vendredi 4 mai 2012

YPF exproprié : Cristina en fille de Mai (1810) [Actu]


Après un vote très largement en faveur de l'expropriation de la majorité du capital d'YPF en la possession du géant pétrolier espagnol Repsol au Sénat argentin, il y a une dizaine de jours, la Chambre des Députés a approuvé hier le projet de loi qui permet au pays de récupérer l'exploitation des gisements et des raffineries situés sur son territoire. La mesure a été acquise par 207 votes pour, 32 contre et 6 (ou 5) abstentions (1).


Déjà au Sénat, le même projet de loi avait été voté haut-la-main. La même union nationale avait été observée, il y a 4 ans, lors de la renationalisation de la compagnie d'aviation Aerolineas Argentinas. La présente loi sera sanctionnée par la Présidente dès aujourd'hui et publiée dans la foulée au bulletin officiel pour que l'Argentine passe aussitôt à la phase pratique de l'expropriation, à laquelle le Gouvernement espagnol, empêtré dans la terrible crise qui ravage la Péninsule, oppose beaucoup moins d'agressivité qu'au lendemain de l'annonce.


Seule fausse note, à en croire La Nación, à la fin de la séance, les députés de la majorité kirchneriste ont entonné la Marcha Peronista, sous le nez des membres de l'opposition qui venaient, non sans abnégation patriotique, de les rejoindre dans le scrutin. Quitte à revendiquer la souveraineté nationale sur l'ensemble des ressources du territoire, ils auraient été mieux inspirés de choisir l'hymne national. Les élus argentins n'ont pas encore acquis tous les bons réflexes de respect de l'autre qui s'imposent en démocratie...

Tous les journaux titraient ce matin sur ce vote historique et aucun n'affiche cette fois-ci son opposition à la mesure, contrairement à ce qui s'était passé à la mi-avril, lors de l'annonce du projet par la Présidente. Sans doute une preuve que l'opinion publique la soutient massivement.

Rudy et Daniel Paz, les deux joyeux lurons de la une de Página/12 en profitent pour nous faire rire avec un clin d'oeil à cet élément fondateur du roman national qu'est la guerre d'indépendance contre l'Espagne, entamée avec la Révolution de Mai 1810 (Revolución de Mayo), dont l'Argentine continue à fêter le bicentenaire, jusqu'au 9 juillet 2016, pour les 200 ans de la déclaration formelle d'indépendance.



Le cacique madrilène : L'expropriation de YPF n'est pas quelque chose de nouveau.
Le journaliste : Que me dites-vous là ?
Le cacique : Il y a quelques années, profitant que Napoléon nous avait envahis, ces gens-là nous ont pris quelques terrains que nous avions.
(Traduction Denise Anne Clavilier)

Et voilà comment Cristina Fernández de Kirchner se fait consacrer digne héritière de l'esprit de Mayo ! Comme quoi, la ressemblance que j'avais détectée en avril entre la phraséologie de la presse actuelle avec celle de la presse madrilène et portègne des années 1810 n'était pas un mirage de lecture de ma part... (cf. mon article du 17 avril 2012 à ce sujet).

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12
lire l'article de Clarín
lire l'article de La Nación
lire l'article de La Prensa
lire la dépêche de Telam
Visiter le site Internet de la Chambre des Députés de la Nation argentine.

(1) Le chiffre varie en fonction des journaux consultés. Et le site Internet de la Chambre des Députés a 15 jours de retard par rapport aux séances dans sa mise à jour. Le site de l'agence Telam reproduit le tableau électronique de la séance et on y voit clairement le chiffre de 6 abstentions ainsi que celui des absences, plutôt basses (seulement 11 députés avaient fait la chambre buissonnière, nouveau signe que tout le personnel politique argentin a pris l'affaire très au sérieux).