L'image Twitter de la campagne de souscription |
L’ancien président vient de sortir un livre où il fait l’apologie de son mandat qui peut pourtant être résumé comme un échec profond : pendant deux ans et demi, il a cru que son nom et son appartenance à une famille patronale suffiraient à faire venir en grand nombre les investisseurs étrangers, ce qui n’a bien évidemment pas été le cas (il faut des garanties un peu plus solides qu’une élection au second tour pour leur inspirer confiance) ; au bout de ce temps, les caisses de l’État vidées par les réductions fiscales au profit des riches et des spéculateurs, il a livré à nouveau le pays au FMI, l’institution la plus haïe en Argentine, et à un endettement surdimensionné : il a perdu même l’estime d’un grand nombre de ses partisans qui n’ont pas hésité à se répandre en critiques désobligeantes et parfois insultantes dans les médias et son adversaire politique l’a battu à plate couture dès les primaires en août 2019 avant de l’écraser définitivement au premier tour en octobre. Et maintenant, il traîne des casseroles qui font peser sur lui des soupçons parfois infamants (corruption, enrichissement personnel, évasion de capitaux, actes d’espionnage contre ses opposants, voire des familles de militaires morts en service, abandon d’un sous-marin perdu en mer et son équipage de 44 membres et signature inconstitutionnelle d’un emprunt engageant l’avenir du pays). On en oublierait presque son impardonnable ambiguïté sur les Malouines (il oubliait parfois qu’elles sont constitutionnellement partie intégrante du territoire national), ses métaphores et plaisanteries sexistes (y compris au détriment de Christine Lagarde, alors à la tête du FMI), ses innombrables vacances de gosse de riche et l’indécence avec laquelle il a rejeté les soupçons de malversations pesant sur la holding familiale sur son père quelques jours à peine après l’avoir porté en terre.
Pas facile de
défendre un tel bilan !
Quatrième de couverture Cliquez sur l'image pour une meilleure résolution |
Le premier
tirage du livre n’en a pas moins été épuisé dès la
souscription : à six mois des élections de mi-mandat, la
droite en a profité pour se compter et ça a marché. Pourtant, on
croit généralement que l’ancien président n’a fait que signer
l’ouvrage, écrit par un rédacteur professionnel inconnu (c’est
le cas de la plupart des livres de politiques). On connaît de toute
manière son peu de talent pour le maniement de la langue. Il est
assez mauvais orateur, sa culture générale laisse à désirer e son
vocabulaire est pauvre. Il lit peu et à peu près rien en matière
de littérature de qualité. Diplômé aux États-Unis,
il a perdu à peu près tout l’anglais acquis dans sa jeunesse
studieuse. De profession, il est ingénieur et cette formation ne lui
a pas donné une maîtrise durable du verbe.
Un titre sur la querelle entre Berni et Frederic concernant des questions de sécurité publiques Une photo pour un Macri triomphant avec sa femme à ses côtés Cliquez sur l'image pour une haute résolution |
Cela n’a pas empêché que la présentation de son livre hier au palais des expositions de Recoleta (l’un des lieux les plus laids de Buenos Aires) a rassemblé une foule d’admirateurs, dont sont sortis plusieurs slogans passablement haineux contre la majorité et le gouvernement actuel. Tout ce qui avait été évité le 10 décembre 2015, le jour de sa prestation de serment au début de son mandat… Cinq ans après, la belle retenue et la dignité démocratique sont passées par pertes et profits. Macri était entouré de sa garde prétorienne, composée de personnalités passablement sectaires (Patricia Bullrich et compagnie) et de certains modérés qui se sont faits beaucoup plus discrets. Ils ne pouvaient pas ne pas venir faire de la figuration. Quand on est candidat et si près du scrutin, comment faire autrement !
Le livre est en vente dans de nombreuses librairies au prix de 1 690 pesos mais certaines ont annoncé publiquement qu’elles ne le vendraient pas. L’ouvrage a déjà reçu des commentaires élogieux du très droitier et ultra-libéral prix Nobel de littérature péruvien Mario Vargas Llosa (voir cet entrefilet de La Nación).
Il y a quatre
jours, en plein battage médiatique par l’ex-président (plus que
par sa maison d’édition), Daniel Paz et Rudy s’en sont payé une
bonne tranche dans la vignette du jour à la une du Página/12 du
16 mars 2021.
La journaliste : « De quoi parle votre
livre ? »
Mauricio Macri : « De toutes les
réussites que nous avons réussi à réussir au cours de ma
présidence. »
La journaliste : « Il y en a qui
disent qu’au cours de ces quatre années, vous avez volé la moitié
du pays. »
Mauricio Macri : « C’est pour ça que
ça s’appelle Première
mi-temps » (1).
Traduction © Denise Anne Clavilier.
Pour aller
plus loin :
lire l’article de La Nación
lire la présentation a minima de l’éditeur sur le site Web de Planeta Argentina
(1) Il ne faut pas oublier qu’il est un dirigeant de football. Ancien président du club de Boca Juniors où il est entré en conflit constant avec Diego Maradona, le meilleur buteur de l’équipe, il est aujourd’hui président d’une fondation de la FIFA, ce qui lui permet de voyager dans le monde entier aux frais de la princesse.