Aujourd'hui, les passionnés d'histoire savent qu'il y a deux cents deux ans, et c'était aussi un mardi, le dernier vice-roi du Río de la Plata, don Baltazar Hidalgo de Cisneros, l'un des rares amiraux espagnols à avoir survécu à Trafalgar en 1805, convoquait une assemblée générale de tous les notables (vecinos) de la ville, ce qu'on appelait alors un cabildo abierto (hôtel de ville ouvert), comme il était d'usage lorsqu'une situation exceptionnelle exigeait une prise de décision rapide et donc indépendante du pouvoir de la distante métropole (voir mon article du 22 mai 2010 à ce sujet).
La situation exceptionnelle veanit d'être créée par la nouvelle arrivée quelques jours plus tôt au port de Buenos Aires : le Conseil de Régence, installé à Cadix, était tombé au début de l'année, livrant ainsi l'Espagne à l'envahisseur français et à l'usurpateur qu'était Joseph Bonaparte, sans plus aucune institution légitime correspondant à la tradition espagnole, sauf ce qui restait sur pied de l'armée loyaliste, avec des régiments qui se recomposaient avec toujours de moins en moins d'hommes entraînés et de plus en plus de volontaires, dont le courage ne parvenait pas à pallier le manque d'expérience professionnelle. Le vice-roi s'était fait violence pour réunir cette assemblée dont il craignait fort les éventuelles décisions, sa propre légitimité étant fort contestée puisque, depuis son arrivée moins d'un an auparavant, il agissait en parfait petit despote même pas éclairé.
A l'heure où le monde compatit avec une Espagne ravagée par le chômage, la désindustrialisation et une politique de rigueur qui assèche complètement la demande, Miguel Rep, peintre, humoriste et dessinateur de presse que mes lecteurs apprécient, revient sur l'ordre du monde et ses viccisitudes... Cela fait un bon moment qu'il joue avec ces idées-là presque tous les jours à la une de Página/12 sans que je trouve le temps de tout relever. Alors, aujourd'hui, pour ce coup de chapeau à l'histoire !
Un cabildo abierto ? Ne t'en mêle pas, mon garçon. Jamais l'Espagne ne tombera. Jamais l'Europe ne tombera. Crois plutôt ce que j'en dis. Ne t'en mêle pas, mon garçon.
(Traduction Denise Anne Clavilier)
Et au loin, dans un jaune éclatant et lumineux, on voit les symboles de la Révolution de Mai, ce Cabildo de Buenos Aires, alors entier (il n'a plus que 5 arches sur les 11 dont il disposait à l'origine), et le soleil frappé au centre du drapeau national comme sur le drapeau de l'Armée des Andes, que dessina José de San Martín. Ce qu'on ne voit pas, c'est la pluie, car cette Semana de Mayo fut une semaine de temps pourri, où l'orage le disputait au crachin automnal.