Un certain nombre de faits divers, repris et parfois même exploités par la presse et diverses associations militantes, sont en train de faire bouger les lignes de la morale traditionnelle en Argentine. Des cas d'avortement non autorisé (par les tribunaux) (1) pour des très jeunes filles victimes d'inceste ou de viol, qui ont lancé un débat très actif sur la légalisation de l'avortement, un débat déjà bien engagé en Uruguay depuis plusieurs années. Des cas d'acharnement thérapeutique ont aussi travaillé les consciences, dans un mélange toujours très ambigu entre torrent compassionel et réflexion éthique et médicale.
Toujours est-il qu'avant-hier, le Sénat argentin a voté, à l'unanimité, la loi qui permettra aux médecins de ne pas se lancer dans des thérapies inutiles ou d'arrêter des protocoles si le malade est en phase terminale et a manifesté sa volonté dans ce sens. La loi prévoit aussi qu'à défaut du patient, qui pourrait avoir perdu la conscience ou la capacité de s'exprimer, sa famille peut faire la même demande. Enfin, elle prévoit que tout un chacun puisse prendre par avance des dispositions à appliquer si un jour il se trouve hors d'état de manifester sa volonté.
La loi est connue en Argentine sous le nom de ley de muerte digna (loi de la mort dans la dignité). Il ne s'agit pas à ce jour d'une dépénalisation de l'euthanasie.
Pour aller plus loin :
lire l'article principal de Página/12 (qui propose plusieurs articles sur ce vote, à partir de points de vue différents, médecins, moralistes, militants...)
lire l'article de Clarín
(1) En Argentine, l'avortement est un crime, comme dans tous les pays d'Amérique Latine. Pour des raisons médicales, physiques ou psychologiques, on peut demander à la justice une autorisation d'avorter, appelé aborto no punible (avortement non punissable). Néanmoins, on a vu ces dernières années plusieurs juges refuser cette autorisation dans des cas qui scandalisent une grande partie de l'opinion publique, parce qu'il s'agit de petites filles de moins de 15 ans, dans des familles particulièrement défavorisées. Ces situations dramatiques ne touchent pas les familles privilégiées, qui font appel à l'avion plutôt qu'à la justice. Les fillettes avortent discrètement aux Etats-Unis, en Espagne ou dans le reste de l'Europe, avec ou sans suivi psychologique à leur retour dans leur pays. Et cette inégalité de fait, cette hypocrisie de l'argent, renforce la revendication d'une modification de la loi chez les militants de gauche, que ce soit dans les partis ou les activités sociales.