Alors que l'opposition se
désespère devant la disparition d'une grande partie des acquis
sociaux développés par les présidents Néstor et Cristina
Kirchner, Página/12 a décidé de rendre, dans son supplément
économique Cash du 15 mars, un nouvel et solennel hommage à l'économiste
souverainiste de gauche Aldo Ferrer, décédé à l'âge de 88 ans la
semaine dernière. Il soutenait la politique des Kirchner.
L'un des grands acquis de
Cristina, la résistance d'un pays souverain aux intérêts privés
qui spéculent sur sa dette, risque de basculer aujourd'hui avec
l'ouverture du débat parlementaire sur le règlement, passablement
léonin (à en croire Página/12), du solde de la dette :
l'Argentine accepte de tout payer d'un coup, capital et intérêts,
et même de rembourser aux fonds privés les frais d'avocat qu'ils
ont engagés pour attaquer le pays devant la justice locale de New
York depuis deux ans. Qui plus est, ce règlement n'interdit même
pas à ces créanciers remboursés d'ester de nouveau en justice
contre la République argentine si jamais l'envie leur en prenait. Ce
dernier point est le plus surprenant : en général, un
règlement éteint définitivement les contentieux judiciaires entre
les parties.
L'ONU, organisation dans
laquelle travaillait il y a quelques mois encore la nouvelle ministre
des Affaires étrangères, Susana Malcorra, a déjà exprimé sa
préoccupation : l'organisation internationale avait en effet il
y a peu voté, sur proposition de l'Argentine, une résolution qui
protège les dettes souveraines des spéculations du marché. Et pour
ne rien arranger, Barack Obama, qui arrivera dans une semaine à
Buenos Aires pour une visite officielle très polémique, vient de se
féliciter publiquement de l'élection de Mauricio Macri tout en
rappelant que Cristina avait une politique hostile aux Etats-Unis (ce
qui n'est pas faux). Página/12 y consacrait hier un article au titre ironique, qui reprend le titre d'un film de Homero Manzi en hommage à Domingo Faustino Sarmiento (1811-1888) (1), la grande figure de l'idéologie libérale conservatrice
que déteste la gauche péroniste : Su mejor alumno (entendez "son
meilleur élève" – Macri à l'école d'Obama,
c'est-à-dire en fait celle de l'Oncle Sam).
(1) Sarmiento est resté dans la mémoire populaire comme un homme détaché des biens matériels, incorruptible et immense pédagogue. Il développa l'idée d'une école obligatoire, gratuite et laïque qui déboucha sur la loi de 1883, immédiatement après son mandat de président de la Nation.