Photo diffusée par la Présidence argentine |
C'est un intellectuel cosmopolite et
polyglotte qui vient d'être désigné pour remplacer le sociologue
Horacio González à la tête de la prestigieuse Biblioteca Nacional
Mariano Moreno, située rue Agüero à Palermo : Alberto
Manguel, né en 1948, vit actuellement à New-York où il écrit et
traduit. C'est un parfait bibliophile, aguerri à tous les enjeux du
livre, de l'écriture à l'édition en passant par la collection, le
référencement et la vente en librairie. L'homme parle anglais,
allemand, ses langues maternelles puisque c'est celles qu'il parlait
dans la petite enfance, le français ainsi que l'espagnol, qu'il a
surtout pratiqué à partir de l'âge de raison. Depuis plusieurs
années, il écrit régulièrement dans le journal espagnol El País.
Fils de diplomate, il a passé ses
premières années à Tel-Aviv, où son père a étrenné l'Ambassade
d'Argentine en Israël à l'époque de la création de l'Etat hébreu.
Il a obtenu la nationalité canadienne à la suite de son mariage
avec une ressortissante de ce pays. Intéressant pour nous Français,
il a inventé une bibliothèque idéale à Strasbourg.
C'est un professeur de littérature et
de philosophie qui a roulé sa science dans plusieurs universités
d'Europe et de l'Amérique du Nord. Il cumule les doctorats honoris
causa et les appartenances à des sociétés savantes. Il avait dû
quitter l'Argentine en 1969 en constatant que son pays ne lui offrait
pas la capacité de s'épanouir comme ce fut hélas le cas de
beaucoup d'intellectuels et d'artistes à la même époque. Comme
beaucoup de ses compatriotes, il a d'abord choisi la France pour s'y
établir. Il a aussi vécu à Londres, en Italie et à Toronto. Il
correspond exactement au programme politique que Pablo Avelluto, son
ministre de tutelle, vient de faire connaître par communiqué et que
je commente dans un autre article de ce jour. Toutefois il ne prendra
ses fonctions qu'en juillet, le temps pour lui de terminer le travail
dans lequel il est engagé aux Etats-Unis.
Alberto Manguel chez lui à Paris en 2013 (photo publiée par El País aujourd'hui) |
Il se dit honoré de la proposition et
"intimidé et mis au
défi" par la liste
impressionnante de ses prédécesseurs, parmi lesquels se trouve
Jorge Luis Borges, qu'il servait à seize ans lorsqu'il gagnait son
argent de poche comme vendeur dans la belle librairie Pygmalión de
avenida Corrientes, fréquentée par l'écrivain déjà aveugle. Et
il a aussi travaillé deux ans, de 1966 à 1968, dans la librairie
Galerna, esquina Corrientes y Callao, qui a fermé ses portes il y a
quelques années.
Son prédécesseur immédiat, Horacio
González, un kirchneriste affiché qui avait plusieurs fois eu des
démêlés politiques avec le gouvernement portègne de Mauricio
Macri, avait annoncé sa démission tout en acceptant de rester en
poste quelques jours nécessaires, le temps de procéder à la
nomination de son successeur. Mais ce départ n'a rien d'injuste :
Horacio González était à la tête de l'institution depuis 2004,
c'est-à-dire dès le début du mandat de Néstor Kirchner. Il aura
accompagné cette phase historique du début à la fin. Un changement
au bout de onze ans ne peut faire de mal à personne même si cela va
certainement secouer les habitudes prises.
Vue partielle de la une de La Nación ce matin |
La Bibliothèque nationale argentine a
été fondée en 1810 par le révolutionnaire Mariano Moreno, créateur de la Gaceta de Buenos Aires, le premier périodique argentin (1810-1821). Elle
est aujourd'hui la plus prestigieuse des bibliothèques nationales
d'Amérique du Sud. C'est une référence dans le domaine et, du fait
de plusieurs de ses directeurs historiques, elle a acquis un statut
de mythe sur le continent.
Ce matin, personne ne s'offusquait de
cette nomination, bien au contraire. Tout le monde reconnaît que
Manguel est l'homme de la situation dans ce poste. A nouveau, on peut
dire que le ministre de la Culture réussit la transition politique et nul ne peut lui contester qu'il s'est attelé à la tâche sans rechigner.
Pour en savoir plus :
lire l'article de Clarín
lire la courte interview accordée par
Alberto Manguel à La Nación
consulter la liste des articles écrits,
très éclectiques, dans El País
lire l'article de El País sur la
nomination de son chroniqueur
lire le communiqué officiel du
ministère de la Culture.
Clarín et La Nación ont fait paraître
l'information sur leur une de ce matin.