lundi 7 mars 2016

On a tiré sur le siège de Nuevo Encuentro [Actu]

"Jours de plomb", dit le gros titre
au-dessus de cette photo d'une balle sur le bitume de Villa Crespo

C'est un grave fait divers qui s'est produit dans la nuit de samedi à dimanche dans le quartier populaire de Villa Crespo, à Buenos Aires, lors de l'inauguration du nouveau siège social du mouvement Nuevo Encuentro, un parti de la gauche péroniste, en l'occurrence celui présidé par Martín Sabbatella, l'un des ténors du kirchnerisme. Deux femmes ont été blessées, dont une touchée à l'épaule alors qu'elle tenait un enfant de quatre ans dans les bras. Toutes deux ont été hospitalisées immédiatement et se trouvent hors de danger.

L'événement a provoqué une émotion certaine dans la presse et dans le monde politique. Tous les partis ont condamné cette violence. La ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, doit recevoir dans l'après-midi Martín Sabbatella, avec lequel les macristes sont en conflit ouvert depuis que le gouvernement l'a fait déloger par la force de ses fonctions à la tête de l'AFSCA, la haute autorité de l'audiovisuel au temps de Cristina Kirchner. Horacio Rodríguez Larreta, le chef (macriste) du gouvernement portègne, a fait part de son horreur et s'est déclaré à la disposition des deux blessées et de Martín Sabbatella.

Il y a quelques jours à peine, une permanence de La Cámpora (l'organisation de la jeunesse kirchneriste) avait, elle aussi, été violemment attaquée à Mar del Plata. Il est donc difficile d'attribuer l'attaque à Buenos Aires à un simple hasard dû à un truand de passage ou à l'acte d'un fou.

Página/12 l'attribue à la montée d'hostilité et d'esprit revanchard que le gouvernement en fonction provoquerait sciemment par ses propos et ses décisions. La Nación se fait elle aussi l'écho de cette interprétation en citant les propos d'une dirigeante de Nuevo Encuentro.

Pourtant à Mendoza, où il y a eu des incidents assez forts entre des syndicalistes, notamment de ATE (le syndicat du secteur public) et les représentants de la nouvelle majorité (la même au niveau fédéral comme au niveau local), le ministre de l'Intérieur national s'est montré plutôt plus conciliant que les autorités provinciales (voir l'article de Clarín à ce propos).

Clarín préfère donc suggérer qu'il pourrait bien s'agir de la réaction d'un voisin irascible, qui aurait tiré depuis son appartement (dans l'un des étages supérieurs d'une tour toute proche), incommodé par le bruit de la fête : les militants avaient sorti les tables et la sono sur le trottoir et y organisaient un asado tardif, comme c'est l'usage quand on fait la fête en Argentine. Les voisins auraient en effet porté plainte au commissariat de secteur pour tapage nocturne. Dans le même quotidien, l'un des éditorialistes parie sur la prochaine disparition du kirchnerisme comme force politique, faute de combattants : il estime en effet que le parti n'arrive guère à mobiliser (ce qui n'est pas faux) et que ses supports traditionnels, dans les médias, l'abandonnent peu à peu faute de ressources financières, ce qui prouve que toute la propagande antérieure ne pouvait fonctionner que grâce à l'argent public et non pas à la trésorerie militante, ce qui est très certainement exact.

Pour aller plus loin :
lire l'éditorial de Clarín sur l'affaiblissement du kirchnerisme.

Ajouts du 8 mars 2016 :
lire l'article de Página/12 sur la rencontre entre Sabbatella et la ministre Bullrich,
lire l'entrefilet de Página/12 sur le cambriolage récent intervenu dans la résidence secondaire de Adolfo Pérez Esquivel, le prix Nobel de la Paix argentin, qui attribue cette action à un groupe de néonazis (il pense donc qu'il s'agit d'un acte politique délibéré contre un défenseur des droits de l'homme).

Ajout du 27 septembre 2016 :
lire l'article de La Prensa sur l'inculpation et la mise sous écrou d'un tireur probable, un jeune homme qui aurait contribué financièrement à la campagne de Mauricio Macri. Il est inculpé de tentatives d'homicide.