samedi 17 novembre 2018

Le ARA San Juan enfin retrouvé [Actu]

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Le sous-marin, disparu il y tout juste un an, gît par 800 mètres de fond dans la Mer Argentine, dans l'Atlantique sud.
La voie d'eau et l'incendie à bord qu'évoquait le dernier message reçu du submersible à la Base navale de Mar del Plata est donc sans doute la cause de la perte du bâtiment, d'autant qu'il a été retrouvé dans les parages du point d'où il avait envoyé cet ultime message.
La découverte coïncide avec le début d'un long week-end où les Argentins fêtent une victoire fluviale (contre les Français), la fête de la Souveraineté.
Seul Clarín a pu annoncer l'information sur son édition imprimée de ce matin.
Sur Barrio de Tango, complément d'article lundi.

Ajout du 19 novembre 2018 :

Pour aller plus loin :
lire l'article de Página/12 de dimanche
lire l'article de Clarín sur le travail que devra fournir la juge d'instruction à partir des 67.000 photos que rapportera la mission exploratrice et qui permettront de créer une simulation numérique sur laquelle travailleront les experts qu'elle, les inculpés éventuels et les parties civiles pourront nommer

"En patrouille pour l'éternité ?", titrait La Prensa dimanche matin
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"Nous voulons que ces ordures aillent en prison", titrait Página/12 hier

Clarín a préféré titrer sur l'enquête et illustrer avec la photo des familles en pleurs
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Dimanche, La Nación a montré une manifestation des familles (bandeau supérieur)
et placé au centre de sa une une photo de l'hélice de l'épave
En gros titre : "Le San Juan a implosé et le Gouvernement
pense qu'il [sera] très difficile de le renflouer"
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Lundi :
Dans la journée de samedi, le président Mauricio Macri a fait une très courte intervention télévisée (1), enregistrée à l'avance (ce qui pourrait indiquer qu'il doutait de sa capacité à prendre la parole en direct). Il s'exprime avec une froideur fort peu en rapport avec la culture argentine et en pleine contradiction avec l'émotion et la peine qu'il attribue à tous les Argentins (sauf lui, semble-t-il). Il a revêtu un très élégant veston bleu marine et porte une cravate à dominante bleu moyen, le tout d'une très belle facture. Il n'a pas eu le tact de s'habiller en noir, ce qu'il pouvait faire facilement, eu égard à l'air conditionné de la résidence campagnarde de Los Olivos, d'où il s'exprime, où il vit avec sa famille (c'était déjà le cas sous les Kirchner) (2). Tout cela est pour le moins surprenant.
Par ailleurs, le président a enfin décrété trois jours de deuil national. Il était temps. Mais on cherche en vain sur le site Internet de la Casa Rosada, le palais présidentiel, une trace du décret et une autre du texte du message télévisé. La dernière information sur le sujet y concerne l'hommage rendu le 15 novembre et les dernières infos, tous sujets confondus, datent du 16 novembre. Comme si personne dans l'équipe présidentielle n'était en service pendant un long week-end. Le monde s'arrêterait-il donc de tourner les jours fériés ? Dans de telles circonstances, que le président dit considérer comme très graves dans son discours télévisé, on pourrait penser qu'il n'y a pas de long week-end qui tienne. A dix jours de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du G20 à Buenos Aires, il en va de sa crédibilité internationale. C'est incompréhensible.
Página/12 le signale d'ailleurs avec verve sur sa une de ce lundi férié.

"En week-end, le président de la Nation ne travaille pas ?"

Samedi et dimanche, les familles ont organisé des marches et des manifestations à Buenos Aires et à Mar del Plata et elles se sont répandues en déclarations vengeresses contre ce gouvernement qui semble si peu concerné par le malheur qui les touche. Elles ne sont toutefois pas unanimes. Les plus remontées réclament la prison pour les amiraux de l'état-major de la Marine (3) et pour le ministre de la Défense, voire pour le président lui-même dont certains sont convaincus qu'il savait déjà tout dès le 15 novembre, au moment où il prononçait à Mar del Plata ce discours d''hommage qui a remué le couteau dans la plaies des proches (au lieu de les réconforter) et que, par conséquent, la découverte du bâtiment le lendemain relevait d'une mise en scène gouvernementale. C'est toutefois fort peu probable puisque Mauricio Macri avait tout intérêt à annoncer la nouvelle avant l'hommage, quitte à reculer sine die celui-ci (la présidence argentine est aussi improvisatrice que le reste du pays, elle n'est pas à un report près). On peut aussi espérer que le décret aurait été prêt, ainsi que le site Internet de la Présidence et l'allocution télévisée. Il aurait eu le temps de peser ses propos au trébuchet avec des spin-doctors compétents (il peut se payer leurs services sur sa fortune personnelle) et de répéter, avant de parler en direct.

D'autres familles se sont fait plus discrètes.
Certains proches de disparus, parmi ceux qui s'expriment auprès des médias, exigent qu'on renfloue le sous-marin. Le ministre a annoncé que c'était impossible. Si tant est que l'opération soit matériellement possible, il faudrait des milliards de dollars pour remonter l'épave qui se trouve en fait à plus de 900 mètres de fond (et non pas 800 comme on l'avait annoncé dans la nuit de vendredi à samedi, au moment de la découverte) et qui pourrait se fracasser en mille morceaux au moindre essai de percer sa coque pour y passer des filins afin de la remonter à la surface. Les finances de l'Etat ne le permettent certainement pas, surtout que la recherche du bâtiment a déjà coûté des sommes colossales.

Le gouvernement envisage aujourd'hui d'organiser une cérémonie funéraire en haute mer. Selon la tradition des marins, les corps resteraient prisonniers de la coque, à bord du sous-marin que vivants, ces 44 hommes et femme ont servi.

En reprenant une partie du slogan des victimes de la Dictature
"Verité et Justice" [il manque Mémoire]
La Prensa montre le drapeau national en berne,
derrière la statue de Manuel Belgrano, sur Plaza de Mayo
et explique que le gouvernement envisage une cérémonie en mer.
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Il n'en reste pas moins vrai que la communication de crise du gouvernement et de la Marine a été désastreuse et que ce manque de transparence, ce manque de soutien aux familles, le refus de les recevoir lorsque certains de leurs représentants avaient dressé une tente sur Plaza de Mayo où ils passaient leurs jours et leurs nuits sont en partie à l'origine de ces réclamations des proches et du grand bruit que fait la gauche autour de la disparition du ARA San Juan, pour lui donner un sens politique qui dépasse peut-être les véritables responsabilités en jeu (une maintenance défectueuse semble désormais prouvée, reste à établir sans doute pourquoi elle a été défectueuse, entre responsabilité budgétaire, et donc politique, responsabilité gestionnaire, donc militaire, et faillite éventuelle du commandement, qu'il soit militaire ou politique). Le ministre de la Défense n'écarte pas des erreurs gouvernementales dans l'année qui vient de s'écouler mais nie toute espèce de mensonge de la part des autorités en place.

Pour en savoir plus :
lire l'article de Página/12 sur les accusations de mise en scène
lire l'article de La Prensa sur l'impossibilité de renflouer l'épave, selon le ministre
lire l'article de La Nación sur les différentes réactions publiques des familles.

Ajout du 20 novembre 2018 :
lire cet entrefilet de Página/12 sur les activités du président Macri pendant les jours de deuil national. Il s'est rendu à une petite fête organisée par le patron de Disney. Comme le ministre de l'Intérieure italien, Salvini, le 14 août, après la catastrophe de Gênes. Un comportement en contradiction avec les paroles graves, mais insincères, du discours télévisé. De quoi nourrir encore un peu plus la légitime rancœur des familles.
lire le billet publié dans La Prensa par un ancien combattant des Malouines, un officier de marine en retraite, qui dresse le bilan de la catastrophe en terme de conscience politique pour ses compatriotes
lire l'article de La Nación sur les déclarations de la juge d'instruction qui écarte, pour l'heure, toute responsabilité politique du président dans la survenue de l'accident fatal. On va aller chercher celle des lampistes, comme d'habitude.
lire l'article de Clarín sur le même sujet

Ajout du 29 novembre 2018 :
lire cet article de La Nación sur les avancées de l'instruction. La juge doit recevoir les 67.000 photos prises du submersible coulé mardi prochain. Elle a déjà annoncé qu'elle ne permettrait pas au ministère de la Défense d'en prendre connaissance.

Ajout du 12 décembre 2018 :
lire cet article de Clarín sur les déclarations de l'ancien chef d'Etat-major de la Marine, l'amiral Srur, devant la commission d'enquête bicamérale du Congrès argentin : le San Juan n'était pas en état de naviguer seul mais il n'en avait pas la connaissance exacte parce que ses subordonnés l'informaient mal...



(1) Elle a été mise en ligne hier sur le canal Youtube de la Casa Rosada (avec un lien sur le site). Sur fond officiel bleu ciel, on entend pendant de longues secondes un très désagréable bip bip d'attente avant l'apparition du président, qui, au moment de la prise d'antenne, a déjà prononcé une ou deux syllabes. Les techniciens n'ont même pas été capables de retransmettre ou d'enregistrer depuis le début ! Quel manque de respect pour les disparus et leurs proches ! Et il faut aller chercher dans le canal pour retrouver cette vidéo qui n'apparaît pas sur l'écran d'accueil.
(2) Il aurait pu se donner la peine de regagner la Casa Rosada pour y enregistrer son message, dans le décorum officiel de la capitale.
(3) L'ancien porte-parole du Centre naval de Mar del Plata, le commandant Balbi, que le gouvernement et l'état-major, avait laissé seul devant la presse dans les premières semaines de la crise, vient de recevoir une nouvelle mission : il part à Washington comme attaché naval.