La rentrée se présente avec une
nouvelle vague de licenciements dans le secteur public et le
gouvernement Macri n'y va pas de main morte. C'est ainsi qu'on a
appris mercredi qu'un peu plus de mille personnes auraient été
congédiées du ministère de l'Education nationale : tous
travaillaient sur le programme Conectar Igualdad (que l'ont peut
traduire par Connecter Argentine Egalité). Ce programme fédéral,
lancé il y a plusieurs années par Cristina Kirchner, distribue des
notebooks gratuits dans les écoles du pays et y installe
progressivement l'accès à Internet haut-débit.
Ce nouveau licenciement massif
interviendrait après les promesses du gouvernement que le programme
allait continuer sans modification et que seuls les salariés payés
à ne rien faire, les fameux ñoquis dont le Gouvernement actuel veut
se séparer à toute force, seraient remerciés, que tous les autres
étaient assurés de conserver leur emploi sans changement
significatif. Si la décision prise par le Gouvernement atteint bien
le chiffre faramineux de 1.000 personnes (dans un pays de 40 millions
d'habitants, 24 entités fédérées et 512 municipalités), ni l'une
ni l'autre des ces promesses n'aurait été tenue. Dans ce cas, le
programme Conectar serait désormais décentralisé et chaque
province libre de décider si elle y participe ou non, ce qui serait
de la dernière hypocrisie. Les déséquilibres économiques entre
les provinces sont grands t le programme fédéral est là pour les
compenser. Certaines provinces sont incapables d'assurer par leurs
propres moyens une modernisation et un travail d'équipement de cette
envergure : Chaco, Santiago del Estero, sans doute aussi Santa
Cruz et Tierra del Fuego, sans parler de plusieurs autres qui ont
déjà défini leurs priorités budgétaires 2016 en comptant sur le
programme fédéral pour équiper les écoles...
Cependant, le ministre a très
rapidement publié un démenti où il affirme qu'il n'y a ni
licenciement massif (1) ni changement de politique dans ce domaine.
La nouvelle était pourtant sortie du ministère de la Modernisation,
qui chapeaute tout l'emploi public fédéral. C'est lui qui aurait
informé le coordinateur général de Conectar, Javier Castrillo, de
la liquidation de tout le service, ce que Castrillo, catastrophé,
s'est empressé de diffuser sur les réseaux sociaux. L'information a
ensuite été reprise et montée en neige par le syndicat du secteur
public, ATE, bien implanté et doté d'une forte capacité à
mobiliser rapidement et bruyamment. Or ce n'est pas la première fois
que le Gouvernement lance des annonces contradictoires entre ce
ministère de la modernisation ou l'un des ministères de l'Economie
(il y en a six) et un autre, opérationnel, en charge des dossiers
techniques et des négociations sur le terrain. A chaque fois, cela
provoque une explosion de colère, beaucoup d'incompréhension de
tous les côtés, des manifestations et des rassemblements furieux
(et dangereux, parce que les gens sont poussés à bout et qu'en
face, la police a la gâchette ou la matraque plutôt facile).
Une communication de l'année dernière, avant le départ de Cristina Kirchner |
Et pendant ce temps, Antonia Macri, la
petite dernière du président, vient de faire sa première rentrée,
à l'école maternelle du lycée français Jean Mermoz, une école de
luxe récemment visitée par François Hollande, qui délivre un
enseignement trilingue et biculturel dès les petites classes, comme
de nombreux établissements français installés hors de nos
frontières (tandis qu'à l'intérieur de ces frontières, le
gouvernement a osé penser supprimer les classes bilangues !
Cherchez l'erreur). Toujours est-il que cette petite fille, qui
appartient à la classe supérieure argentine, ne fréquentera pas
l'école publique qui dépend du Ministère de l'Education, mais une
école privée de très grand prestige, pas du tout concernée par
les difficultés éventuelles de Conectar.
Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 sur le
licenciement de tout le service Conectar hier
lire l'article de La Nación sur le
même événement, hier aussi. Le journal, pourtant de droite,
rapporte les propos de certains salariés dont l'un de 27 ans, qui se
croit licencié du jour au lendemain, sans indemnités, après 10
années de travail, sans doute dans ce ministère (2)
lire l'article de La Nación sur la
jolie rentrée scolaire de Antonia Macri (3), dans la même édition
(La Nación redevient donc un journal d'information, ce qu'elle était
à sa fondation, sur le modèle du Figaro et du Times des années
1860, et la rédaction se montre raisonnablement critique vis-à-vis
d'un gouvernement qui lui est proche)
lire l'article de Clarín sur la même
rentrée scolaire de la très mignonne mouflette présidentielle qui
partagera la cour de récréation avec la puînée du rockeur Fito
Paéz, kirchneriste dans l'âme, et qui lui aussi préfère éviter
l'école publique pour sa progéniture...
lire l'article de Página/12
d'aujourd'hui sur les positions ministérielles et les réponses
syndicales (préavis de grève pour lundi 7 mars et mercredi 9)
lire l'article de La Nación
d'aujourd'hui sur les explications fournies par le ministre
visiter le site Internet du programme Conectar Igualdad, une des très bonnes initiatives de développement
socio-culturel de Cristina Kirchner (il dépendait alors de l'ANSeS,
la sécurité sociale, comme on le voit encore sur le portail, et non
pas du ministère de l'Education – ce qui n'était pas logique,
mais cela fait partie de l'inachevé des réformes de modernisation
de l'Etat affichées par l'ancien gouvernement)
se connecter à la page Facebook du programme.
Ajout du 11 mars 2016 :
lire l'entrefilet de La Prensa : le Président Macri lui-même est allé à la rescousse du programme et l'a défendu hier ; c'est un bon programme, il sera poursuivi en l'état. Dès lors, pourquoi déclencher une telle tempête ? Une soixantaine de licenciements était déjà suffisant à mettre en colère les syndicats...
Ajout du 11 mars 2016 :
lire l'entrefilet de La Prensa : le Président Macri lui-même est allé à la rescousse du programme et l'a défendu hier ; c'est un bon programme, il sera poursuivi en l'état. Dès lors, pourquoi déclencher une telle tempête ? Une soixantaine de licenciements était déjà suffisant à mettre en colère les syndicats...
(1) Encore un sac de nœuds comme on en
a découverts en décembre au CCK, qui n'avait pratiquement pas de
personnel propre et utilisait les universités nationales pour
s'alimenter en programmes culturels et en ressources humaines, sans
en assumer la responsabilité sociale. Les personnes licenciées sur
le programme Conectar seraient seulement au nombre de 58, des agents
qui seraient liés par contrat précaire à des universités
nationales (surtout l'UNSAM, Universidad Nacional de San Martín,
dans la ville homonyme, dans la banlieue de Buenos Aires) et les
universités les mettaient en quelque sorte à disposition du
ministère. Or ces contrats arrivent à expiration le 31 mars et ne
seront pas renouvelés.
(2) Est-ce parce que ce sont des jeunes
et qu'ils ont encore l'énergie de leur âge pour manifester,
protester, faire de pieds et des mains pour se défendre, qu'on les
expulse ainsi du service public ? Il semble qu'il y ait beaucoup
de jeunes gens parmi ces milliers de personnes renvoyées en masse et
sans distinction. De l'autre côté, le ministre Hernán Lombardi a promis de
payer très prochainement les artistes contractés par le CCK, sous
le précédent gouvernement, pour telle ou telle manifestation et dont
le cachet n'a jamais été versé. Il se charge donc de payer une
dette du gouvernement précédent, qui a eu l'indécence de faire
intervenir des artistes sans les rétribuer ni leur remettre un
double de leur contrat ! Cette façon de faire alterner le chaud
et le froid dans les relations sociales au sein de l'Etat est pour le
moins dérangeante parce qu'un patron privé ne s'y prend jamais
autrement lorsqu'il veut brouiller les cartes pour les salariés,
pour qu'ils ne sachent plus sur quel pied danser et ne parviennent
plus à défendre leur travail ou leurs conditions de travail... Cela
rappelle aussi la stratégie politique employée par Margaret
Thatcher au début de son gouvernement lorsqu'elle voulait détruire
les syndicats. Elle faisait filtrer de fausses informations,
alarmistes, pour discréditer les syndicalistes qui s'en emparaient
aussitôt, les relayaient et se retrouvaient démentis par les faits.
Et elle est parvenue à ses fins : elle a considérablement
affaibli les trade-unions dans tout le pays. Javier Castrillo a
peut-être été victime d'une intox de ce genre en relayant sur son
compte Twitter personnel une information que la Modernisation venait
de lui transmettre et qui était fausse.
(3) La décision viendrait toutefois de
la maman, Julia Awada, dont l'aînée (famille recomposée) est en
classe elle aussi dans le quartier chic de Belgrano, dans le nord de
Buenos Aires.