Hier midi, le président argentin Alberto Fernández a prononcé son discours d’ouverture de la session parlementaire 2021. Un discours long (plus d’une heure et demie) où il a rappelé toute l’action gouvernementale de l’année dernière alors que la pandémie a balayé le programme qu’il avait développé dans le même hémicycle à la même date et il a également décliné les très nombreux axes de sa politique dans les dix prochains mois.
Il avait
adopté un ton très résolu et ferme, n’hésitant pas à dénoncer
les comportements critiquables de la droite, notamment dans le monde
judiciaire où de très nombreux magistrats continuent à accuser,
instruire et juger en suivant leurs penchants politiques. L’année
dernière, Fernández avait annoncé une grande réforme de la
justice qui l’aurait fait passer du droit romain actuel au système
accusatoire (procédure anglo-saxonne) où le juge n’est que
l’arbitre du débat contradictoire qui se joue essentiellement
entre les parties. Cette grande réforme n’aura pas lieu. Elle sera
remplacée par l’introduction de jurys populaires pour compenser le
pouvoir du juge professionnel et sa tendance à tomber du côté où
il penche. Encore faudra-t-il que le président puisse le faire car
la crise sanitaire et économique n’est pas encore finie. Cette
dénonciation du fonctionnement de la justice, qui ne surprend
nullement à gauche et qui vient d’un professeur en droit pénal, a
déchaîné les foudres de la droite (ce qui pourrait indiquer qu’il
a visé juste). Dans la soirée, des gens sont sortis pour protester
en tapant sur des casseroles et l’opposition appelle à nouveau à
de grandes manifestations à venir. Ce sont souvent des appels à la
vengeance d’une violence et d’une hostilité incroyables. On
pourrait croire que le pays est au bord d’une guerre et hurle
contre un ennemi étranger ! La presse de droite fait semblant
de s’interroger sur ce qu’elle appelle un « discours
agressif » du président et sur la disparition de sa main
tendue pour rassembler les Argentins… C’est extraordinaire :
voilà un an qu’il tend la main et que la droite lui crache dessus.
Il est normal et légitime qu’il reprenne l’offensive.
"Fernández radicalise son attaque contre la justice et rompt avec l'opposition" Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Autre point qui a provoqué une énorme surprise : l’État va se porter partie civile contre le gouvernement précédent (président et ministres) pour tirer au clair ce qu’est devenu l’argent du prêt disproportionné que le FMI a accordé à l’Argentine à la mi-2018 en allant bien au-delà des capacités financières du pays, que ce prêt était censé aider. Or cet emprunt réduit considérablement à présent la liberté politique d’investissement de l’Argentine et la prive donc d’une bonne partie de sa souveraineté, alors que ses représentants légitimes n’ont pas été consultés sur le sujet. Or, selon la constitution, l’accord aurait dû être ratifié par le Congrès qui n’en a même pas vu la couleur.
La plainte sera déposée devant la justice pénale. La banque centrale (BCRA) a déjà commencé à construire les motifs de la plainte. On sait à présent que Donald Trump a pesé sur la décision du FMI, dirigé alors par Christine Lagarde, car il espérait ainsi aider son « ami » Mauricio Macri à se faire réélire. De ce côté-là, c’est doublement raté : les deux hommes ont été méchamment battus dans les urnes.
Dans son discours, le président a parlé à ce propos de « l’administration qui a le plus fraudé » dont l’Argentine se souvienne. Si la démarche va jusqu’au bout, elle pourra peut-être mettre fin une bonne fois pour toute à cette très mauvaise habitude du néolibéralisme argentin qui consiste à endetter systématiquement le pays et à le laisser toutes ressources épuisées, lesquelles sont souvent allé enrichir des gens déjà très fortunés.
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