vendredi 5 mars 2021

Double analyse du « lawfare » devant la cour de Cassation argentine [Actu]

"Avec une justice comme ça, il ne peut pas y avoir de démocratie",
titre Página/12 en citant Cristina Kirchner, ici pendant son audition
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Hier, Cristina Kirchner et Axel Kiciloff, actuellement vice-présidente de la Nation et gouverneur de la Province de Buenos Aires, comparaissaient devant la cour de Cassation fédérale pour tenter de casser la cause judiciaire qui est montée contre eux pour une supposée fraude d’achat-vente à terme de dollars pendant qu’ils étaient elle présidente et lui ministre des finances. En l’absence d’une monnaie convertible, l’Argentine est en effet contrainte d’administrer sa trésorerie et ses échanges avec l’étranger en dollars US qu’elle doit donc vendre et acheter en permanence. Or dans ces actes récurrents de gestion, il arrive que les évolutions du taux de change fasse perdre de l’argent au Trésor national. Et c’est précisément ce sur quoi portent les accusations, ce qui est très pervers puisqu’il s’agit d’opérations imposées par l’endettement phénoménal du pays, qui résulte des politiques néolibérales auxquelles ces deux responsables politiques s’opposent avec constance.

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Devant les accusations qui pèsent contre eux, ils se sont donc pourvus en cassation pour que la cour annule les actions intentées. L’audience avait lieu hier. Tous deux ont présenté leur défense en visioconférence et en direct depuis leurs bureaux officiels respectifs, avec retransmission publique.

Lors de cette audience, tous les deux ont fait le procès d’une justice fédérale qui fonctionne d’une manière très souvent partisane pour persécuter les hommes et les femmes politiques de gauche et favoriser les porteurs de politique de droite, ce qui correspond à une instrumentalisation des institutions judiciaires mise à la disposition d’un projet idéologique. Ce qui est vrai sur tout le continent : on a vu le phénomène à l’œuvre au Brésil d’abord avec la destitution de Dilma Roussef sur des accusations du même ordre que celles du dolar futuro argentin et plus tard la condamnation de Lula, en voie d’être cassée, qui a permis l’élection de Jair Bolsonaro ; on l’a vu ensuite en Équateur, au Pérou et en Bolivie. Rappelons que Cristina Kirchner est avocate de métier. Elle sait donc construire des conclusions judiciaires.

"Pour se défendre dans une affaire de fraude,
Cristina a dit que la Justice était pourrie"
Au-dessus du gros titre, Piazzolla - hommage pour ses cent ans
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En Argentine, la double défense ainsi exposée vient conforter le discours de début d’année que le président Alberto Fernández a tenu lundi dernier devant le Congrès et pourrait annoncer quelque chose des lois qui devraient être votées en 2021 pour corriger les travers de ce système judiciaire et le rendre plus démocratique.

"Cristina s'en prend aux juges et dénonce
un système pourri et pervers"
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A la une des quotidiens, on ne sera pas surpris de retrouver l’opposition systématique entre droite et gauche, la première parlant d’attaque indigne contre la Justice, la seconde vantant l’habileté de l’argumentation de Cristina (et celle de Kiciloff).

© Denise Anne Clavilier

Pour en savoir plus :


Ajouts du 6 mars 2021 :
lire l'article de Página/12 qui rapporte le soutien plein et entier du président à la position juridique prise par sa vice-présidente. Alberto Fernández est lui aussi juriste (il est professeur d'université en droit pénal).
lire l'article de La Prensa sur le même sujet