lundi 7 mai 2012

Les journaux rioplatenses célébrent la victoire de François Hollande [Actu]


De toutes les éditions de ce matin, de part et d'autre du Río de la Plata, la réaction la plus significative à ce qui vient de se passer en France est une déclaration du ministre délégué uruguayen aux affaires étrangères, dans La República (LR 21), qui se félicite de la victoire de François Hollande à l'élection présidentielle française et en espère beaucoup pour les relations internationales. On se rappelle qu'à l'avant-dernière réunion du G20, Nicolas Sarkozy avait profondément offensé le gouvernement de ce petit pays d'Amérique Latine en lançant des insinuations sur son caractère de paradis fiscal alors que l'Uruguay déploie de nombreux efforts, sous l'actuelle présidence de Pepe Mujica, pour assainir ses relations financières et économiques avec ses voisins immédiats et plus lointains (notamment européens) sans succomber à la crise économique qui affecte le monde occidental (et pas seulement occidental d'ailleurs). J'en avais rapporté quelques éléments en son temps (voir mon article du 9 novembre 2011).

L'autre quotidien qui se frotte les mains, et ça ne surprendra pas les lecteurs de ce blog, c'est bien entendu Página/12, qui fait même de l'élection du candidat socialiste sa une de ce matin. Avec une allusion dans le gros titre à La Vie en rose dont les Argentins ont dû entendre la mélodie jouée à l'accordéon corrézien, au coeur de Tulle, à la télévision et en direct (le décalage horaire mettait l'événement en plein après-midi, après l'asado ou la pasta du déjeuner dominical !).

Ce qui est assez remarquable, c'est que même la presse de droite, notamment La Nación, qui se contente de reproduire une dépêche de l'AFP, regarde d'un oeil favorable cette France qui se débarrasse de Sarkozy, lequel avait décidément une très fâcheuse image dans de nombreux pays étrangers, et du même coup remet en cause les politiques d'austérité, façon FMI, soutenues jusqu'au dernier moment par le couple Merkozy, fort peu aimé pour son manque d'empathie et de solidarité avec l'Italie, l'Espagne et, pire encore, la Grèce, trois pays dont de nombreux rioplatenses se sentent très proches puisqu'une grande partie de leurs aïeux, arrivés dans les années 1880-1930, venait de ces contrées.

Et presque tous les titres soulignent le discours de Nicolas Sarkozy en signalant la dignité inhabituelle des propos, pour une fois fair-play et à la hauteur de l'enjeu démocratique. Ils ne rapportent pas les dérapages que le candidat battu n'a pas pu s'empêcher de commettre, même à ce moment-là de sa carrière. Ils parlent en revanche des réactions d'une partie du public réuni à la Mutualité dont les pleurs, les cris, les insultes hurlées à l'intention des socialistes ont visiblement frappé les journalistes sud-américains (et il n'y a pas qu'eux). De l'autre côté, ils notent aussi les sifflets qui ont salué le nom du président sortant sur la place de la Cathédrale à Tulle.

Les interprétations de l'événement et des déclarations faites hier soir sont parfois insuffisantes, comme l'article de Clarín qui limite aux affrontements de la campagne électorale l'appel à la réconciliation nationale et à la tolérance lancée par le futur Président tant en Corrèze (que tous les Argentins et les Uruguayens découvrent pour l'occasion, avec ses petites rues étroites empruntées par un cortège automobile démesuré et les vieilles bâtisses qui les longent) que sur la place de la Bastille, plus tard dans la nuit. Alors que cet appel couvre tout ce qui s'est passé au cours du mandat du président sortant.


Quant à la splendide photo, ci-dessus, choisie par La República, admirez la connaissance qu'il faut avoir de l'histoire de France pour la retenir et tout ce qu'elle contient comme messages symboliques par rapport à ces vieux modèles de la révolution qui marquent autant l'imaginaire populaire là-bas et ici, en France... Lumière de grand soir et d'orage, dates qui n'ont jamais été aussi lisibles, drapeaux (on se croirait dans un Delacroix) et jusqu'au jeune homme au pull rayé dont la tenue rappelle les silhouettes des images populaires des révolutions de 1830 et 1848 !!!!

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12, qui est rédigé par un correspondant local
lire l'article de Clarín, si hostile à la gauche en politique intérieure et si ouvert pour la France
lire l'article de La Nación (tiré de l'AFP)
lire l'article de La República sur les réaction du ministre Roberto Conde
lire l'article que La República consacre à Valérie Trierweiler (qu'il appelle de son nom de jeune fille), portant essentiellement sur le statut matrimonial du nouveau couple présidentiel (cela étonne là-bas qu'un chef d'Etat ne soit pas marié !). Le rédacteur n'est pas choqué mais il y a un peu de ça, tout de même... Voyez aussi les propos que le journaliste choisit de rapporter sur la volonté de cette dame de continuer à gagner sa vie pour soutenir sa propre famille sans le faire sur les deniers de l'Etat !
lire l'article de El País, qui est en fait une synthèse de différentes dépêches d'agence et peut être écouté en MP3 (et téléchargé aussi)