mardi 21 avril 2020

L’Argentine pleure un artiste à tout faire : Horacio Fontova [Actu]

Le faire-part publié sur Twitter par l'Association Argentine des Acteurs

Depuis plusieurs années, il n’occupait plus l’avant-scène mais il restait actif et continuait de créer tout en se battant contre un cancer qui a fini par l’emporter hier, à l’hôpital, à l’âge de 73 ans.

"Nous sommes tous ses neveux", dit le gros titre
En haut, deux titre : sur le cours du pétrole et sur le plan
d'aide aux TPE et aux micro-entrepreneurs (monotributistas)

Fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’artiste, Horacio Fontova était un enfant de la balle, un artiste multi-cartes, à la fois auteur-compositeur-interprète, humoriste, fantaisiste, homme de radio, de télévision et de scène mais aussi dessinateur (il avait fait ses études à l’École Nationale des Beaux-Arts Manuel Belgrano) (1), illustrateur et écrivain (il avait publié un recueil de nouvelles en 2015 et en préparait un autre, qui reste inédit).
En musique, il a touché à tous les genres : le tango, le rock, le folklore, la salsa, la variété, la musique de film et de scène... Bref, tout !
Dans les années 70, il avait aussi mis en scène les versions argentines de comédies musicales hippies nord-américaines Hair et Jésus Christ Superstar.

Me siento bien, publié hier sur le canal Youtube
d'un quotidien d'actualité générale de San Lorenzo,
dans la banlieue de Rosario (Province de Santa Fe)

Il nous laisse de nombreux disques enregistrés avec ses diverses formations aux noms farfelus, comme Patada de Mosca (coup de pied de la mouche) ou Fontova y sus Sobrinos (Fontova et ses Neveux). L’un des plus célèbres de ces albums s’intitulait Me siento bien, du nom d’un des morceaux, dont un vers est repris tel quel par Daniel Paz sur la une qu’il a dessinée ce matin pour Página/12 (« malgré tout, je me sens bien » inscrit sur le t-shirt), une chanson aux rythmes caribéens et au texte caustique, comme tout le reste de sa production qui dénonçait tout ce qui allait de travers en Argentine et dans le reste du monde.

Clarín le montre en haut au centre,
avec ses grosses moustaches des années 70 et ce titre :
"Fontova - El Negro est parti en tournée",
une expression idiomatique pour désigner le dernier voyage
En dessous, le gros titre est consacré à la chute du cours du pétrole
(L'Argentine est un pays producteur
mais cette hiérarchie des sujets aurait sans doute inspiré notre regretté ami)
tandis que la photo met en valeur les enjeux scolaires du confinement
Cliquez sur l'image pour une haute résolution

En tournée en Espagne, il avait même joué au sein du groupe de musiciens fantaisistes Les Luthiers pour remplacer l'un des membres attitrés.

Hommage ce matin de Miguel Rep dans Página/12
Avec son personnage du Niño Azul (l'enfant bleu)
Rep recopie in-extenso les paroles
de la Milonga del donante (la milonga du donneur d'organes)
une des chansons les plus achevées de Fontova
Clilquez sur l'image pour une haute résolution

Il part pendant la pandémie, alors que les obsèques doivent se faire dans la plus stricte intimité. Ces mesures restrictives touchent cruellement toutes les professions artistiques, car tous l’ont eu les uns pour confrère, d’autres pour partenaire, d’autres pour référence et d’autres pour modèle.

Fontova chanta la Milonga del donante,
au micro de Radio Nacional
en octobre 2016

La presse lui rend un hommage inégal : très appuyé dans Página/12 mais détestable dans La Prensa qui parvient à politiser l’événement en dénonçant le choix du président actuel qui a publié en mémoire du disparu une photo où on le reconnaît aux côtés du défunt président Néstor Kirchner. Rédaction incapable de faire taire ses griefs mesquins ! S’ils n’avaient rien à dire, ils auraient au moins pu avoir la décence de se taire et de ne pas traiter le sujet (2).

Pour aller plus loin :
lire l’article principal de Clarín, qui intègre plusieurs vidéos
lire l’article principal de La Nación qui annonce une nécrologie classique en manchette sur la une et publie dans ses pages spectacles un texte d'adieu d'un des amis de Fontova.



(1) Parmi tous les apports que l’Argentine doit à Manuel Belgrano (1770-1820), il y a la première école de dessin qu’il monta avec l’aide d’un artiste espagnol attelé à la décoration de la toute nouvelle cathédrale (l’actuelle) aux belles heures du consulat de commerce, au cours de la dernière décennie de l’Ancien Régime.
(2) En une, ils ont préféré publier les vaticinations obscurantistes et nauséeuses de l'archevêque émérite de La Plata, Mgr Héctor Aguer, qui se fait de plus en plus caricatural avec l’âge et qui s’interroge sur le caractère de châtiment divin de la pandémie. Fontova lui aurait envoyé dans les gencives une de ces milongas cinglantes. Aguer ne l'aurait pas volée, celle-là !