Faut-il parler de victoire
des mouvements des droits de l'homme, comme le faisait Página/12 hier, ou
d'habile résultat de la diplomatie conduite par Susana Malcorra ?
Eu égard au ton assez peu diplomatique employé ces derniers temps
par les associations argentines des droits de l'homme pour évoquer
la prochaine visite officielle en Argentine de Barack Obama, on peut assez bien
imaginer que c'est la ministre des Affaires étrangères qui a
obtenu de Washington cette décision historique : la
déclassification des archives sur la dictature de Videla et
consorts, qui a fait 30 000 disparus et 500 enfants en bas âge volés
à leur famille biologique, dont seulement une centaine ont
maintenant retrouvé leur parenté.
Retrouvant son sens
habituel de la conciliation, Estela de Carlotto, la présidente de Abuelas de Plaza de
Mayo, s'est félicité, au nom de son organisation, de cette décision
et le secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Claudio Avruj, a même
reconnu publiquement l'implication de la CIA dans le coup d'Etat du
24 mars 1976.
Tout devrait donc être
normalement réuni pour que le quarantième anniversaire de ce triste
événement, le 24 mars prochain, se déroule dans le calme et la
dignité, alors que Barack Obama se trouvera sur le sol argentin
depuis le 22 au soir, en provenance de Cuba. D'autant que d'après
une enquête exclusive publiée par La Nación (journal favorable à l'actuel
gouvernement et hostile au précédent), 70 % de la population soutient encore aujourd'hui le Gouvernement de Mauricio
Macri, même si la hausse des prix (très violente) est ressentie
comme une dégradation grave de la situation par une grande partie
des gens et un sujet de préoccupation plus important que celui de
l'insécurité (un thème qui a pourtant fait florès pendant la
campagne électorale). Seuls 29% des sondés déclarent rejeter la
politique du nouveau gouvernement, un chiffre très faible, en perte
d'une vingtaine de point par rapport au score obtenu par le candidat de la gauche, Daniel
Scioli, au second tour de l'élection présidentielle (quatre points
le séparaient de son adversaire) (2).
Par ailleurs, le Vatican a
lui aussi fait savoir que, conformément à une promesse du Pape
François à Estela de Carlotto en avril 2013, quelques semaines
après son élection, les archives diplomatiques du Saint Siège
concernant les dictatures en Argentine et en Uruguay seront très
prochainement mises à la disposition des chercheurs. Le Vatican les
organise en ce moment pour rendre possible cette consultation, qui
correspond à une demande de très longue date de la part des
organisations argentines.
Pour en savoir plus :
Sur l'ouverture des
archives nord-américaine
lire l'article de La Nación sur la prise de position du ministre de la Justice argentin,
qui annonce que ces archives vont en surprendre plus d'un
lire l'entrefilet de Página/12 sur les déclarations de Claudio Avruj
sur la position de Abuelas
de Plaza de Mayo
sur les archives du
Vatican
lire la dépêche de Télam
lire l'article de La Nación.
Ajout du 20 mars 2016
Lire l'article de Página/12 sur la déclassification des archives du Vatican.
Un article court mais en une, en ce Dimanche des Rameaux...
Ajout du 20 mars 2016
Une de Página/12 du 20 mars 2016 consacrée à la déclassification des archives du Vatican On y voit Videla, à droite, en civil, verre en main, sans doute à la nonciature |
Lire l'article de Página/12 sur la déclassification des archives du Vatican.
Un article court mais en une, en ce Dimanche des Rameaux...
La Prensa parle elle aussi de cette affaire en une, sans qu'il soit possible de trouver l'article correspondant en ligne sur son site Web. Ce qui arrive parfois avec ce journal (droite).
Cliquez, sur l'image pour une haute résolution |
lire le communiqué en français de Radio Vatican sur la déclassification des archives du Saint Siège
lire et écouter le communiqué en espagnol de Radio Vatican
(1) Página/12 trouve légitime la démarche de Dilma Roussef qui a nommé Lula Premier ministre pour lui octroyer une immunité qui le protège des investigations de la justice et l'ouverture par le Parlement d'une procédure de destitution contre la présidente (visée depuis deux ans par des accusations dont elle ne s'est jamais lavée) serait une tentative de coup d'Etat déguisé... Ben voyons !
De la part d'un quotidien qui n'avait pas de mots assez durs contre Berlusconi lorsqu'il faisait la même chose en Italie et qui s'est réjoui de la condamnation pénale définitive du "Cavaliere", c'est une attitude que je trouve inacceptable. La gauche aurait donc le droit de frauder, de s'enrichir par l'exercice du pouvoir, de ne pas répondre de sa gestion devant la Justice, tandis que la droite, dans la même situation déshonorante, devrait être jetée en prison et se trouve jugée avant même d'être entendue dans les formes constitutionnellement établies ! Ou plus exactement, lorsque la gauche est accusée de malversations, c'st un complot de la droite mais quand la droite est en fâcheuse posture, son délit est nécessairement constitué et ses accusateurs ne sont conduits que par la noble recherche de la vérité... Quand je lis ça, je comprends et je partage la rage de mes amis anti-K !
De la part d'un quotidien qui n'avait pas de mots assez durs contre Berlusconi lorsqu'il faisait la même chose en Italie et qui s'est réjoui de la condamnation pénale définitive du "Cavaliere", c'est une attitude que je trouve inacceptable. La gauche aurait donc le droit de frauder, de s'enrichir par l'exercice du pouvoir, de ne pas répondre de sa gestion devant la Justice, tandis que la droite, dans la même situation déshonorante, devrait être jetée en prison et se trouve jugée avant même d'être entendue dans les formes constitutionnellement établies ! Ou plus exactement, lorsque la gauche est accusée de malversations, c'st un complot de la droite mais quand la droite est en fâcheuse posture, son délit est nécessairement constitué et ses accusateurs ne sont conduits que par la noble recherche de la vérité... Quand je lis ça, je comprends et je partage la rage de mes amis anti-K !
(2) Mes contacts
personnels, ceux du moins qui ont voté pour Daniel Scioli, me disent
s'être détournés de la presse de droite qui manipulerait
l'information. Pour eux, seul Página/12 est fiable. Force m'est de
constater toutefois que la politique de Mauricio Macri suscite
relativement peu de réaction publique. Si cette réaction était
forte, si elle correspondait bel et bien aux 49% de votes émis pour
Daniel Scioli en novembre, il ne fait guère de doute, dans mon
esprit en tout cas, que Página/12 ne manquerait pas de s'en faire
largement l'écho. Or on trouve peu de référence à des
manifestations publiques massives dans les colonnes de ce journal,
que ce soit dans la rue, sur les réseaux sociaux, dans les théâtres
ou les lieux de culture associatifs, coopératifs, alors qu'il y
régnait jusqu'au 10 décembre une forte revendication kirchneriste
de même que dans les institutions culturelles publics, maintenant
gérées majoritairement à droite. En revanche, l'analyse, elle, est
abondamment développée dans les pages du quotidien qui semble
vouloir engranger les arguments contre la politique actuellement
menée. J'ai donc tendance à penser que l'enquête de La Nación
doit refléter de façon assez fidèle la réalité politique du pays
et le fait que Claudio Avruj, d'habitude si prudent, ose parler de
l'implication de la CIA dans le coup d'Etat de 1976 me conforte dans
cette idée : il faut que ce gouvernement se sache largement
soutenu pour aller ainsi contre l'aile extrême de la droite, que
Mauricio Macri caressait si bien dans le sens du poil avant le
premier tour de l'élection (en octobre) et lorsqu'il était à la
tête du gouvernement local de Buenos Aires. Pour que Avruj se soit
ainsi exprimé, il est presque certain que le thème aura été
directement abordé avec John Kerry et l'Ambassadeur des Etats-Unis
pendant la préparation du voyage d'Obama et que Kerry, voire le
Président lui-même, aura clairement accepté qu'on parle ainsi des
Etats-Unis des années 70. D'autant que ça ne peut pas faire de mal
dans le cadre de la campagne électorale où cette brute de Donald
Trump semble bien nostalgique de ces anciennes mœurs de l'Oncle Sam.
Il n'est guère pensable en effet que Macri laisse une déclaration
inconsidérée d'un de ses ministres mettre en péril la réussite de
cette visite de laquelle dépendent son prestige et son crédit
internationaux. L'idée n'est donc pas à écarter qu'à Buenos
Aires, Obama puisse poser un geste spectaculaire, dans la lignée du
recueillement de Willy Brandt au ghetto de Varsovie ou des mains
unies de Kohl et Mitterrand à Verdun.