied de la mouche) ou Fontova y sus Sobrinos (Fontova et ses Neveux). L’un des plus célèbres de ces albums s’intitulait Me siento bien, du nom d’un des morceaux, dont un vers est repris tel quel par Daniel Paz sur la une qu’il a dessinée ce matin pour Página/12 (« malgré tout, je me sens bien » inscrit sur le t-shirt), une chanson aux rythmes caribéens et au texte caustique, comme tout le reste de sa production qui dénonçait tout ce qui allait de travers en Argentine et dans le reste du monde.

Clarín le montre en haut au centre,
avec ses grosses moustaches des années 70 et ce titre :
"Fontova - El Negro est parti en tournée",
une expression idiomatique pour désigner le dernier voyage
En dessous, le gros titre est consacré à la chute du cours du pétrole
(L'Argentine est un pays producteur
mais cette hiérarchie des sujets aurait sans doute inspiré notre regretté ami)
tandis que la photo met en valeur les enjeux scolaires du confinement
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

En tournée en Espagne, il avait même joué au sein du groupe de musiciens fantaisistes Les Luthiers pour remplacer l'un des membres attitrés.

Hommage ce matin de Miguel Rep dans Página/12
Avec son personnage du Niño Azul (l'enfant bleu)
Rep recopie in-extenso les paroles
de la Milonga del donante (la milonga du donneur d'organes)
une des chansons les plus achevées de Fontova
Clilquez sur l'image pour une haute résolution

Il part pendant la pandémie, alors que les obsèques doivent se faire dans la plus stricte intimité. Ces mesures restrictives touchent cruellement toutes les professions artistiques, car tous l’ont eu les uns pour confrère, d’autres pour partenaire, d’autres pour référence et d’autres pour modèle.

Fontova chanta la Milonga del donante,
au micro de Radio Nacional
en octobre 2016

La presse lui rend un hommage inégal : très appuyé dans Página/12 mais détestable dans La Prensa qui parvient à politiser l’événement en dénonçant le choix du président actuel qui a publié en mémoire du disparu une photo où on le reconnaît aux côtés du défunt président Néstor Kirchner. Rédaction incapable de faire taire ses griefs mesquins ! S’ils n’avaient rien à dire, ils auraient au moins pu avoir la décence de se taire et de ne pas traiter le sujet (2).

Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Clarín, qui intègre plusieurs vidéos
lire l’article principal de La Nación qui annonce une nécrologie classique en manchette sur la une et publie dans ses pages spectacles un texte d'adieu d'un des amis de Fontova.



(1) Parmi tous les apports que l’Argentine doit à Manuel Belgrano (1770-1820), il y a la première école de dessin qu’il monta avec l’aide d’un artiste espagnol attelé à la décoration de la toute nouvelle cathédrale (l’actuelle) aux belles heures du consulat de commerce, au cours de la dernière décennie de l’Ancien Régime.
(2) En une, ils ont préféré publier les vaticinations obscurantistes et nauséeuses de l'archevêque émérite de La Plata, Mgr Héctor Aguer, qui se fait de plus en plus caricatural avec l’âge et qui s’interroge sur le caractère de châtiment divin de la pandémie. Fontova lui aurait envoyé dans les gencives une de ces milongas cinglantes. Aguer ne l'aurait pas volée, celle-là !

lundi 20 avril 2020

Adieu à Gloria Arquimbau [Actu]

Gloria Arquimbau honorée par la profession
(à sa droite, son mari rajustant son chapeau)

En temps normal, cette triste nouvelle aurait été traitée par la plupart des quotidiens nationaux publiés à Buenos Aires mais nous ne sommes pas en temps normal et la danseuse Gloria Arquimbau s’en va dans le silence médiatique.

Seule La Prensa a publié une nécrologie sous la plume d’un danseur et non d’un journaliste de la rédaction.

Dans la colonne de gauche, en bas : Gloria dansant avec Eduardo
il y a de cela quelques mois
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Avec son époux Eduardo Arquimbau, Gloria a fait les beaux jours du spectacle et de l’enseignement du tango pendant plus de soixante ans. Leurs deux noms sont indissociables.

Le couple dans une tournée à ses débuts

Elle est décédée il y a une semaine, comme en fait foi le bref communiqué de l’AMBCTA, l’association des professeurs, danseurs et chorégraphes du tango argentin dont elle était une figure de proue.

Gloria et Eduardo Arquimbau en 2017
à la fin d'un plenario de la Academia Nacional del Tango
en hommage à Aníbal Troilo
On perçoit l'ambiance dans la bande son
A la fin de la vidéo, on entraperçoit Gabriel Soria
le président de l'institution en grande discussion
avec Gloria au sujet de ses chaussures !

Le couple s’est produit depuis les années 1960 avec tous les grands orchestres, ceux de Pugliese, de Canaro ou de Troilo, en tournées internationales comme à la télévision.

Le couple en 2013 dans le patio de sa maison de Buenos Aires

Dans ce silence, sa disparition est encore plus triste.

Pour aller plus loin :

jeudi 16 avril 2020

« Tio Rico », vous ne connaissez pas ? Mais si, mais si [Humour]

Oncle Picsou revu et corrigé pour la pandémie.


Miguel Rep, édition de ce jour de Página/12

Vous comprenez tout seuls ? Rico = riche. Tio = oncle.
Devinette : que peut bien vouloir dire « riqueza » ?

Avec la crise sanitaire, l’inflation reprend du poil de la bête ! [Actu]

Synthèse du rapport.
en haut, les chiffres du mois
au milieu, les taux mensuels
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Comme on pouvait s’y attendre, malgré les deux mois d’amélioration très nette depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité, les mesures de confinement et le ralentissement considérable de l’économie qui s’en est suivi viennent de relancer l’inflation en Argentine, d’autant plus facilement que le mois de mars correspond aussi à la rentrée des classes, traditionnellement propice aux augmentations pour les fournitures scolaires et tout ce qui va avec. Les calculs concernent les prix de vente au détail.

Variations du taux annuel calculé mois par mois d'avril 19 à mars 20
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

L’INDEC vient de dévoiler les chiffres du mois de mars : + 3,3 % en moyenne générale, contre 2,3 % en janvier puis 2 % en février. Cela donne une augmentation interannuelle, d’avril à mars, d’un peu plus de 48 % (alors que le taux effectif pour 2019 était d’un peu plus de 53%).

Les résultats demeurent malgré tout encourageants puisque la variation sur 12 mois d’avril à mars reste meilleure que toutes celles enregistrées mensuellement depuis un an.

Inflation des prix au détail par catégorie de produits
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Ces chiffres paraissent au moment où les ministres de l’Économie du G20 se retrouvent en visio-conférence où une majorité d’entre eux s’accordent sur des mesures de soutien à leurs économies gelées par la pandémie (on sait que les États-Unis et le Brésil mènent des politiques quelque peu déconcertantes) - voir à ce sujet l’article de Página/12.

Les commentaires sont différents selon la couleur idéologique du quotidien qui les publie. La Prensa s’est contentée d’un entrefilet, les autres développent.

Pour aller plus loin :
lire le rapport de l’INDEC (21 pages en pdf téléchargeable)

La fierté d’être une compagnie aérienne publique [Actu]

Aerolíneas Argentinas a retrouvé le giron de la République argentine il y a quelques années, après avoir frôlé la disparition sous la gestion privée du groupe espagnol Marsans (qui a fait faillite peu après). Par la suite, l’entreprise a été mise en danger par la politique de Mauricio Macri qui ne croit qu’au marché, pas du tout au service public, lui a préféré des compagnies étrangères pour tous ses voyages officiels et privés à l’étranger et a viré la première présidente qu’il avait mise en place alors qu’elle faisait du bon boulot.

L'équipage du vol vers la Chine (image diffusée sur Whatsapp)

Depuis le début de la crise sanitaire, le personnel de la compagnie affiche sa fierté de servir le pays depuis les messages d’accueil des commandants de bord lors des vols de rapatriement de compatriotes bloqués aux quatre coins du monde, largement diffusés sur les réseaux sociaux par des passagers reconnaissants, jusqu’à cette interview accordée à Página/12 par un équipage qui accomplit actuellement une mission de 55 heures à bord d’un Airbus 330 pour aller chercher en Chine 13 tonnes de matériel médical (1).

Ce vol est quatre fois plus long que le plus long trajet opéré en temps normal par la compagnie.

L’interviewé (au milieu) vole actuellement à bord. C’est le secrétaire-général du syndicat argentin des pilotes de ligne. Il est l’un des nombreux volontaires qui effectuent les missions extraordinaires de la compagnie, au service du pays, à un moment où les frontières sont fermées pour tous les trafics de passagers, que ce soit en avion, par la route, par les fleuves ou par voie maritime.

Dans une Union Européenne dominée depuis des décennies par le dogme du marché, c'est une leçon à retenir.

Ajout du 18 avril 2020 :
Cette première mission spéciale covid-19 s'est terminée tôt ce matin (heure de Buenos Aires). Avec un véritable enthousiasme patriotique, elle a été suivie par l'ensemble de la presse durant les trois derniers jours. Elle aura finalement duré 62 heures.
Lire l'article de Página/12


(1) On espère qu’il ne sera pas vendu au plus offrant sur le tarmac de l’aéroport d’expédition.
Le pilote s'abstient d’ailleurs de donner le moindre détail sur la nature des marchandises transportées.

mercredi 15 avril 2020

« Il était une fois un pauvre petit virus » – pour faire réfléchir dans les chaumières [Humour]

Comme il sait si bien le faire, Daniel Paz croise les thèmes d’actualité et cela donne une réflexion géniale sur deux tragédies bien réelles fondue en une seule imaginaire : la pandémie et les migrants, dont la situation s’est encore aggravée avec l’apparition du sars-cov.2.

Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

"Je suis un virus tout simple et sans grande prétention. Je ne cherche qu’un endroit où je pourrais m’en sortir. Depuis toujours, mon peuple a vécu chez les pangolins et autres mammifères sauvages. Ce sont eux, notre patrie. C’est là que nous avons grandi et nous sommes multipliés pendant de nombreuses années. Mais ces derniers temps, quelque chose a changé. Beaucoup de mammifères se sont éteints et ça a été de plus en plus difficile de trouver un endroit pour vivre. Par exemple, il y a de moins en moins de pangolins. Ils sont chassés par un mammifère plus grand et plus vorace. Cette espèce de mammifère prédateur, loin de s’éteindre, se développe de plus en plus. C’est très dur pour moi de devoir quitter ma terre mais ici, il n’y a plus d’avenir. Ce doit être le moment d’émigrer et de tenter ma chance chez les humains."

"Cher journal, c’est ainsi que tout a commencé."
Traduction © Denise Anne Clavilier

Cela vous a plu ?
Retrouvez l’artiste sur son blog : danielpaz.com.ar.

mardi 14 avril 2020

Sourire du jour (partisan et très vachard - bis) [Humour]

C’est la vignette en manchette de la une de Página/12.
Elle est signée par Daniel Paz pour le dessin et Rudy pour le texte.
Ils tapent dur, très dur même, mais c’est loin d’être faux.


Macri (toujours sur son emblématique chaise longue sur laquelle il s’est montré sur les réseaux sociaux pendant son mandat présidentiel à chaque fois qu’il prenait des vacances) : C’est terrible, ce qu’est en train de faire [Alberto] Fernández ! (1).
Son correspondant de l’autre côté de la connexion Skype : Qu’est-ce qu’il fait ?
Macri : Rien que des bonnes choses (2).
Traduction © Denise Anne Clavilier



(1) L’actuel président, son successeur et adversaire politique.
(2) D’après les sondages, l’action politique du président lui vaut une grosse cote de popularité et de confiance. Lire à ce sujet l’article de Página/12.

Dans les secteurs maintenus en activité, le covid-19 sera reconnu comme maladie professionnelle [Actu]

Les assurances qui couvrent la santé professionnelle en Argentine (Assurances des Risques du Travail) doivent couvrir les salariés qui travaillent dans les secteurs que le gouvernement a exemptés de confinement pour que l’économie nationale ne soit pas complètement étouffée.

Si ces travailleurs contractent le covid-19, l’affectation devra être considérée comme une maladie professionnelle avec toutes les conséquences qu’entraîne cette qualification en terme de protection de la personne.

Au-delà des prestations assurantielles, les ART exercent aussi les missions incombant en France à la médecine du travail. C’est l’employeur qui s’assure auprès de la compagnie pour couvrir ses salariés.

Parmi les grands quotidiens généralistes nationaux, seul Página/12 rend compte de cette information capitale pour les salariés.

Técnopolis se transforme en hôpital de campagne [Actu]

"On réfléchit à assouplir le confinement dans les villes
où il n'y a pas d'infectés", dit le gros titre
au-dessus d'une photo du hall de Técnopolis déjà transformé
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

L’armée (1) et la Croix-Rouge argentines viennent de se déployer pour monter un hôpital de campagne dans un des halls d’exposition qui accueille d’ordinaire le parc thématique scientifique et technologique Técnopolis, fermé pour cause de confinement, comme tous les musées et autres lieux culturels.

Cette installation de 2.452 lits répartis en 821 boxes est destinée à recevoir des convalescents du covid-19 ainsi que des malades qui n’ont pas besoin des soins intensifs mais doivent être surveillés et isolés hors de leur domicile, le tout pour éviter la congestion des hôpitaux. Le contrôle de conformité est prévu dans deux semaines. Le centre servira à la capitale fédérale ainsi qu’au Gran Buenos Aires, l’une des deux régions fortement atteintes par l’épidémie. Un médecin et trois infirmiers s’y occuperont de 150 patients. Les équipes vivront un roulement par vingt-quatre heures. Avant d’être converti en hôpital, Técnopolis accueillait une exposition sur les inventions mécaniques de Léonard de Vinci à l’occasion des 500 ans de sa mort.

En Argentine, l’épidémie continue sa progression mais celle-ci est plus lente qu’en Europe atlantique. Au moment où je publie cet article, elle a fait 102 morts (2) depuis le premier diagnostic, il y a environ 6 semaines. Chose inhabituel dans un pays qui vit toujours dans l’improvisation, il s’organise actuellement avec une anticipation étonnante puisque, à cette heure, seuls 5 % des places en soins intensifs sont occupés (3).

Le parc thématique dépend du ministère de la Culture. Avant que les militaires l’investissent, celui-ci a reçu la visite d’un trio gouvernemental composé des ministres de la Santé, de l’Intérieur et de la Culture. Le président y est allé faire un point de situation. La ministre de la Sécurité se charge de mettre le lieu sous protection policière et le ministre de l’Écologie et du Développement durable de l’alimenter en électricité.
Cette mise en place bénéficie de nombreuses coopérations politiques de tous bords : la Province de Misiones a livré le bois pour les cloisons, la ville de Vicente López sur le territoire de laquelle s’élève Técnopolis met en place la collecte des déchets (or elle est dirigée par Jorge Macri, un cousin germain de Mauricio Macri), la Province de Buenos Aires (gouvernée à gauche) et la capitale fédérale (gouvernée à droite) siègent ensemble dans le même comité de coordination qui travaillera tant que durera l’opération.

Ce qui est en train de se passer n’a pas d’équivalent depuis la guerre d’indépendance, il y a 200 ans ! En Argentine aussi, il y aura donc un avant et un après politique et peut-être aussi culturel à cette crise majeure.

Le caractère exceptionnel de l’opération donne des articles qui se ressemblent avec un choix très réduit de photos, qui se répètent d’un titre à l’autre. Là non plus, ce n’est pas fréquent !

Pour en savoir plus :
lire l’article de La Nación (qui annonce aussi ailleurs qu’il y aura en Argentine des tests rapides pour mesurer la circulation du virus).



(1) L’armée argentine a une certaine expertise en la matière dans la mesure où elle participe beaucoup aux opérations Casques Bleus depuis très longtemps.
(2) En Argentine, les décès sont publiés tout au long de la journée. Le chiffre évolue donc en permanence.
(3) Il est vrai que ce taux d’occupation n’est pas homogène sur l’ensemble du territoire. Le taux dans le Gran Buenos Aires doit être très largement supérieur.

lundi 13 avril 2020

Les espions de San Martín avaient de l’humour et du talent ! [Humour]

Avant le confinement, le CECUPE (Centre culturel du Pérou) avait entamé la préparation du bicentenaire de l’indépendance du pays sous le nom de Camino al Bicentenario. En partenariat avec le Souvenir Napoléonien, je devais à la fin du mois de mars donner une conférence sur les deux phases de la campagne d’émancipation continentale de San Martín (1) à la Fondation Napoléon à Paris. Ce n’est que partie remise mais quand ? Cela reste un mystère et cela risque d’en rester un pendant encore assez long temps puisque l’épidémie est longue à se résorber.


Vue de Lima depuis le terrain de tauromachie,
par Fernando Brambila, en juin 1793 
(3)

Dans cette geste sanmartinienne qui a marqué l’histoire de l’Argentine, du Chili et du Pérou, la guerre psychologique a joué un rôle crucial pour que la cause révolutionnaire finisse par abattre l’Ancien Régime : le général San Martín (1778-1850) a su manipuler le vice-roi du Pérou, le dernier fonctionnaire impérial à défendre le système colonial vermoulu dix ans après le début de la révolution sud-américaine, don Joaquín de La Pezuela (1761-1830), un officier général qui affichait de très beaux états de service au feu.
C’est lui en particulier qui infligea ses plus cruelles défaites à Manuel Belgrano (2), à Vilcapugio, le 1er octobre 1813, et à Ayohuma, le 14 novembre de la même année, sur un haut-plateau, à 4.000 d’altitude, dans l’actuelle Bolivie qu’on appelait encore le Haut-Pérou. En récompense, Pezuela fut nommé vice-roi de Lima en 1816 et San Martín s’efforça alors de lui faire prendre des vessies pour des lanternes afin d’affaiblir la résistance de l’armée royaliste qu’il risquait de rencontrer d’abord au Chili (1817-1818) puis au Pérou (1820-1821).

Pezuela à Lima alors qu'il était vice-roi
Tableau de Juan Jayo y Mariano Carrillo,
conservé au Museo Nacional de Arqueología,
Antropología e Historia del Perú (Lima)

Dans cette guerre de sape (guerra de zapa), San Martín avait des agents sur place qui ne ménageaient pas leurs efforts pour discréditer le pouvoir vice-royal. Pendant le siège de Lima, qu’il mena de sorte à ce que les Limègnes se rendent à sa politique par raison plutôt qu’à la suite d’un combat sanguinaire qui aurait saigné la région tout en renforçant les résistances idéologiques des Péruviens, ses espions, des résistants de l’intérieur, tous républicains convaincus, firent tourner en bourrique les autorités civiles, militaires et religieuses en place à Lima.

Voici, ci-dessous, l’une de leurs opérations rapportée dans le journal de l’expédition libératrice du Pérou, qui était partie le 20 août 1820 du port de Valparaíso, à 90 km de Santiago du Chili, et présentée dans San Martín par lui-même et par ses contemporains, que j'ai publié aux Editions du Jasmin (cliquez sur les deux images pour une résolution de lecture).

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Cliquez sur l'image pour une haute résolution

Pendant le confinement, vous pouvez continuer à acheter mes livres en vous adressant à des librairies de quartier, puisqu’un certain nombre d’entre elles ont mis en place des services de commande-livraison, ou au portail Les Libraires.fr fondé à l’instigation des grandes institutions du secteur du livre en France (4) et, à défaut de ces deux solutions, en passant par l’éditeur, qui pourra vous guider dans vos démarches (www.editions-du-jasmin.com).




San Martín par lui-même et par ses contemporains est disponible en format papier et en format numérique.



(1) Cette année, l’Argentine comme le Pérou commémore les 160 ans de la mort de San Martín, qui a rendu son dernier souffle, le 17 août 1850, à Boulogne-sur-Mer. La maison où il habitait est devenu un musée argentin placé sous les ordres de l’ambassadeur.
(2) Voir Manuel Belgrano – L’inventeur de l’Argentine, que j’ai publié en début d’année aux Éditions du Jasmin (France) et qui a été présenté à l’Ambassade argentine le 27 février 2020, en partenariat avec l’Instituto Nacional Belgraniano et le Souvenir Napoléonien.
(3) Fernando Brambila était un peintre italien qui embarqua en 1789 dans l’expédition maritime autour du monde commandée par Alejandro Malaspina, une expédition scientifique qui devait rivaliser avec celle de La Pérouse et qui rentra à Cadix à la fin de l’année 1794. Comme l’Espagne était alors engagée dans la guerre de la Première Coalition, le trésor des documents rapportés ne fit pas l’objet d’une publication du vivant des participants. Cette documentation géographique, géologique, ethnographique, botanique et zoologique est aujourd’hui conservée au Museo Naval de Madrid, qui en a publié un catalogue critique en cinq tomes, disponible sur le site culturel du ministère de la Défense espagnol.
(4) Pour éviter qu’Amazon détruise le marché dans notre pays et tue notre vitalité et notre diversité culturelle.

Página/12 défend le retour de l’interventionnisme d’État et La Prensa emploie l'artillerie lourde [Actu]

"L'Etat, c'est la bouée de sauvetage", dit le gros titre
cliquez sur l'image pour une meilleure résolution

Hier, dimanche, Página/12 publiait son supplément économique, Cash. Le quotidien de gauche y fait un plaidoyer en faveur du retour de l’État dans l’économie, un retour dont la pandémie montre assez bien la légitimité pour assurer la sécurité physique des citoyens, après quatre ans d’un régime ultra-libéral et de politique d’austérité avec destruction du service public dans des domaines essentiels pour l’avenir d’un pays comme la recherche, la santé, l’éducation et la culture.

Le supplément est illustré de cette très une très inventive qui montre le soleil de Mai (dit aussi Soleil de l’Inca, ou Inti) qui resplendit au centre du drapeau national tandis que la bouée portent ses couleurs, le blanc et le bleu ciel.

De son côté, toujours aussi hargneuse, La Prensa publie un éditorial qui laisse pantois : l’auteur y réclame le retour au libéralisme de tradition anglophone (illustré par une photo de Trump en train de faire son numéro quotidien dans la salle de presse de la Maison Blanche) « pour sauver le monde de deux virus » (rien que ça !) et accuse les grands philosophes des Lumières françaises, en particulier Rousseau et Voltaire, d’avoir préparé les esprits à plonger tout à la fois dans le nazisme et dans le communisme léniniste ! Il faut le faire : renier en même temps la doctrine sociale de l’Église (or le quotidien prétend défendre le catholicisme) et envoyer dans l’enfer de l’histoire les pères fondateurs de l’Argentine, tous fervents lecteurs et même parfois traducteurs de ces deux auteurs (Belgrano, San Martín, Moreno, Paso, Chorroarín, je vous en passe).
De surcroît, du point de vue historique et philosophique, cet éditorial développe une théorie délirante.

Pour aller plus loin :

dimanche 12 avril 2020

Sourire écolo pour dimanche de Pâques singulier [Humour]

Vous vous souvenez sans doute de ces eaux transparentes de la lagune de Venise désertée par les hordes de touristes et délaissée par les Vénitiens confinés comme le reste de leur province, l’une des plus durement frappées par l’épidémie ?

Le 9 avril, Daniel Paz, sur son blog et sur Página/12, nous offrait cette simple méditation.

(c'est joli, vu comme ça, mais c'est seulement pour les poissons !)

En peu de jours, l’eau des canaux est redevenue transparente et les poissons se sont demandé : « Ce virus, c’est la maladie ou le remède ? »
Traduction © Denise Anne Clavilier

Le même interrogation vaut pour deux merveilles argentines ultra-touristiques : les chutes d’Iguazú dans le nord et le glacier Perito Moreno, dans le sud. Avec le même dilemme économique.